Gérald Lincoln fait part de ses attentes dans le cadre de la présentation du budget 2016-2017. Il se dit en faveur du concept Duty-Free Island et soutient que Maurice devra à l’avenir se montrer plus ouvert aux étrangers.
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Pravind Jugnauth a prêté serment comme ministre des Finances, le 26 mai dernier. Comment cette nomination a-t-elle été accueillie dans le monde des finances ? Plutôt bien. Car avant sa nomination c’était le chef du gouvernement qui assumait les fonctions de ministre des Finances. Et forcément pas avec les mêmes ressources et le même focus. C’est donc bien d’avoir eu un ministre des Finances qui soit pleinement dédié à cette fonction.
Qu’est-ce qui explique le manque d’engagement des investisseurs ? Tout simplement parce qu’il n’y a pas d’opportunités pour lancer de nouveaux secteurs d’activités. Ressentons-nous maintenant ce phénomène bien plus qu’avant ? Oui. Il y a de moins en moins de projets de développements. Prenons l’exemple de l’hôtellerie. Aucun projet n’est en chantier (ndlr : le ministère du Tourisme avait interdit la construction des hôtels pendant deux ans, afin de rehausser la qualité du secteur. Ce moratoire est arrivé à terme en juin). Tout cela nous pousse à nous demander si le marché est saturé ? Est-ce que les investisseurs ont froid aux yeux ? L’autre réalité, c’est que le Foreign Direct Investment (FDI) plafonne à hauteur de Rs 10 milliards par an. Ce qui nous laisse donc comprendre que ce ne sont pas que les Mauriciens qui sont réticents à investir. Les étrangers le sont aussi. Que proposez-vous pour redynamiser l’investissement ? Il faut avoir de bonnes idées. Il faut aussi pouvoir donner des incitations fiscales et avoir le courage de créer de nouveaux secteurs. En 2015, le gouvernement a décidé de miser sur les Smart Cities. était-ce une bonne idée ? Je pense qu’il n’y aura pas de Smart Cities aussi longtemps que le pays refusera de s’ouvrir. Les villes intelligentes ont été présentées comme de nouveaux pôles de croissance, où les gens viendront vivre. Mais qui ira occuper ces Smart Cities. Les Mauriciens ont déjà leurs maisons. C’est dans cette logique que j’insiste sur l’importance des étrangers. Avec l’arrivée de 50 000 étrangers, les Smart Cities pourront être une réussite, d’autant plus que ce n’est pas difficile d’attitrer les étrangers avec les atouts dont dispose Maurice. La seule chose qui nous empêche de bouger dans cette direction, c’est la volonté politique. Il y a une mentalité xénophobe à Maurice, qui nous pousse à croire que les étrangers vont voler le job des Mauriciens. A-t-on déjà pu témoigner du style du nouveau Grand argentier ? C’est encore trop tôt pour faire un bilan. Un ministre des Finances s’inscrit dans le temps et est surtout jugé sur ces décisions monétaires et fiscales. Ce n’est qu’après le budget qu’on pourra lui dresser un premier bilan. Mais l’on sait déjà qu’il est en train de nous préparer à un environnement difficile. Il avait tout récemment fait un bilan objectif de la situation économique et il nous a fait comprendre que tout n’était pas rose. Il a donc déjà commencé à préparer la population à des mesures qui risquent d’être dures. La question du ciblage de la pension de retraite a tout récemment été évoquée. Cette mesure est-elle inévitable dans le contexte actuel ? Je ne dirais pas que c’est inévitable. Je dis que c’est une question de choix. On a l’option de donner une pension de Rs 5 000 à tous les retraités ou alors exclure ceux touchant plus de Rs 75 000 par mois. C’est une question de politique. Il y a toujours du mérite à donner plus à ceux qui en ont besoin. Le ciblage a beaucoup de mérite car nous sommes en 2016 et les ressources sont limitées. Mais il faut aussi se rendre à l’évidence que le ciblage existe déjà dans une certaine mesure. Prenons l’exemple de la santé. Les gens qui ont le moyen préfèrent aujourd’hui aller se faire soigner dans des cliniques. Même scénario pour le secteur de l’éducation. Les gens aisés préfèrent envoyer leurs enfants dans des écoles privées. Donc, une forme de ciblage est déjà en place par la force des marchés. Le ministre des Finances aura-t-il raison de proposer des mesures difficiles ? Dans l’économie, il y a deux choses. Les faits et les appréciations. Nous ne pouvons parler d’appréciation pour l’heure car il n’y a pas encore eu de mesures. Par contre ,les faits ne sont pas très encourageants. Dans la plupart des cas, nous sommes en dessous des prévisions qui avaient été annoncées par l’ancien ministre des Finances. Il avait notamment prévu un taux de croissance de 5 %. Mais le compte n’y est pas. Pravind Jugnauth n’en n’est pas à son premier budget. Vous connaissez son style… Les gens évoluent avec le temps. On se souvient de ses mesures impopulaires, avec l’introduction des mesures fiscales sur les dividendes et les intérêts. Une mesure qui n’avait pas beaucoup plu. Mais on ne peut continuer à faire des comparaisons entre aujourd’hui et 2003. Le pays a changé. Les besoins du pays ont changé. Attendons voir. Le contexte facilite-t-il la tâche du ministre des Finances ? Nous sommes dans un contexte politique favorable car nous sommes loin des élections. Nous ne sommes donc pas dans un cadre où il faut faire plaisir à tel ou tel segment de la population. S’il y a des mesures difficiles à prendre, c’est le moment de prendre des décisions courageuses. S’il faut appliquer des mesures austères ,on pourra donc les appliquer.
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