Décryptage : la MBC embarasse Pravind Jugnauth

Les émissions politiques sur les ondes de la Mauritius Broadcasting Corporation (MBC) – radio et télévision –  débutent, ce mardi soir, sur une fausse note. L’Alliance Nationale (PTr-PMSD) a porté plainte, lundi, à l’Electoral Supervisory Commission (ESC) contre le temps d’antenne alloué par la station nationale et contre sa couverture de la campagne électorale. À première vue, on serait tenté de mettre cette plainte sur le compte de la « politicaillerie », ayant en tête l’idée que l’Alliance Nationale cherchait la petite bête pour mener la vie dure à la direction de la station de Moka. Ou encore, pour discréditer davantage une MBC souvent critiquée pour « son manque d’indépendance ». 

Or, les griefs de l’Alliance Nationale semblent justifiés. Ses représentants n’ont pas été conviés à une réunion de tous les partis politiques pour discuter du temps d’antenne. Le leader du Party Malin, Danrajsingh Aubeeluck, avait, lui, été invité et y avait fait son show. L’Alliance rouge-bleu déplore ainsi avoir été mise devant les faits. Sur les 675 minutes accordées aux partis politiques, elle a droit à 87 minutes contre 99 à l’Alliance Morisien (MSM-ML) et 79 au MMM. Dans une déclaration à la presse, le président du PTr, Patrick Assirvaden, a indiqué que le directeur général de la MBC l’a informé que cette « non-invitation » n’est qu’un malentendu. Qui avalera cette couleuvre… pardon ce python ? Cela relève d’un manque d’égard envers l’Alliance Nationale, le principal challenger de l’Alliance Morisien. 

Cette bourde monumentale embarrasse le leader de l’Alliance Morisien, Pravind Jugnauth. Nul besoin d’être devin : c’est du pain béni pour ses détracteurs. Ils verront en cette bourde un point de plus qui vient étayer la mainmise du pouvoir sur la MBC. À coup sûr, le Premier ministre sortant ne va pas tomber aussi bas pour intimer l’ordre à la direction de la MBC de faire un croc-en-jambe à l’Alliance Nationale, tout en sachant que cela aura des répercussions néfastes sur l’Alliance Morisien. Pourquoi doit-il ouvrir un nouveau foyer de critiques au risque d’y laisser des plumes ? Dans une lutte serrée à trois, chaque plume vaut son pesant d’or, surtout dans les circonscriptions marginales. Bref, une telle action lui fera plus de tort que de bien.

Cette bourde de la direction de la MBC relance les débats sur la politisation des institutions et sur le choix des gens qui sont parachutés aux commandes»

Cette bourde de la direction de la MBC relance les débats sur la politisation des institutions et sur le choix des gens qui sont parachutés aux commandes. Une chose est sûre. Tous les gouvernements font de la MBC leur propriété privée. Les sorties du Premier ministre et de ses ministres sont diffusées en boucle, alors que les partis de l’opposition sont présentés sous leur plus mauvais jour. Cela fait partie de l’ADN de nos politiciens, peu importe leur couleur. 

Avec une équipe de direction totalement apolitique qui opère en toute indépendance, cette maladresse aurait-elle pu être évitée ? Question banco !

Après les élections du jeudi 7 novembre, peu importe le parti ou l’alliance qui sera au pouvoir, la priorité du leader sera de caser ceux qui n’ont pas eu d’investiture, les parents et les amis à la tête des institutions paraétatiques. « Is the right man in the right place ? » La réponse importe peu... Existe-t-il une formule magique pouvant tranformer la médiocrité en efficacité ?

Il est malheureux que la classe politique mauricienne ait tendance à éviter les matières grises locales neutres qui peuvent apporter un semblant de renouveau au sein des corps paraétatiques. Qu’on le veuille ou non, ils produisent des résultats. À l’instar du Dr Jawaharlall (Sudesh) Lallchand qui a sorti la Mauritius Shipping Corporation (MSC) de l’ornière et qui a fait d’elle un organisme profitable. 

À la MBC, une refonte s’impose. Les bandes-annonces pour la transformer en une BBC ne sont qu’illusoires. Entre les discours et les actions de nos politiciens, le fossé est jusqu’ici infranchissable. Est-ce par manque de volonté sincère ?