L’achat de médicaments et de matériels médicaux, dont des masques de type N95 à Rs 250 l’unité, par le gouvernement durant la pandémie de Covid-19 refait surface. Ce dossier controversé, lié à la procédure d’acquisition d’urgence mise en place à l’époque, fait actuellement l’objet d’une enquête au niveau du ministère du Commerce et de la protection des consommateurs et du ministère de la Santé.
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C’est ce qu’a confirmé le ministre du Commerce, Michael Sik Yuen, durant l’émission Au cœur de l’info. L’objectif de l’enquête est de déterminer s’il y a eu des irrégularités ou des abus dans les procédures d’achats d’urgence menées à l’époque sous le couvert de l’Emergency Procurement.
La State Trading Corporation (STC), qui tombe sous ce ministère et qui est l’entité d’État chargée habituellement de l’importation de produits de base comme le riz, le pétrole ou encore la farine, avait été mandatée en 2020 par le précédent gouvernement pour assurer l’achat de médicaments et d’équipements médicaux durant les premières vagues de la pandémie de Covid-19. Une décision justifiée, à l’époque, par l’urgence sanitaire et la nécessité d’une intervention rapide pour approvisionner le pays en produits essentiels, en particulier lorsque les frontières internationales étaient largement perturbées.
En mai 2024, lors d’une Private Notice Question (PNQ) posée par Shakeel Mohamed, alors leader de l’opposition, l’ancien Premier ministre Pravind Jugnauth avait confirmé devant le Parlement que le dossier faisait l’objet d’une enquête. À cette occasion, il avait déclaré que l’ancienne Independent Commission Against Corruption (ICAC) avait initié des investigations, reprises depuis par la nouvelle Financial Crimes Commission (FCC), créée sous la Financial Crimes Commission Act. Toutefois, en vertu de la section 161 de cette loi, aucune information relative aux enquêtes en cours ne peut être divulguée publiquement, avait précisé l’ex-chef du gouvernement. Pravind Jugnauth avait ajouté : « Je n’ai pas été interrogé à ce stade par les autorités compétentes. Concernant les autres membres du High-Level Committee, je ne suis pas en mesure de me prononcer ».
Il s’agissait en outre d’examiner les conditions dans lesquelles ces acquisitions ont été effectuées. En cause : la procédure dite d’«emergency procurement», qui permettait de contourner les appels d’offres traditionnels pour gagner du temps. Bien que cette disposition soit prévue par la loi en situation d’urgence, elle soulève des questions sur la transparence et le rapport qualité-prix des produits importés.
Procédure exceptionelle
L’opposition de l’époque estimait que cette procédure exceptionnelle, si elle répondait à un impératif de santé publique, a pu être utilisée sans les mécanismes de contrôle habituels, ouvrant la voie à d’éventuelles irrégularités. Plusieurs rapports préliminaires avaient déjà, par le passé, mis en évidence des prix jugés élevés pour certains médicaments et équipements, ainsi que des interrogations sur les fournisseurs choisis.
Parmi, Pack & Blister, qui avait décroché deux contrats. L’un de Rs 476 329 362,30, pour fournir cinq millions de masques chirurgicaux, un million de masques N95, 100 000 équipements de protection et 50 respirateurs artificiels. Ces respirateurs artificiels, défectueux, avaient été renvoyés à l’expéditeur. La seconde était pour fournir 29 000 équipements de protection pour la somme de Rs 1 282 500.
Bo Digital Co était une autre firme ayant obtenu un contrat pour des masques, des équipements de protection et des caméras thermiques pour la somme de Rs 308 585 400.
L’opposition et des organisations de la société civile avaient dénoncé un manque de transparence dans les transactions. Elles avaient même réclamé des enquêtes indépendantes pour faire la lumière sur les montants engagés et les conditions des contrats attribués.
Achat de Molnupiravir : aucune enquête interne menée par la Santé
Aucune enquête interne n’a été menée par le ministère de la Santé suite à l’achat controversé de 9 900 capsules de Molnupiravir ni aucune charge logée devant la Cour, a soutenu le ministre de tutelle, Anil Bachoo en réponse à la question de la députée Rubna Daureeawo.
Il a souligné le ministère de la Santé a attribué un contrat à CPN Distributors Ltd via la méthode de procurement d’urgence pour la fourniture de 9 900 capsules de Molnupiravir le 7 décembre 2021. Le montant total s’élevait à Rs 79 840 000,88, soit Rs 79,92 l’unité.
Si dès mi-décembre 2021, la Commission anticorruption (Icac) a ouvert une enquête sur les contrats d’approvisionnement de Molnupiravir destinés au traitement des patients atteints de Covid-19, à ce jour, il n’y a aucune enquête policière concernant ces contrats. Toutefois, l’affaire fait l’objet d’une enquête au niveau de la Financial Crimes Commission. « À ce stade, aucune charge formelle n’a été déposée devant la Cour de district » a également affirmé le ministre Bachoo.
Lorsque le PAC faisait état d’irrégularités
En 2022, le Public Accounts Committee (PAC), alors présidé par Reza Uteem, actuellement ministre du Travail, avait dénoncé de multiples infractions et pratiques opaques ayant marqué les Covid-19 Emergency Procurements financés par des fonds publics à hauteur de 1,7 milliard de roupies en 2020.
Parmi les constats faits par le PAC, il y avait l’absence de transparence. Le rapport précisait que « no record was kept in respect of the choice of the suppliers and the reasonableness of the prices quoted by them ». En d’autres termes, aucun document ne justifie les critères de sélection des fournisseurs ni les prix négociés.
Des fonctionnaires des ministères de la Santé et du Commerce ont affirmé devant le PAC avoir exécuté des instructions verbales émanant de leurs ministres respectifs ou du Covid-19 High-Level Committee, présidé par le Premier ministre. La représentante du ministère de la Santé avait déclaré : « The Minister received instructions, and we execute as executors of decisions », ajoutant qu’aucun compte-rendu écrit n’était disponible pour attester de ces directives.
Le rôle de la State Trading Corporation (STC) comme exécutant avait aussi été mis en exergue dans le rapport. Celle-ci aurait agi comme un simple « paying agent » sous les directives du ministère de la Santé. Le PAC soulignait que les spécifications des médicaments et équipements provenaient du ministère, tandis que la STC se chargeait uniquement des transactions financières, ces paiements étant ensuite remboursés par le ministère de la Santé.
Le PAC avait également attiré l’attention sur des pratiques préoccupantes concernant des contrats accordés à des proches du pouvoir, tout en notant que le paiement de ces contrats se faisait «quasi automatiquement».
Un point majeur soulevé par le PAC concerne l’implication directe des ministres dans le processus d’attribution des contrats. Le comité rappelait dans son rapport que, selon les National Assembly Regulations et la clause 68 de la Constitution, les ministres ne doivent pas intervenir dans les procédures de passation des marchés publics, une responsabilité qui incombe exclusivement aux Accounting Officers des ministères concernés.
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