Alors que le deal entre Maurice et le Royaume-Uni était pratiquement chose faite, les Britanniques ont opéré une volte-face qualifiée d’« incroyable » par la partie mauricienne. Les participants au conseil des ministres de mercredi, sous la présidence du Premier ministre, Navin Ramgoolam, avaient compris que le nouvel accord, après celui du 3 octobre dernier, était sur le point d’être signé. Les derniers obstacles ont pu être aplanis, avec que quelques détails à peaufiner.
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«Nous avions toujours dit qu’il n’y a pas de rush pour conclure un accord, mais les Britanniques étaient plutôt pressés pour faire le nécessaire avant le 20 janvier. Cependant, il y a eu une volte-face incroyable, alors que tout était aplani et que les deux parties avaient accordé leurs violons », confie un proche du dossier. Le 20 janvier est le jour de l’investiture de Donald Trump comme nouveau président des États-Unis.
C’est d’ailleurs ce que confirme la presse britannique dans son ensemble. Jeudi matin, le très réputé The Guardian devait indiquer que « le gouvernement britannique ne signera pas d’accord pour restituer les îles Chagos à Maurice tant que l’administration de Donald Trump n’aura pas eu l’occasion d’examiner l’avenir de la base militaire conjointe, a confirmé Downing Street ».
« Nous n’accepterons qu’un accord qui sert les intérêts du Royaume-Uni et protège notre sécurité nationale. Il est évidemment juste que la nouvelle administration américaine ait l’occasion d’examiner cela et d’en discuter une fois en fonction... Il est tout à fait raisonnable que la nouvelle administration américaine ait la possibilité d’examiner les détails », devait déclarer le porte-parole officiel de Keir Starmer, Premier ministre britannique. Par contre, il a nié que Donald Trump aurait un « droit de veto » sur l’accord.
Marco Rubio, désigné par Donald Trump pour occuper le poste de secrétaire d’État, ainsi que Mike Waltz, pressenti pour devenir conseiller à la sécurité nationale, se sont tous deux opposés ouvertement à la rétrocession des Chagos à Maurice et surveillent étroitement la situation. L’administration de l’actuel président des États-Unis, Joe Biden, en revanche, s’est montrée favorable à cette initiative.
Depuis jeudi, l’Attorney General, Gavin Glover, est à Londres dans le cadre des négociations. Il s’y était déjà rendu la semaine dernière et était rentré au pays samedi dernier. Du côté du gouvernement mauricien, l’on souligne cependant que ce déplacement était prévu pour rencontrer les avocats anglais engagés par Maurice pour travailler sur le dossier Chagos. Me Glover y a également rejoint l’avocat constitutionnaliste Milan Meetarbhan, qui faisait également partie de la mission de la semaine dernière et qui n’était pas encore retourné à Maurice, et le Solicitor-General Dheeren Dabee.
« Si le besoin se fait sentir, Gavin Glover rencontrera les autorités britanniques pour continuer à discuter. Il a le mandat pour le faire », confie-t-on au niveau du gouvernement mauricien.
Les points de discorde avec les Britanniques aplanis
Le nouveau gouvernement veut modifier principalement trois points de l’« accord politique » conclu le 3 octobre dernier par Keir Starmer et Pravind Jugnauth, qui était alors Premier ministre. Le premier concernait des « issues » par rapport à la souveraineté. Certains termes de l’accord devaient être revus. Parmi eux, celui stipulant que le Royaume-Uni pourra « exercer la souveraineté de Maurice sur Diego Garcia » pour une durée renouvelable de 99 ans.
Aux yeux de Navin Ramgoolam et de Paul Bérenger, Premier ministre adjoint, il s’agissait ni plus ni moins de céder la souveraineté de Maurice sur Diego Garcia, où se trouve la base militaire américano-britannique, pour une durée potentielle de 198 ans (99 fois deux). Les Britanniques auraient accepté de revoir le « wording ». Le souci de Maurice portant sur la question de souveraineté sur Diego Garcia aurait donc été réglé.
L’autre point de désaccord portait sur les 99 ans renouvelables par les Britanniques. Il revient que Maurice aurait fait une concession sur les premiers 99 ans, mais qu’il y a du changement par rapport à la seconde période de 99 ans. La décision de renouveler ne serait plus une décision unilatérale des Britanniques.
Concernant le montant de la location de Diego Garcia qui serait, selon la presse britannique, de 90 millions de livres sterling par an, soit Rs 5,16 milliards selon le taux de change du jour – ce montant n’a été confirmé officiellement ni 8par Maurice ni par le Royaume-Uni – les Britanniques ont accepté le principe de « front loading » par Maurice. Ceci consiste en le paiement par les Britanniques d’une première ou de deux ou trois premières tranches plus conséquentes, et une somme moindre pour les autres années. « Le deal est intéressant », confie-t-on à l’Hôtel du gouvernement.
Par rapport à la somme à être versée à un Chagos Fund et le montant pour soutenir le développement de Maurice, Port-Louis aurait affiché sa satisfaction, même si « aucune somme ne pourra réparer le préjudice subi par les Chagossiens ».
Un quatrième point, c’est-à-dire une proposition britannique pour soutenir Maurice activement à accéder à des milliards de roupies à travers les Nations Unies pour l’aider à lutter contre le changement climatique et en faveur de l’environnement, aurait aussi été accepté. On parle ici d’une « alliance stratégique ».
Mais, pour que tout ceci puisse aller de l’avant, le Royaume-Uni veut donc que l’administration Trump examine la partie concernant la base militaire de Diego Garcia.
Si Donald Trump temporise trop ou y oppose son veto, il faudra soit renégocier, soit « reprendre le combat devant les instances internationales », souffle-t-on à Port-Louis.
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