À Madagascar, l’or ne cesse de filer entre les mailles du filet. Tandis qu’une tonne de ce métal précieux quitterait clandestinement la Grande île chaque mois, Maurice a posé un geste fort, jeudi : la restitution de 45 lingots d’or interceptés sur son territoire. Une opération qui expose l’ampleur d’un trafic endémique, nourri par la convoitise internationale et la fragilité économique malgache.
Chaque mois, près d’une tonne d’or quitterait illégalement la Grande île, dont la majorité de la population vit dans la précarité. L’industrie aurifère constitue l’un des trafics majeurs à Madagascar. Face à une forte demande mondiale, notamment dans l’industrie de la joaillerie, le précieux métal représente une aubaine pour les contrebandiers internationaux opérant en terre malgache.
Jeudi, Maurice a posé un geste significatif dans la lutte contre ce trafic. Le Premier ministre Navin Ramgoolam a restitué 25,5 kilos de lingots d’or à son homologue malgache lors du cinquième sommet des chefs d’État et de gouvernement de la Commission de l’océan Indien. Cette démarche louable révèle également l’âpre combat du gouvernement malgache contre les réseaux de contrebandiers engagés dans de vastes trafics transnationaux.
Cet événement met en lumière une pratique clandestine d’exportation illicite d’or depuis le territoire malgache. L’affaire remonte précisément au 10 janvier 2019. À l’époque, Maurice n’était qu’un point de transit pour trois trafiquants malgaches âgés de 22, 58 et 59 ans.
À l’aéroport Sir Seewoosagur Ramgoolam de Plaisance, ils avaient été soumis à une fouille par les douaniers de la Mauritius Revenue Authority. Deux d’entre eux devaient poursuivre leur voyage vers Mumbai en Inde, tandis que le troisième se dirigeait vers Dubaï avec leur précieuse cargaison. Une importante somme d’argent, estimée à Rs 2 635 465 en devises, avait également été confisquée.
Cette saisie s’inscrivait dans le cadre d’une coopération active avec la douane malgache. Un an plus tard, en 2020, le Conseil des ministres malgaches avait formellement demandé la restitution de ces biens appartenant à la Banque centrale de Madagascar.
Lors de la cérémonie de restitution, Navin Ramgoolam a déploré l’inaction du régime précédent et l’absence de volonté politique pour résoudre la situation. « C’est un acte légitime et un message fort à la région sur la lutte contre le crime organisé », a-t-il souligné.
De son côté, le président malgache Andry Rajoelina a salué le geste de son homologue mauricien, réaffirmant sa détermination à renforcer la collaboration entre les deux nations insulaires. « Ensemble, nous devons protéger nos richesses et barrer la route aux réseaux mafieux », a-t-il déclaré.
Mesures insuffisantes
Pour combattre ces trafics et les exportations illégales, les autorités malgaches ont instauré en 2024 un guichet officiel permettant l’exportation légale de l’or, après plusieurs années d’interdiction. Néanmoins, depuis sa mise en place, seuls quelques kilos ont transité via ce canal officiel.
La filière aurifère demeure gangrénée par les trafics, selon les observations de la société civile. En mai 2024, le ministre malgache des Mines, Herindrainy Rakotomalala, a révélé l’ampleur alarmante du problème : environ une tonne d’or quitterait clandestinement Madagascar chaque mois.
Ernest Lainkana Zafivanona, directeur général des douanes malgaches, interrogé par la chaîne RFI en 2024, a souligné l’impact économique considérable de ces exportations frauduleuses : « C’est très important pour l’économie, parce que c’est ce qui contribue à la stabilité de l’ariary (monnaie malgache ; NdlR). Nos exportations, par exemple dans les produits miniers ou l’agroalimentaire, vont donc constituer des réserves de devises pour la Banque centrale. »
Les grandes saisies d’or malgache - Mars 2023 : trois Chinois arrêtés à Marokoro
Dans une opération menée au cœur d’une commune reculée du district de Maevatanana, les autorités ont arrêté trois ressortissants chinois impliqués dans une exploitation aurifère illégale. L’équipement industriel utilisé pour cette activité illicite – comprenant une drague à godets, un excavateur et une pelle mécanique – a été immédiatement saisi par les forces de l’ordre.
Décembre 2021 : 28 lingots interceptés aux Comores sur un jet privé
Sur le tarmac de l’aéroport de Moroni, la police a intercepté trois individus sur le point de décoller pour Dubaï. Dans leurs bagages, les autorités ont découvert 28 lingots d’or pesant au total 49 kilos et représentant une valeur marchande estimée à 2,5 millions de dollars. Ces lingots provenaient directement de Madagascar.
Après une bataille diplomatique qui s’est étendue sur trois années, le précieux métal a finalement été restitué à Madagascar en mars 2024. Toutefois, Antananarivo a dû s’acquitter d’une pénalité de 62 millions de francs comoriens (équivalant à plus de 130 000 dollars) pour « marchandises non déclarées » aux douanes comoriennes.
Décembre 2024 : 13 kg saisis à l’aéroport d’Ivato
Trois lingots d’or, d’un poids total de 13,865 kg, avaient été découverts dissimulés dans les bagages à main d’un passager à l’aéroport international d’Ivato. Ce dernier s’apprêtait à embarquer sur un vol en direction d’Addis-Abeba.
Décembre 2024 : 53 kg et de faux certificats découverts sur un voyageur
Le 23 décembre 2024, une saisie spectaculaire a eu lieu à l’aéroport international d’Ivato. Les autorités ont confisqué 53 kilos d’or dans les valises d’un voyageur. Bien que le suspect ait présenté des documents d’exportation, l’enquête a révélé qu’il s’agissait de certificats contrefaits.
Mars 2025 : une mule indienne interceptée avec l’estomac rempli de poudre d’or
Dans un cas illustrant les techniques désespérées employées par les contrebandiers, un ressortissant indien a été appréhendé à l’aéroport d’Antananarivo alors qu’il tentait de quitter la Grande île. L’homme avait ingéré 1,595 kg de poudre d’or qu’il transportait dans son abdomen, une méthode dangereuse.
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