Dans les années 70-80, elles étaient l’atout ‘glamour’ durant les grandes cérémonies nationales, à commencer par la fête de l’Indépendance. Mais ces dernières années, les majorettes du collège Queen Elizabeth avaient disparu, après le départ à la retraite de Ginette Cabon, leur grande prêtresse en formation.
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Une ancienne pensionnaire de l’établissement, Jennifer Ng, a décidé de faire revivre cette belle époque, en formant les ‘cateaux verts’ et d’autres collégiennes à la pratique de la marche militaire en jupettes, bottes et baguettes. Rencontre.
Lorsque les majorettes ‘cateaux verts’ – c’est ainsi que les filles du QEC sont connues et elles n’en tirent pas moins une certaine fierté – défilaient durant ces fêtes, on admirait bien sûr leur habilité à jongler les baquettes, rythmées par une cadence toute martiale, mais il y avait aussi une dose de voyeurisme de la part de la gente masculine.
« Mais il n’y avait rien à voir. On portait trois culottes et un collant. Il y avait l’obligation d’être décente, car c’était aussi l’image du Queen Elizabeth qu’on projetait », se défend Jennifer, la quarantaine et ancienne majorette elle-même.
Contorsions physiques
Au sein de son association, Baton Twirling-Mauritius Ltd, Jennifer est en train de former des générations de twirleuses, capables de faire rayonner à nouveau l’époque où, au QEC, la pédagogie s’entendait à merveille avec les contorsions physiques pour contribuer à la formation de l’élite mauricienne, parmi un monopole de lauréates.
« En 2013, à l’occasion de la Fête des anciennes, lorsque j’ai proposé de faire revivre cette tradition, je me suis rendue compte que la nouvelle génération au QEC ne connaissait pas l’existence des majorettes dans leur collège », se souvient-elle.
En fait, depuis que Ginette Cabon, qui a longtemps été la figure de proue dans la formation des majorettes au QEC, a pris sa retraite, la relève n’a pas suivi.
La quadragénaire, formée en Textiles Technology à l’université de Bordeaux et chef d’entreprise, a souvent traîné ses guêtres outremer, dans l’exercice de son métier, parfois dans des situations extrêmes, comme celle qui prévalait à Lahore après les attentats du 11 septembre 2001 au World Trade Centre, aux États-Unis.
« C’était, à l’époque, l’endroit le plus dangereux où je travaillais, et le plus calme, c’était la Scandinavie. Le plus froid, c’était l’hiver de Moscou, à moins 15 degrés », se souvient-elle encore. Aujourd’hui, elle reconnaît qu’autant de contrastes dans sa vie professionnelle lui a forgé un caractère blindé face à l’adversité.
Formation au twirling
Depuis la mise sur pied du groupe, ce sont quelque 150 filles qui suivent chaque année sa formation au twirling. « Certes, il a fallu d’abord en parler aux parents, mais ils étaient tous d’accord. Je pense que le fait d’être moi-même une ancienne du QEC les a rassurées et ensuite, la mentalité n’est plus la même par rapport aux années 70-80. Il n’y a plus de critères d’admission, c’est une sélection toute naturelle », dit-elle.
En son temps, reconnaît-elle, l’approbation des parents était difficile à arracher, car ceux-ci faisaient valoir l’idée que le collège, surtout le QEC, était l’endroit où on apprenait afin de réussir sa vie, pas pour autre chose, et où le peer-pressure décourageait les meilleures volontés.
« Cette réflexion n’a pas beaucoup changé, mais c’est par rapport à d’autres choses qui, elles, sont de véritables entraves à la réussite scolaire. Or, la pratique du bâton twirling participe à la formation intégrale de la collégienne, elle équilibre la force mentale et la forme physique », explique Jennifer.
En ces temps où les tendances imposent au jeune d’avoir une tête bien faite dans un corps sain, la pratique du twirling semble apporter une réponse adéquate à cette exigence. Et pourtant, en son temps, fait-elle valoir, les filles étaient moins prudes qu’aujourd’hui. « Je revois encore ces filles qui portaient des minijupes très courtes », dit-elle.
Est-elle en train de réussir à rétablir une tradition dont seule le QEC avait le monopole ? « Oui, lorsque je vois le nombre de filles qui suivent les cours », répond-elle sans équivoque. Avant d’enchaîner : « De surcroit, comme à mon époque, elles y mettent la passion et la rigueur dans ces pratiques, comme elles le feraient pour les examens. Ça,, c’est un peu la marque des ‘cateaux verts’ », dit-elle, un peu triomphalement.
Comme pour clouer le bec à celles qui leur jettent à la figure l’éternelle reproche d’être des machines à apprendre et dépourvues d’humanité et de solidarité. « Ça, c’est une petite jalousie. Nous sommes sans doute l’un des rares collèges où les filles se reconnaissent après la fin des études et entretiennent une véritable amitié », fait-elle.
Il y a sans doute aussi chez Jennifer un coté atypique, qui la range en dehors des normes. « Je tiens ce caractère de mes parents. Ma mère, qui était une excellente couturière, et mon père enseignant. Puis, au sein de la famille, il règne un esprit francophone, avec trois enfants, dont moi-même, qui étaient des boursiers français. C’est peut-être de là que vient mon côté atypique », dit-elle.
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