Il a voulu jouer la carte de la diplomatie. Pour Reza Uteem, le militant qu’a été Franco Quirin s’est tiré une balle dans les pieds en s’excluant lui-même des instances mauves. Il estime également que la fille du leader du MMM a la carrure pour reprendre le flambeau des militants. Après papa.
On a vu défiler une équipe de syndicalistes, et non des moindres, menée par nul autre que Jack Bizlall, jeudi. Quelles sont vos relations avec le monde syndical?
Depuis que je suis devenu ministre du Travail, j’ai adopté une politique de porte ouverte. Rien qu’aujourd’hui (ndlr : jeudi), j’ai reçu pas moins de trois fédérations de syndicats, Je les connaissais avant en tant qu’avocat, ce monde-là ne m’est pas indifférent et leur combat est juste. Je suis à leur écoute.
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Il y a des problèmes à la CWA, au CEB, des conflits industriels. Comment tout gérer?
Au sein de diverses entreprises, il y a des litiges, il faut le reconnaître. Certaines ne respectent pas les règles, les conditions et il y aurait des licenciements injustifiés. Au niveau du ministère, on tente la conciliation et la médiation pour que les droits des travailleurs soient respectés et qu’ils ne se retrouvent pas au chômage. À ce niveau, je dois féliciter les officiers de mon ministère qui font tout pour protéger les travailleurs.
Un exemple depuis que vous êtes ministre du Travail ?
Jeudi matin, il y avait foule devant mon ministère. 500 employés d’une entreprise, tous des étrangers. On a pu trouver un terrain d’entente avec la direction et les employés ont repris leur boulot. C’est de la diplomatie industrielle. Il nous faut un partenariat patronat/employés.
Justement, c’est l’une des pierres angulaires de ce gouvernement : la participation des travailleurs dans le conseil d’administration. Serait-ce un rêve ?
Je vais faire en sorte que chaque entreprise paraétatique et autres puisse avoir au moins un travailleur sur le conseil d’administration, qu’il ait son mot à dire. Ce représentant serait alors partie prenante des décisions du board.
Votre approche serait-elle verticale ou rectiligne?
Je suis pour le changement radical et non pour maintenir le statuquo. Je veux améliorer les relations industrielles trop longtemps demeurées statiques. Il faut une relation direction/employés.
Il faut reconnaître que, sous l’ancien régime, il y a eu des efforts faits en faveur des travailleurs, comme le salaire minimal…
Je dois reconnaître que Soodesh Callichurn, en tant qu’ex-ministre du Travail a fait un bon travail. J’ai moi-même voté en faveur du salaire minimal. J’ai soutenu ce projet de loi. Il y a eu des décisions de l’ex-gouvernement qui ont été prises en faveur des travailleurs. Mais, il reste encore du chemin à parcourir.
Vous proposez quoi ?
Il faut réglementer le secteur informel. Les employeurs n’emploient plus des personnes à plein temps. Ils sont devenus des ‘Service Providers’. Donc, ces travailleurs n’ont pas de sick et local leaves, pas de contribution à la CSG, pas de ‘off’, ils travaillent tous les week-ends, ils ont un salaire de misère et ils bossent plus que des ‘full time workers’. Il faut arrêter cela. Ce ne sont pas des ‘self-employed’. Il n’y a pas de loi-cadre pour cette catégorie de travailleurs qu’on exploite. Il leur faut un revenu minimal, un taux de Rs 100 pour l’heure de travail. Il n’y a qu’un simple calcul de maths à faire et vous arrivez à ce chiffre qui est juste pour un travail accompli.
On dit que le ministère du Travail est en faveur du patronat pour éviter le chômage. Est-ce vrai?
Le ministère du Travail doit jongler entre les droits des travailleurs et écouter les employeurs pour éviter des licenciements. Je ne pense pas que mon ministère favorise le patronat, c’est le contraire qui est vrai. La loi est claire.
Les jeunes ont tendance à choisir un job, quitte à chômer si ce qu’on leur offre ne les satisfait pas…
On a un souci de mismatching. Les offres d’emploi ne correspondent pas aux qualifications des demandeurs d’emploi. C’est dramatique, il y a de nombreux jeunes et des femmes qui préfèrent ne pas travailler parce que l’emploi qu’on leur propose ne correspond pas à leurs aspirations. Un tout petit pays comme le nôtre ne peut se permettre d’avoir un taux de chômage aussi important. C’est un ‘waste of resources’.
Faudrait-il prendre les collégiens dès le secondaire par la main et les canaliser vers des secteurs porteurs pour notre économie, des métiers et pourquoi pas une école des métiers comme il existe ailleurs pour avoir des artisans que nous manquons ?
Effectivement, au niveau du gouvernement, on songe que les collégiens soient orientés vers des métiers où il y a une pénurie de main-d’œuvre. Il nous faut encourager des centres de formation polytechnique, revaloriser les métiers d’artisan. On a des jeunes bons académiquement et d’autres pour des travaux manuels. Les deux doivent pouvoir cohabiter et avoir la même valeur.
Vous avez fait voter le fameux 14e mois. Qui décaissera pour les PME?
La loi prévoit que les PME et d’autres entreprises qui ne peuvent payer le 14e mois comme promis seraient remboursées par la MRA. Il y a des critères définis à respecter. Il faut qu’elles fassent la demande. Il est étrange que certaines entreprises attendent que la MRA les paie pour payer le 14e mois. C’est illégal. Le 14e mois est obligatoire pour 2024.
Le 14e mois, est-ce un one-off ou c’est pour chaque année?
Il y a des représentations des syndicats qui demandent que le 14e mois soit effectif chaque année. Cela a un coût pour tous. On verra.
Il y a un nombre croissant de travailleurs étrangers, dont des Bangladais, chez nous. Est-ce un mal nécessaire?
Maurice connaît un vieillissement de sa population. C’est un fait. On ne peut se permettre de ne pas avoir recours aux travailleurs étrangers et je leur remercie de leur apport à notre économie. Sans les travailleurs étrangers, on n’aurait pas de pain maison chaque matin.
Mais, il faut reconnaître qu’ils sont exploités par des patrons véreux…
Je suis d’accord. Ce secteur de travailleurs étrangers mérite qu’on s’y attarde. Il faut tout réglementer. Il y a des abus, des exploitations et cela a été sanctionné par des institutions internationales, dont les USA qui nous accusent d’exploitation humaine.
À quel niveau?
Certaines critiques vont jusqu’à dire qu’il y a un trafic humain avec un réseau de prostitution établi des travailleurs étrangers. C’est grave. Je me penche sur la question. C’est inacceptable et mon ministère travaille avec la police et d’autres autorités pour y mettre un frein, car il y va de notre réputation. Le trafic humain de travailleurs étrangers, de la prostitution de jeunes femmes étrangères venues gagner leur vie chez nous ? Inacceptable ! En tant que ministre, je serai sans pitié.
Venons-en à la politique. Votre compère Franco Quirin du MMM fait des vagues. Le premier couac de ce gouvernement ?
Je suis triste pour Franco Quirin. On a été élus pour la première fois il y a 15 ans et nous deux avions été élus sans interruption depuis. Il est un ami de longue date, un militant, tout comme moi. Franco est un compagnon d’arme dans la longue traversée du désert du MMM. Je comprends la déception de Franco.
S’est-il planté parce que frustré de ne pas avoir été nommé ministre des Sports et de la jeunesse?
Il n’a pas été nommé ministre, c’est un fait.
Lui a-t-on offert un autre poste, Junior Minister par exemple?
Pas que je sache.
Il serait un 3e membre de l’Opposition qui est déjà maigrichonne?
Il a pris ses distances du MMM et de ses instances. Franco Quirin s’est exclu du MMM et on n’a eu d’autre choix que de le remplacer par Joanna Bérenger et aussi Karen Foo Kune sur le dossier des sports. Le Bureau politique du MMM a conclu que Franco Quirin s’est auto-exclu du MMM.
Que va-t-il faire, se mettre dans les rangs de l’Opposition avec Joe Lesjongard et Adrien Duval ?
Posez-lui la question. Franco Quirin ne sait même pas ce qu’il compte faire. On verra à la rentrée parlementaire.
Paul Bérenger est le No 2 du gouvernement, il siège au Cabinet, sans portefeuille. Est-ce normal, est-il un mentor ?
C’est le choix de Paul Bérenger de ne prendre aucun portefeuille ministériel. Mais, il a été très impliqué sur deux dossiers : le 14e mois et les Chagos. Le leader du MMM veille au grain sur différents dossiers sensibles de différents ministères.
On parle du futur. Que ce soit au PTr et surtout au MMM. Que sera un MMM sans Paul Bérenger ?
Le MMM est un parti très démocratique. Tout passe par des instances, que ce soit au niveau des régionales, de l’assemblée des délégués, du Comité central et du Bureau Politique. On a aussi des office bearers.
Si on vous demande de prendre le poste de leader après Paul Bérenger, vous le président du MMM et fils de Cassam Uteem, vous diriez non?
Au sein du MMM, il y a des personnes, des militants capables qui peuvent aspirer à être le leader du MMM quand le leader actuel passerait la main un jour. On pourrait penser à avoir une période de transition pour un leadership collégial. Pourquoi pas?
Il y a la fille du leader des mauves qui a pour patronyme Bérenger et comme prénom Joanna et qui fait bien en tant que Junior Minister avec le plan de sauvetage de Mare Chicose, juste pour ne citer que cela…
Joanna Bérenger connaît ses dossiers. C’est une femme passionnée. C’est la fille de Paul Bérenger et Joanna Bérenger a toutes les qualités pour devenir le leader du MMM. Après son papa. Car, déjà, en tant que Junior Minister, elle brille. Donc…
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