L’abstention est redoutée par tous les leaders et partis politiques lors d’une joute électorale. Elle peut être l’élément inconnu de l’équation et avoir des effets sur les résultats d’une élection.
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En 2014, nous avons observé le plus fort taux d’abstention depuis l’indépendance du pays en 1968. Elle avait atteint les 26 %, soit un électeur sur quatre qui avait pris la décision de ne pas accomplir son devoir civique en utilisant son droit de vote. En 2010, le taux d’abstention était de 23 %. Une forte abstention interpelle les responsables politiques, qu’ils appartiennent au gouvernement sortant ou à l’opposition.
En 2014, le phénomène avait touché principalement les zones urbaines. La lecture des statistiques de cette période publiées par la Commission électorale montre qu’il y avait un fort taux d’abstention dans les circonscriptions jugées comme des bastions du MMM. Les observateurs que nous avons contactés pour cet article nous livrent que la population, à cette époque, avait éprouvé une certaine désaffection à l’égard de la classe politique, mais principalement vis-à-vis de la stratégie électorale d’une des deux alliances en place. Une autre cause était la déconnexion des dirigeants politiques de la réalité.
Ce ne devrait pas être le cas pour les législatives de 2019. Les observateurs politiques sont unanimes sur la question. Le scénario inédit de ces élections du 7 novembre 2019, qui voient s’installer une lutte à trois, combiné à l’enjeu électoral, les promesses, la campagne intense sur les réseaux sociaux, tout concourt à passionner l’électorat mauricien, qui sera sans doute plus enclin à accomplir son devoir civique. Ces observateurs prédisent même un taux de participation supérieur à la normale, autour de 80 %.
Faizal Jeerooburkhun : «Un taux de participation de 80-85 %»
L’observateur politique de Think Mauritius est catégorique : le taux de participation sera meilleur que le trend durant les dernières élections enregistrées à Maurice. Pour lui, l’enjeu des élections 2019 est aussi important que celui de l’indépendance de Maurice en 1968. Le seul fait d’avoir une lutte à trois contribuera à revigorer les Mauriciens. Les militants de base, qui avaient baissé les bras en 2014 avec les tergiversations de leur leader, reviennent en force. Ils auront un rôle crucial, celui de mobiliser les troupes pour encourager les électeurs à se rendre aux urnes. Ils n’hésiteront pas à soutenir leur parti. La base du MMM avait été vraiment déçue en 2014 et n’avait donc pas voté. Une autre raison qui poussera les électeurs à voter, c’est l’enjeu de ces élections : elles sont un tournant dans l’histoire de l’île Maurice. Avec deux blocs politiques qui se tirent dans les pattes, l’Alliance Nationale (PTr-PMSD) et l’Alliance Morisien (MSM-ML), « finn ale depi 50 an avek tou bann kasrol ki zot ena », ce sera l’occasion pour bon nombre, surtout la masse silencieuse, de mettre de l’ordre dans tout cela. Contre les promesses farfelues, même irréalisables, l’électorat mauricien est suffisamment mature pour décider s’il faut remettre les rênes de ce pays dans les mains du MMM ou celles des deux autres alliances. Le MMM, certes, n’a pas de casseroles, mais avait un leadership qui n’écoutait pas les militants. Mais cela a changé quand le parti a décidé de faire la route en solo.
Lindsay Rivière : «Ces élections revêtent un caractère inédit»
Lindsay Rivière, observateur politique, est, quant à lui, catégorique : les élections de 2019 verront un fort taux de participation. Même s’il n’évoque pas de chiffres à ce stade, il explique que ces élections passionnent les Mauriciens, au contraire de celles de 2014. Il y a un engagement considérable de l’électorat, même s’il ne se manifeste pas par de grandes présence dans des réunions ou congrès. Il entrevoit ainsi un fort taux de participation, compte tenu des enjeux de cette joute électorale, avec un caractère inédit : une lutte a trois. Les électeurs se sentiront plus à l’aise, car ils n’auront pas à faire un choix pour ou contre une alliance contre nature. Il est aussi d’avis qu’il est difficile de connaître l’humeur de tout l’électorat. En 2014, beaucoup étaient réservés par rapport au choix stratégique électoral. La notion de république présidentielle laissait confus les Mauriciens et le « grand choix » avait un peu refroidi les électeurs. Cette fois-ci, ils manifestent un grand intérêt, car ils réalisent que ces élections détermineront le paysage, surtout politique, de l’île Maurice pour plusieurs années. Les électeurs ont pris conscience qu’ils ont le devoir d’apporter leur pierre à l’édifice.
Jocelyn Chan Low : «Difficile de prévoir»
Pour l’observateur politique Jocelyn Chan Low, en 2014, ce n’est pas le slogan « Vire Mam » qui avait décidé du sort des élections. C’était plutôt le slogan « Rest lakaz Mam ». Un phénomène qui avait, selon lui, joué sérieusement contre le MMM. Le taux d’abstention avait été très prononcé dans les circonscriptions dites bastions mauves. L’électorat du MMM était déçu de l’alliance avec le Parti Travailliste, les militants coaltar avaient en quelque sorte déserté le coaltar. Le seul fait de se présenter seul aux élections de 2019 devrait réduire l’abstention. Mais il reste des aspects à ne pas oublier. Les jeunes sont, au fil du temps, complètement dégoûtés de la chose politique. Et ceux qui restent intéressés auront d’autres chats à fouetter : les jeunes votants auront à se préoccuper des examens du HSC. Reste qu’à ce stade, pour Jocelyn Chan Low, il est très difficile de prévoir le taux d’abstention des législatives 2019.
Jean-Claude de l’Estrac : «Les élections de 2014 étaient une parenthèse»
Jean-Claude de l’Estrac, ancien politicien, ancien directeur de publication et observateur politique, est du même avis. Pour lui, il y aura a priori beaucoup moins d’abstentions pour les élections de 2019. Celles de 2014 avaient été une parenthèse largement due au mécontentement de deux électorats, celui du PTr et celui du MMM, dont les leaders avaient contracté une alliance. Aujourd’hui, le PTr a retrouvé son allié de toujours, le PMSD, tandis que le MMM se présentera seul à ces législatives. Ils mobiliseront mieux leurs partisans. Il y aura, selon lui, une participation de 75 à 80 % de Mauriciens le jour du vote. Comme c’est le cas habituellement.
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