Comment remettre Metro Express Ltd (MEL), compagnie propriétaire du métro, financièrement sur les rails. Plusieurs options devraient être mises sur la table des discussions par le ministre du Transport, Osman Mahomed.
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Depuis qu’il est à la tête du ministère du Transport, Osman Mahomed a fait du dossier Metro Express une de ses priorités absolues. Il revient qu’un certain nombre d’options sont en train d’être travaillées dans l’espoir d’aider MEL, qui fait, entre autres, face à un déficit opérationnel de Rs 300 millions par an.
Des changements pourraient être apportés au système tarifaire. Jusqu’ici, les retraités et les étudiants voyagent gratuitement à bord du Metro Express. Une des options serait de faire payer durant certaines heures, notamment les heures de pointe. Reste à voir s’il s’agit ici du plein tarif ou d’un tarif réduit comme c’est le cas pour les voyages par bus. Les fonctionnaires de 60 ans et plus qui touchent déjà une allocation de transport devraient être mis à contribution.
Une plus grande vigilance devrait aussi être de mise dans la mesure où il est estimé que 4 000 à 5 000 passagers voyagent frauduleusement quotidiennement. Ceci représente un manque à gagner d’environ Rs 5 millions par mois, soit Rs 60 millions par an. À noter que le Metro Express est utilisé quotidiennement, selon les chiffres de 2023, par 55 000 personnes.
D’ores et déjà, l’extension de 800 mètres allant du Port-Louis Waterfront jusqu’à la gare de l’Immigration en passant devant l’Aapravasi Ghat, patrimoine de l’humanité, pour lequel le précédent gouvernement avait obtenu en août 2023 l’autorisation de l’UNESCO pour aller de l’avant après plusieurs années d’attente, est à ranger dans les cartons, tout comme les 2,4 km séparant le centre de Curepipe à La Vigie. Le tracé Réduit/Côte-d’Or en passant par Saint-Pierre est encore moins d’actualité.
Il revient que le gouvernement compte aussi sur l’Inde, qui a accordé beaucoup de facilités à Maurice pour mettre en place le Metro Express, pour l’épauler dans le redressement financier de MEL.
Sur les Rs 46 milliards de dettes accumulées par les entreprises publiques, le Metro Express représente la part la plus importante, avec une dette de Rs 15 milliards sous une ligne de crédit indienne.
Selon le « State of the Economy » présenté par le Premier ministre Navin Ramgoolam en décembre, MEL fait face à une situation financière extrêmement délicate. Depuis l’exercice financier 2022-2023, la société a commencé à payer les intérêts sur son emprunt, nécessitant une assistance gouvernementale à hauteur de Rs 1,1 milliard jusqu’ici pour couvrir ces paiements ainsi qu’une partie de ses frais opérationnels.
À partir de l’exercice financier 2026-2027, le remboursement du capital, estimé à Rs 900 millions par an, s’ajoutera aux paiements d’intérêts. En somme, MEL devra trouver Rs 1,2 milliard annuellement pour honorer ses engagements financiers. Cependant, le rapport indique que, dans sa situation actuelle, MEL ne pourra pas couvrir ces coûts, ni même ses dépenses opérationnelles.
Lors de son intervention au Parlement le 17 décembre dernier, Paul Bérenger, Premier ministre adjoint, a dénoncé la situation économique du Metro Express, qualifiant ses performances de « catastrophe ». Il a détaillé plusieurs points critiques dont les pertes opérationnelles annuelles d’environ Rs 300 millions par an, selon Paul Bérenger, qui a souligné l’incapacité de la MEL à générer suffisamment de revenus pour couvrir ses coûts. Avec l’arrivée des coûts de maintenance majeurs, notamment pour les véhicules ferroviaires, qui devront être remplacés au fur et à mesure, le déficit annuel moyen pourrait atteindre Rs 2 milliards sur les 10 prochaines années. Puis, en cinq ans, MEL aurait enregistré des pertes de change cumulées de Rs 3 milliards, un fardeau supplémentaire pour ses finances.
Pour atteindre le seuil de rentabilité, Paul Bérenger a estimé que le tarif maximal du Metro Express devrait être révisé à Rs 213, contre le tarif actuel de Rs 55. Une telle augmentation ne pourra cependant pas être mise en œuvre, car cela signerait l’arrêt de mort du projet.
Les défis financiers du Metro Express s’ajoutent aux pressions sur les finances publiques. Comme l’a rappelé le rapport, le gouvernement devra continuer à injecter des fonds pour soutenir MEL, posant des questions sur les priorités budgétaires et les choix d’investissement stratégique.
Metro Express en quelques points
Quoique l’on puisse dire, le projet Metro Express est l’une des infrastructures publiques les plus marquantes de l’histoire récente de Maurice. Lancé pour moderniser le système de transport public, il vise à améliorer la mobilité urbaine, réduire la congestion routière et favoriser un développement économique durable.
Voici les grandes étapes de son évolution :
Contexte et origine
1. Années 2000
• Des études initiales sur un projet de métro léger ont été menées dans les années 2000, mais elles n’ont pas abouti, principalement en raison des coûts élevés et du scepticisme quant à sa viabilité.
2. 2010 : Visite à Singapour
• Lors d’une visite à Singapour, le Premier ministre Navin Ramgoolam a signé un accord intergouvernemental selon lequel la Singapore Cooperative Enterprise aiderait Maurice à préparer un document de demande de proposition à lancer auprès de développeurs potentiels. Une délégation singapourienne s’est rendue à Maurice en mars 2011 pour étudier les possibilités d’introduire un système de train léger (LRT).
3. 2013 : Étude de faisabilité
• Le gouvernement, en collaboration avec des partenaires internationaux, a relancé les discussions sur un projet de Light Rail Transit (LRT). Quelques mois plus tôt, en septembre 2012, le gouvernement mauricien a signé un contrat avec la Singapore Cooperative Enterprise, d’une valeur d’environ Rs 180 millions (6 millions de dollars en septembre 2012), portant sur la détermination d’un tracé réalisable pour la ligne de train léger, le développement d’une conception de référence et l’examen des extensions potentielles de la ligne à l’avenir.
• Une étude approfondie a été menée pour évaluer la faisabilité du projet, qui s’alignait sur le plan de modernisation des infrastructures.
Lancement et développement
3. 2015 : Réintroduction du projet
• Le Premier ministre de l’époque, sir Anerood Jugnauth, a relancé le projet sous le nom de Metro Express, alors qu’il n’y était, dans un premier temps, pas favorable. Toutefois, devait-il ensuite expliquer, le soutien de l’Inde a permis la relance du projet.
• L’objectif principal était de relier les villes clés de l’île pour faciliter les déplacements et dynamiser les zones urbaines.
4. 2017 : Signature avec Larsen & Toubro
• Le contrat de construction a été attribué à Larsen & Toubro, une entreprise indienne de renom.
• Le projet a été partiellement financé par un prêt concessionnel de l’Inde, dans le cadre des relations bilatérales entre les deux pays.
• La première phase a été estimée à Rs 18,8 milliards, dont Rs 9,9 milliards proviennent d’un don de l’Inde.
5. Septembre 2017 : Lancement officiel
• Le Premier ministre, Pravind Jugnauth, a posé la première pierre marquant le début des travaux.
• La construction de la première phase a débuté entre Port-Louis et Rose-Hill, couvrant une distance de 13 kilomètres.
Mise en service et expansions
6. Octobre 2019 : Inauguration de la première phase
• Le Metro Express a commencé ses opérations commerciales entre Port-Louis et Rose-Hill.
7. 2020-2021 : Extension vers Curepipe
• La deuxième phase, longue de 12,6 km, visant à prolonger la ligne jusqu’à la gare Jan Palach, Curepipe, a été lancée.
8. Décembre 2022 : Inauguration de la ligne complète
• Le Metro Express est devenu pleinement opérationnel sur toute sa longueur de 26 kilomètres entre Curepipe et Port-Louis, avec des arrêts intermédiaires à Beau-Bassin, Rose-Hill, Quatre-Bornes, Vacoas, Phoenix, et d’autres localités.
9. Janvier 2023 : Ajout du tracé Rose-Hill/ Réduit
• Le tracé allant de Rose-Hill à Réduit est inauguré. On parle ici de 3,4 km.
Le Metro Express, service public et atout économique
La réponse de Das Mootanah aux critiques
Das Mootanah, directeur général de Metro Express Ltd de 2018 à juin dernier, avait réagi, le 17 décembre, aux critiques du gouvernement concernant le projet du métro. Il a défendu l’initiative en la qualifiant de « projet phare financé par la ligne de crédit indienne », un modèle de collaboration unique entre l’Inde et Maurice.
Selon lui, malgré les difficultés financières, le Metro Express représente « un investissement à long terme pour le pays » et ne doit pas être vu comme une simple « dette à court terme ». Das Mootanah a précisé : « Tout le monde sait que les Rs 17 milliards représentent les dépenses en capital engagées pour construire l’infrastructure du métro et acquérir les véhicules légers. Il s’agit d’un investissement à long terme pour le pays et non simplement d’une dette à court terme ».
Il a également répondu aux accusations de pertes opérationnelles en soulignant que la rentabilité ne pouvait être attendue immédiatement, surtout après la crise de la COVID-19 et l’inflation. « Le projet a été impacté par la COVID-19 et par l’inflation, et il n’est pas réaliste d’attendre qu’un tel projet soit autonome dès ses premières années d’exploitation », a-t-il expliqué. Le système atteint 80 % de son point d’équilibre après un an de fonctionnement, un résultat jugé positif pour une infrastructure de cette envergure. Il a aussi mentionné que les retraités et étudiants ne payent pas, et que le gouvernement n’a pas encore réorganisé le réseau de bus autour du métro comme prévu.
Sur les pertes de change dues aux contrats de maintenance en devises étrangères, Das Mootanah a reconnu ces difficultés, tout en précisant qu’elles échappaient au contrôle de l’organisation. Il a également réfuté l’idée d’un « projet éléphant blanc », soulignant que le métro était utilisé par plus de 40 000 passagers quotidiens et constituait un service public bénéfique pour la population.
Enfin, Das Mootanah a plaidé pour une vision à long terme, affirmant que le Metro Express devait devenir « l’épine dorsale » du système de transport public intégré à Maurice, afin de stimuler la croissance économique et améliorer la mobilité.
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