Economie

La bonne gouvernance: le débat se prolonge

Le Good Governance and Integrity Reporting Bill continue à faire couler beaucoup d’encre. D’un côté, le ministre des Services financiers tente de convaincre de l’objectif de la loi et de l’autre, l’opposition exprime ses craintes quant aux « dangers » qu’elle représente. Le Défi-Economie revient sur les principes de la bonne gouvernance. Le Good Governance and Integrity Reporting Bill fait réagir la politique et la société civile. Si tout le monde est plus ou moins d’accord sur le fond, c’est sur la forme que les opinions diffèrent. L’amendement constitutionnel requis pour ce projet de loi fait également débat. [[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"3669","attributes":{"class":"media-image alignright wp-image-5476","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"400","height":"331","alt":"La bonne gouvernance"}}]]La « bonne » gouvernance est un nouveau modèle de développement conçu dans les années 1990, lorsque les politiques d’ajustement sont apparues insuffisantes pour restaurer la croissance. D’abord présentée par la Banque mondiale comme une meilleure gestion des ressources budgétaires afin de relancer les réformes de la Fonction publique et de l’appareil étatique, la gouvernance a trouvé une extension particulière dans la gouvernance démocratique. Une gouvernance est considérée comme « bonne » et démocratique quand les institutions et procédés d’un pays sont transparents. C’est une vaste notion qui englobe tous les aspects de la gestion des affaires d’un pays, notamment la politique économique, le cadre réglementaire et l’état de droit. La corruption y est étroitement liée, la mauvaise gouvernance ouvrant la voie aux abus et incitant davantage à la corruption. La corruption mine la confiance de l’opinion publique à l’égard des pouvoirs publics. Elle menace aussi l’intégrité du marché, fausse la concurrence et nuit au développement économique. Alors que la bonne gouvernance favorise l’équité, la participation, le pluralisme, la transparence, la responsabilisation et la primauté du droit, de façon efficace et durable.

Promouvoir la bonne gouvernance

La formation à la gestion des cadres moyens et supérieurs dans l’administration publique par des approches modernes change la capacité du secteur public à fournir des services aux citoyens et répondre à leurs préoccupations. La réglementation du secteur informel contribue aussi à la bonne gouvernance. La bonne gouvernance, c’est aussi la méritocratie et l’égalité des chances.

L’impact économique

La notion de Unexplained Wealth, c’est-à-dire les biens dont les sources de revenus ne peuvent être expliquées, ramènera une grande partie de l’économie informelle sous l’administration fiscale. Toutefois, il y a un risque que l’argent dont les sources ne peuvent être expliquées ne sera pas réinvesti, provocant un rétrécissement de l’économie. D’autre part, comme c’est le cas pour toute nouvelle loi, les gens concernés trouveront toujours des astuces pour la contourner. Cela va créer des opportunités pour les experts légaux, dont les Tax Planners et les Wealth Managers. La loi forcera également les corrompus à trouver de nouvelles méthodes de corruption. Dans beaucoup de pays, l’introduction de telles lois est accompagnée d’un changement de billets de banques, afin de rendre inutilisables les anciens billets de banques pas en circulation.

Les douze principes

Selon le Conseil de l’Europe, les douze principes de la bonne gouvernance sont comme suit:
  1. Élections conformes au droit, représentation et participation justes
  2. Réactivité des services publics dans un délai raisonnable
  3. Efficacité et efficience
  4. Ouverture et transparence
  5. État de droit
  6. Comportement éthique
  7. Compétences et capacités
  8. Innovation et ouverture d’esprit face au changement
  9. Durabilité et orientation à long terme
  10. Gestion financière saine
  11. Droits de l’Homme, diversité culturelle et cohésion sociale
  12. Obligation de rendre des comptes

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Le coffre-fort de l’Afrique

À noter que dans le programme électoral de l’alliance au pouvoir, mention est faite de faire de l’île Maurice le coffre-fort de l’Afrique, en encourageant les riches étrangers à venir sécuriser leurs actifs durables (or, argent, bijoux, œuvres d’art et devises étrangères) à Maurice. On ne sait pas si la nouvelle loi s’appliquera aux résidents étrangers également.

Jane Valls, CEO du MIoD: « Nous attendons de voir comment la loi sera mise en pratique »

  Nous avons abordé le sujet de la bonne gouvernance avec Jane Valls, CEO du Mauritius Institute of Directors. Jane Valls met l’accent sur la nécessité de protéger les dénonciateurs et l’importance d’éduquer correctement la population.
[[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"3668","attributes":{"class":"media-image wp-image-5475","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"400","height":"550","alt":"Jane Valls"}}]] Jane Valls, CEO du MIoD

La bonne gouvernance fait débat. Est-ce que le MIoD est-elle satisfaite des derniers développements, notamment les lois sur la Good Governance ? La Good Governance and Integrity Reporting Bill est une démarche favorable qui permettra d’inculquer une culture de bonne gouvernance à Maurice et soutiendra le travail qui a été fait jusqu’à présent dans le secteur public et le secteur privé. Un des aspects les plus importants de cette nouvelle loi concerne la protection des dénonciateurs, ou whistleblowers. La dénonciation des malversations par des employés ou autre personnes, est un élément clé dans la lutte contre la corruption, car ce genre de révélation permet souvent de lever le voile sur des scandales au sein des entreprises. Dans l’absence d’une loi pour assurer leur protection, les whistleblowers avaient trop peur des représailles pour venir en avant et rapporter des cas de corruption ou de fraude. Bien sûr, nous attendons de voir comment la loi sera mise en pratique, car il faudra aussi faire attention aux dénonciations calomnieuses. Il est essentiel de mener une compagne nationale de communication afin d’éduquer correctement la population. Les employés doivent être bien informés pour savoir quand et comment il faut utiliser cet outil de dénonciation. Il va de soi que la population doit avoir confiance dans la mise en pratique et l’utilisation de cette nouvelle loi. Le moindre signe que cette loi pourrait être utilisée à des fins purement politiques serait fatal pour cette confiance. Quel rôle peut jouer le MIoD pour encourager une culture de bonne gouvernance dans les entreprises ? Le MIoD œuvre à promouvoir la bonne gouvernance en entreprise à travers la formation, notamment les nombreux ateliers publics et en entreprise sur divers sujets qui touchent à la bonne gouvernance. Parmi ces sujets, l’on retrouve l’éthique dans les affaires, la gestion des risques, la performance des conseils d’administration et des directeurs, les lois qui réglementent les entreprises, le rôle des comités d’audit, ou encore les conflits d’intérêts. Le MIoD cible tout particulièrement les hauts cadres, CEOs, directeurs, mais aussi les aspirants directeurs et les jeunes au début de leur carrière. Nous avons également de nombreux forums, composés de professionnels de divers secteurs, tels que le Directors Forum qui se penche sur les besoins et défis rencontrés par les directeurs et l’Audit Committee Forum, qui promeut les meilleures pratiques pour les comités d’audit. Ces deux forums ont chacun publié des position papers qui agissent comme guides pour les directeurs et membres des comités d’audit. Le MIoD travaille aussi en étroite collaboration avec Transparency Mauritius pour promouvoir le whistleblowing comme outil contre la corruption, avec la création d’un Whistleblowing Council, qui a d’ailleurs émis son premier concept paper cette année. De plus, nous encourageons les entreprises à se soumettre régulièrement à des Boards Appraisals, soit, l’évaluation de leurs conseils d’administrations, ou des Corporate Governance Assessments, pour revoir leur structure de bonne gouvernance. Nous avons des facilitateurs formés selon les normes internationales qui peuvent procéder à ce type d’évaluation pour les entreprises. Quels sont les secteurs, selon le MIoD, où la bonne gouvernance fait défaut ? Il est important d’examiner la composition des conseils d’administration, peu importe le secteur. Les conseils d’administration doivent faire appel à des directeurs complètement indépendants. Un directeur est indépendant lorsqu’il n’entretient aucune relation avec une entreprise qui puisse compromettre sa liberté de jugement. Il agit alors comme un contre-pouvoir, surtout en cas de non-dissociation des fonctions de président du conseil d’administration de celles de la direction générale de l’entreprise. De plus, il veille à la transparence vis-à-vis des actionnaires et des autres parties prenantes de l’entreprise. D’ailleurs, le MIoD a mis en place un Director’s Register, une base de données de plus de 500 professionnels, permettant aux entreprises de nous contacter pour trouver un directeur indépendant. Nous avons aussi vu qu’il y a souvent un problème au niveau de la diversité des conseils, avec une faible présence des femmes. D’ailleurs, une étude réalisée plus tôt cette année par le Hay Group en collaboration avec le MIoD a révélé une faible présence des femmes au niveau des conseils d’administration, soit 4.58 % sur 52 entreprises. Il n’y avait aucune femme présidente d’un conseil d’administration. Or, la diversité en termes de genre est un aspect essentiel, reconnu par de nombreux pays à travers le monde qui œuvrent pour redresser la balance. Est-ce que les Mauriciens, dans leur grande majorité, sont prêts à épouser cette nouvelle culture de la bonne gouvernance ? Il y a certainement une meilleure compréhension de ce que la bonne gouvernance signifie pour les entreprises et je pense qu’il y a eu un effort conscient au fil des années pour prendre les mesures nécessaires. Il faut comprendre que la bonne gouvernance d’une entreprise favorise sa profitabilité et sa croissance, qui auront forcément un impact positif sur la société et l’économie. Nous avons déjà vu les risques du contraire. Maurice est passé par des scandales qui ont eu un grave impact économique et social, des scandales qui peuvent d’ailleurs être évités si les entreprises suivent de près les principes de la bonne gouvernance. Je pense qu’il y a certainement eu une importante prise de conscience dans ce sens. Nous espérons que cette nouvelle loi viendra renforcer davantage l’élan qui existe déjà.
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