Depuis sa reprise par la société Hobby World, en 2015, les Éditions de l’océan Indien (EOI) est passée par la difficile étape de la privatisation et une remise à plat des pratiques qui étaient celles d’un corps paraétatique. Son directeur-général, Yashvin Hassamal, explique que l’année 2017 sera décisive pour la pérennité de l’entreprise.
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Pourquoi en 2015, votre société, Hobby World, était intéressée à reprendre une entreprise paraétatique qui était lourdement endettée ?
D’abord parce que nous étions nous-mêmes un client des Éditions de l’océan Indien, étant un fournisseur de papeterie, ensuite parce que nous connaissons bien le marché de l’édition, et nous sommes toujours confiants dans une stratégie de production intégrée. C’était un réel défi pour remettre à flots une entreprise endettée à quelque Rs 77 millions, sans compter avec un personnel qui avait ses habitudes propres à un corps paraétatique. Quand, j’ai commencé à éplucher les comptes, j’ai été surpris par l’ampleur du déficit de la boîte.
Comment avez-vous fait ?
Face aux salariés, nous avons agi dans le dialogue et aux créanciers, dont l’ex-Bramer Bank, nous avons proposé un plan de redressement. Puis nous avons convoqué les imprimeurs, les fournisseurs et les auteurs, ce qui représentait environ 350 créanciers. Tout le monde souhaitait qu’un repreneur se montre. La garantie de l’État était un atout majeur. C’était la SIC, actionnaire étatique, qui pilotait la vente.
Quelles ont été vos premières décisions ?
Les EOI avaient un effectif surnuméraire, certains salariés travaillaient sans véritable engagement, on roulait à perte, avec une fraude massive qui n’a jamais été élucidée. Il y avait une obligation d’être performant. Le plus gros litige était le paiement du temps de service à ceux qui voulaient partir, c’est la SIC qui a payé la note. Puis il y avait l’option offerte aux salariés de rester ou de partir. Vingt-trois personnes sont parties, le reste a compris qu’il fallait changer de culture de travail. Puis, j’ai parlé aux auteurs qui, heureusement, nous sont restés fidèles.
Avez-vous recruté du personnel jeune ?
Oui, une vingtaine, qui apporte leur volonté de travail, avec les anciens qui, eux, ont l’expérience du métier. Le livre électronique est davantage un outil additionnel de pédagogie, pas une menace. Ils savent que l’entreprise offre des opportunités de promotion, comme ce helper, qui est devenu réceptionniste ou encore un autre qui a été promu cadre administratif.
Est-ce qu’il y a de l’ingérence politique dans l’administration des EOI ?
Aucune. Nous sommes totalement privés. Il arrive que des jeunes, forts d’un backing politique, postulent. Il n’y a rien de mal, à condition qu’ils possèdent les compétences requises. Ils arrivent avec des recommandations de certains politiciens et, à mon tour, je leur demande d’envoyer leurs C.V.
Comment avez-vous géré l’entreprise en 2016 ?
J’ai passé plus de temps à mettre de l’ordre dans les comptes et il a fallu aussi investir dans la rénovation du bâtiment, le système informatique et la formation. Je ne souhaitais pas m’imposer dans la brutalité, car j’ai affaire à des êtres humains dont dépend le sort de l’entreprise. Certains ont voulu jouer le jeu, d’autres, pas nombreux, sont partis monter leurs boîtes en emportant des informations auxquelles ils avaient accès. Mais, heureusement, ils n’ont pas affecté beaucoup les EOI. À l’époque, nous n’avions pas encore la clause de confidentialité dans nos règlements. Ça aussi, ça a démontré les carences administratives des anciennes administrations. Cela dit, moi aussi, j’ai commis des erreurs d’apprentissage.
« Les seules études académiques ne suffisent pas pour que l’enfant devienne un être humain épanoui (…) »
Comment se présente le monde de l’édition, est-elle en bonne santé ?
C’est un secteur assez concurrentiel, mais les joueurs sont peu nombreux, surtout dans la production des manuels scolaires. C’est une bonne chose, car ça permet de hausser la qualité.
Est-ce que le livre électronique ne présente-t-il pas une menace pour votre métier à long terme ?
Le livre électronique est davantage un outil additionnel de pédagogie, pas une menace. Nous, déjà, nous en accommodons, le dernier livre de Lindley Couronne, Belles Lettres 1, est aussi disponible sur Youtube. Nous ne craignons pas l’émergence du numérique parce que le livre papier reste un moyen d’accès à la connaissance, pratique et facile à lire. On peut lire quelques pages d’un livre sur le Web, mais pas tout le livre.
Lorsque l’email était apparu, on croyait que le fax allait disparaître. Je lisais un rapport récemment qui avait démontré qu’en écrivant à la main, un enfant mémorisait plus qu’en se servant d’un clavier. Même dans les pays développés, les livres physiques existent toujours. Des statistiques ont montré qu’en 2016, les gens sont en train de retourner vers le livre physique. Dans le monde de l’édition, on se pose aussi la question de la robotisation et quel sera le rôle de l’être humain dans la production de la connaissance et jusqu’où peut-on aller. De la même manière, si on pousse la robotisation, la numérisation et l’enseignement dans ses dernières limites, cela signifie que les apprenants n’iront plus en classes.
C’est grave, car cela leur priverait des salles de classe et des cours de récréation qui sont des lieux de rencontres physiques, pas virtuelles, où ils peuvent ‘socialiser’. Les seules études académiques ne suffisent pas pour que l’enfant devienne un être humain épanoui, il lui faut aussi connaître les valeurs morales. Seule la transmission orale peut transmettre ces valeurs-là.
Est-ce que l’édition des ouvrages extra-scolaires, comme les romans ou les essais, est-elle rentable ?
Non. Nous le faisons parce que nous avons un devoir pédagogique au-delà de l’édition des manuels scolaires. Cette année, nous mettrons sur pied un comité de lecture pour évaluer les ouvrages qui nous parviennent.
Est-ce que vous êtes prêt à publier des ouvrages érotiques ?
Non. L’année dernière, j’avais reçu un manuscrit dans ce registre-là, c’était un auteur mauricien qui avait écrit un roman érotique en anglais dans le style 50 Shades of Grey. J’ai refusé de le publier, je ne voulais pas prendre de risques alors qu’on était encore en phase de restructuration. Dans cinq ans, je le ferai peut-être, mais à titre personnel. Mais dans l’immédiat, il y a des choses plus urgentes avec le Nine-Year Continuous Basic Education et les défis que cette réforme posera, car on sait que la compétition féroce ne disparaîtra pas. On va se faire rattraper forcément.
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