La rationalisation et la restructuration de plusieurs institutions publiques ne sont qu’un début, affirme Swadicq Nuthay dans cet entretien où il commente les grandes mesures du Budget. Pour l’économiste, il y a un long processus de réformes en profondeur à apporter et cela à plusieurs niveaux.
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« Le Budget 2016-17 démontre une volonté pour redynamiser l’économie. »
Pro-social pour certains, pro-développement pour d’autres, ambitieux pour quelques-uns. Les qualificatifs pour résumer le Budget 2016-17 ne manquent pas. Quelle est votre analyse du Budget ?
Le Budget 2016-17 est réaliste et démontre une volonté pour redynamiser l’économie. Il reconnaît les faiblesses structurelles de l’économie, mais aussi le fait que le modèle économique, qui a amené Maurice vers le statut de ‘upper middle class’, est aujourd’hui dépassé. Le Budget reconnaît également qu’il y a des problèmes sociaux. Dans l’ensemble, le Budget a été positivement accueilli dans le monde des affaires.
Justement, le secteur privé a qualifié l’exercice budgétaire de Budget de réforme. Vos commentaires ?
Des réformes ont en effet été annoncées. À titre d’exemple, le Budget met l’accent sur la facilitation des affaires, la réforme du secteur public ou encore de la rationalisation et la restructuration de plusieurs institutions publiques. Ce n’est qu’un début. Il y a un long processus de réformes en profondeur de notre économie, de notre système éducatif, de nos services publics, de nos services sociaux, entre autres, à apporter. Le plus tôt qu’on s’y met, le mieux on pourra passer à un autre stade de développement. Aujourd’hui, avec le statu quo, on ne pourra pas viser une croissance plus élevée. Or, qui dit croissance faible, dit très peu de création d’emplois et de richesse.
La réforme est une condition sine qua non si on veut passer au statut d’économie à revenu élevé. Il faut absolument qu’on construise un pont entre le monde des affaires et l’université pour qu’on arrive à former des étudiants pour mieux intégrer le monde du travail. Il faut que ces jeunes deviennent des innovateurs. Il faut pour cela beaucoup investir dans les recherches et le développement. À Maurice, on est très en retard à ce niveau. Dans le Global Competitive Index de 2014, Maurice se classe à la 76e place. Ce qui est bien loin des autres ‘middle income countries’.
Cela réduit notre capacité à attirer des investissements étrangers à valeur ajoutée et d’absorber la connaissance ‘high-tech’. Par conséquent, notre capacité pour diversifier notre économie vers des secteurs à forte valeur ajoutée est limitée. C’est pour cela qu’il faut renforcer le niveau de notre système éducatif qui doit être plus poussé vers l’innovation, la recherche et le développement.
Le gouvernement a annoncé une série de mesures pour améliorer le climat des affaires et dans le processus réformera les services publics afin qu’ils soient plus performants. Peut-on espérer changer les mentalités dans la Fonction publique et instaurer une vraie culture d’efficience ?
Certainement, la rationalisation de plusieurs institutions publiques pour les rendre beaucoup plus transparentes et redevables est un pas pour rendre le service public plus efficient. Toutefois, il faut dire qu’aujourd’hui beaucoup d’institutions sont très endettées. Ce qui contribue à gonfler la dette publique. Le rôle du gouvernement dans certaines institutions devrait se limiter à être un régulateur et un facilitateur et non pas un opérateur.
Le ministre des Finances table sur une croissance de 4,1 % en 2016-17. Ses prévisions sont-elles réalistes ?
Les prévisions sur la croissance sont basées sur des facteurs endogènes et exogènes. Très certainement, la croissance de 4,1 % est une prévision optimiste qui est basée probablement sur la réalisation des mesures annoncées dans le Budget et aussi sur le fait que les conditions externes ne se détériorent pas davantage.
Environ Rs 153 milliards seront injectées dans des projets de développement dans les cinq prochaines années. Quel devrait en être l’impact sur l’investissement et la croissance ?
L’investissement public est un moyen de doper la croissance, mais l’investissement du secteur privé est le plus important dans l’équation pour créer de la richesse. Cela dit, la capacité de la mise en place de certains projets de développement reste limitée.
De quel niveau d’investissement a-t-on besoin pour permettre à l’économie de franchir le seuil d’une croissance à 4 % ?
On aura besoin d’un taux d’investissement proche des 25 % du PIB. Mais, c’est la qualité de l’investissement qui est importante. On aura besoin davantage d’investissement à forte valeur ajoutée. Or, l’investissement dans l’immobilier n’est pas très productif.
Pour dynamiser le secteur financier en perte de confiance depuis la révision du traité fiscal avec l’Inde, le ministre des Finances donnera un congé fiscal aux investisseurs engagés dans différentes transactions. Concrètement, comment ces mesures profiteront-elles au secteur financier ?
Le gouvernement lancera de nouvelles licences et de nouveaux créneaux. À titre d’exemple, il y aura l’investissement banking, une bourse pour les commodités, entre autres, qui tombera sous la supervision de la Financial Services Commission. Le but derrière toutes ces annonces est de pousser le secteur financier vers des segments à plus de valeur ajoutée. Donner un congé fiscal à des investisseurs est une bonne initiative en soi. Il faudrait maintenant attirer des opérateurs étrangers.
Avec la nouvelle Financial Services Promotion Agency, le gouvernement se dote de moyens pour faire de Maurice un International Financial Centre. En s’appuyant sur les Investment Promotion and Protection Agreements (IPPA’s) et les Double Taxation Anti-avoidance Agreements (DTAs), on a des atouts pour faire de Maurice un centre financier pour l’Afrique.
Si les prix du gaz et de plusieurs articles tels que les vêtements ont chuté, d’autres produits comme les cigarettes, les boissons alcoolisées ou à base de sucre connaissent une hausse des prix. Quel impact sur la consommation ?
Il est difficile de prévoir l’impact sur la consommation à ce stade. Dans tous les cas, je ne suis pas pour la relance de la consommation. 40 % de la population se trouvant au bas de l’échelle sont déjà surendettés. Entre 2003 et 2013, la consommation en général a grimpé de 73 % du PIB à 80 % du PIB alors que l’exportation en termes de PIB a chuté. Ce qui démontre que les Mauriciens consomment plus qu’ils ne gagnent.
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