La pression pour ne pas conclure le deal de rendre l’archipel des Chagos à Maurice s’accentue sur sir Keir Starmer, Premier ministre britannique.
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Alors que le gouvernement mauricien est en attente d’une décision sur ses contre-propositions, voilà que l'amiral Lord West de Spithead, ancien chef de la Marine britannique et ministre de la sécurité sous le gouvernement du Premier ministre travailliste Gordon Brown, a vivement critiqué la décision du gouvernement britannique de céder le contrôle de cet archipel stratégique situé dans l'océan Indien.
Il a appelé sir Keir Starmer, qui est aussi le leader du Parti travailliste, à abandonner ce qu'il qualifie d'accord « irresponsable » visant à céder la souveraineté des îles Chagos à Maurice, une décision qu'il avertit pourrait mettre en péril la sécurité du Royaume-Uni. Au sein de sa propre formation politique, sir Keir Starmer fait donc face à une levée de boucliers contre un deal avec Maurice sur l’archipel des Chagos.
Dans une introduction au rapport de l'institut Policy Exchange, Lord West a exprimé son incrédulité face à cette décision, déclarant qu'il était « difficile à comprendre » pourquoi la direction du Parti travailliste avait accepté de céder le contrôle de cet archipel crucial.
Les îles Chagos abritent la base militaire de Diego Garcia, un atout stratégique pour le Royaume-Uni et les États-Unis. Le gouvernement britannique a soutenu que l'accord visant à transférer la souveraineté à Maurice était essentiel pour sécuriser l'avenir de la base aérienne conjointe Royaume-Uni-États-Unis, située sur Diego Garcia. Cette base est cruciale pour les opérations militaires dans la région, y compris les vols de bombardiers à longue portée et les déploiements navals.
Cependant, les critiques, y compris Lord West, soutiennent que cet accord comporte des risques considérables pour la position stratégique du Royaume-Uni dans l'océan Indien. Lord West a souligné que cet accord intervient à un moment où les tensions géopolitiques mondiales sont en forte hausse, notamment avec l'expansion de l'influence de la Chine dans la région. « Les activités militaires, d'espionnage et diplomatiques de la Chine dans l'océan Indien se développent rapidement, tout comme ses relations avec Maurice », a-t-il averti, soulignant que la souveraineté du Royaume-Uni sur les îles devait être maintenue pour protéger les intérêts sécuritaires nationaux et alliés.
Pas d’empressement côté mauricien
Toutefois, Maurice a fait clairement comprendre, et cela à de nombreuses reprises que ce soit sous l’ancien gouvernement ou sous le nouveau, qu’en aucune façon l’existence de la base militaire n’est menacée.
C’est aussi ce qu’a fait comprendre la délégation mauricienne, menée par l’Attorney General, Gavin Glover, qui était à Londres durant la semaine écoulée dans le cadre des discussions. Le gouvernement de Navin Ramgoolam souhaite revoir trois points clés de l'accord conclu le 3 octobre entre sir Keir Starmer et Pravind Jugnauth, alors Premier ministre. D'abord, il trouve que la durée du bail de 99 ans renouvelables sur Diego Garcia, où se trouve la base militaire, est trop longue. Ensuite, la clause qui permet au Royaume-Uni « d’exercer la souveraineté de Maurice » est perçue comme trop restrictive.
Le troisième point porte sur l’aspect financier du deal. Il revient que ce qui a été conclu par rapport à un fond de soutien financé par les Britanniques pour les Chagossiens ne pose pas problème, tout comme le soutien des Britanniques pour des projets de développement pour Maurice. Par contre, le montant proposé pour la location annuelle de Diego Garcia est jugé largement insuffisant.
La presse britannique, dont le Daily Mail, le Times ou encore le Financial Times, a avancé mercredi, en citant des sources britanniques proches des négociations sans les nommer, une somme d’environ 90 millions de livres sterling (Rs 5,2 milliards selon le taux de change du jour) par an pour le bail initial de 99 ans de Diego Garcia. Ce montant n’est pas confirmé côté mauricien.
Par contre, il est aussi question d’un « frontloading », c’est-à-dire le versement d’une tranche initiale couvrant plusieurs années de paiements pour Diego Garcia. A priori, les deux parties sont d’accord sur le principe, mais pas totalement sur les modalités et le montant.
Dans sa critique, Lord West a mis en évidence plusieurs développements récents qui ont mis en lumière les faiblesses de l'accord. « Il y a eu plusieurs développements depuis l'annonce de l'accord l'année dernière, notamment des rapports de hostilité de l'équipe de Trump, qui ont démontré à quel point ses fondations sont fragiles », a-t-il noté.
Bien que le gouvernement britannique ait insisté sur le fait que l'accord comprend des dispositions pour protéger l'avenir de la base de Diego Garcia, des préoccupations demeurent quant aux liens potentiels de Maurice avec la Chine, ce qui pourrait compromettre la sécurité de la base, selon Lord West qui a appelé Sir Keir Starmer à saisir la "petite fenêtre d'opportunité" pour reconsidérer l'accord avant qu'il ne soit trop tard, l'exhortant à éviter ce qu'il a qualifié de "faux pas stratégique" qui pourrait rendre le Royaume-Uni vulnérable.
Les préoccupations de Lord West sont partagées par le rapport de Policy Exchange, qui soutient que céder la souveraineté des îles Chagos serait une "erreur stratégique insensée" mettant en danger l'avenir de la base. Marcus Solarz Hendriks, responsable de l'unité de sécurité nationale du ‘think tank’, a averti que Maurice pourrait facilement remettre en cause et remodeler l'accord à sa guise, ce qui compromettrait davantage les intérêts stratégiques du Royaume-Uni.
En réponse au rapport, un porte-parole du ministère des Affaires étrangères, cité par ForcesNews, a défendu l'accord, affirmant : « Nous ne partageons pas l'interprétation du rapport sur cette question. » Le porte-parole a souligné que l'accord était nécessaire pour sécuriser l'avenir de la base militaire et qu'il comprendrait des dispositions pour protéger contre toute « influence malveillante » de puissances étrangères.
« Ce gouvernement a hérité d'une situation où l'avenir à long terme de la base militaire était menace. Finaliser un accord – selon nos conditions – signifie que nous pouvons garantir des protections solides, y compris contre toute influence malveillante, ce qui permettra à la base de fonctionner comme elle l'a fait jusque dans le prochain siècle. Nous ne conviendrons d'un accord que s'il est dans les meilleurs intérêts du Royaume-Uni et protège notre sécurité nationale », a-t-il confié.
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