Une lettre émanant du Passport and Immigration Office plonge toute une famille dans la stupeur. Léa Ratna, mère de deux enfants âgés de 9 et 12 ans, est née à Madagascar. Elle vit à Maurice depuis une vingtaine d’années, mais après le décès de son mari en novembre dernier, elle est sommée par les autorités de quitter le territoire. Cette mère de famille, âgée de 40 ans, est plongée dans le désespoir. Qui prendra soin de ses deux enfants ? Elle sollicite l’aide du Premier ministre.
« Hon. Pravind Jugnauth, Prime Minister, HELP ME PLEASE ». À bout de forces, après avoir marché pendant des heures pour ses démarches, c’est au Premier ministre que Léa Ratna souhaite adresser son message. « Je sais que je ne pourrai pas le rencontrer si je vais à son bureau et c’est pourquoi je cherche d’autres moyens pour qu’il m’entende ». C’est complètement désorientée et en larmes que Léa Ratna est venue nous faire part de sa situation.
Dans la lettre du Bureau de l’Immigration, il est écrit : « I have to inform you that following the death of your late husband Mr Mario Louis Ratna, a citizen of Mauritius, you will cease to be a resident under section 6(2) of the Immigration Act as from 24 May 2019… You are therefore kindly requested to make necessary arrangements to leave Mauritius on or before that date. »
Quel choc pour Léa Ratna qui a reçu ce courrier mardi dernier. Elle raconte : « Lorsque je l’ai ouvert, j’ai failli m’évanouir. Je n’étais pas sûre d’avoir bien compris. J’ai demandé à une amie de lire la lettre. Quand elle a confirmé qu’on me demandait de quitter le territoire mauricien, j’ai pleuré dans ses bras ». Elle explique avoir tenté d’expliquer la situation à ses enfants, « mais ils ne comprennent pas, ils pensent que je vais en vacances et que je reviendrai. »
Son mari est mort dans un accident de la route
Sa belle-sœur qui l’accompagne est sidérée. Les larmes aux yeux, elle se demande ce qu’adviendront de son neveu et de sa nièce si Léa est déportée. « Mon frère est mort il y a à peine six mois. Ni son épouse ni ses enfants ne se sont remis de cette perte. Les enfants dorment tous les soirs avec leur mère, car ils ont peur d’être seuls. Maintenant on demande à la mère de s’en aller. Qu’est-elle supposée faire de ses enfants ? », dit-elle révoltée. Elle s’insurge contre la manière de procéder des autorités : « Je pense qu’on aurait pu l’appeler pour lui réclamer des explications et trouver une solution et non l’expulser en trois lignes ». Elle ajoute que sa belle-sœur est dans la tourmente. « L’usine où elle travaillait a fermé. Elle n’a pas encore reçu de compensation et au niveau de sa pension de veuve, on lui demande de patienter. »
Léa Ratna, de son côté, dit avoir appelé plusieurs fois le bureau de l’Immigration pour demander des informations. Là-bas, on lui a répondu : « Zot dir, sinn dir ou ale ou bizin ale. »
Cette mère de famille ne comprend pas pourquoi on lui demande de partir. « Je suis à Maurice depuis que j’ai 21 ans. Je suis venue travailler ici en 2001. Puis j’ai rencontré mon mari à l’usine où je travaillais. Nous nous sommes mariés en 2005 et avons eu deux enfants. J’ai travaillé comme machiniste jusqu’à la fermeture de l’usine. Avec beaucoup de difficultés, mon mari et moi avons construit une maison. J’ai apporté ma petite contribution dans ce pays et voilà que tout à coup, on ne veut plus de moi. C’est pour cela que je voudrais que le Premier ministre prenne connaissance de mon histoire. »
« Ne faites pas de mal à ma famille »
Léa Ratna était supposée de quitter le pays le vendredi 24 mai. « J’ai peur. Mes enfants sont angoissés. Mes proches sont consternés. Nous sommes dans l’impasse. J’ai besoin de savoir ce que les autorités comptent faire de moi. Je ne veux pas rentrer à Madagascar. Je n’ai presque plus de proches là-bas et je vais devoir tout recommencer à zéro. Et pour les enfants, ce sera un véritable drame. Ils devront rester ici sans moi ou tout quitter pour aller vivre à Madagascar où ils n’ont jamais vécu. Je vous en supplie, ne faites pas de mal à ma famille. »
Maintenant qu’elle a pris la décision de ne pas partir, que se passera-t-il ?
Nous avons envoyé un courrier au Police Press Office afin d’obtenir des éclaircissements au niveau du Bureau de l’immigration. Cependant, à l’heure où nous mettions sous presse, les informations n’étaient toujours pas disponibles.
L’association DIS-MOI monte au créneau : « C’est clairement une violation de ses droits »
Me Erickson Mooneeapillay, responsable de DIS-MOI Maurice, a rencontré Léa Ratna. Il trouve aberrante la lettre qui lui a été envoyée. « Cette personne a une carte d’identité mauricienne, elle est donc une Mauricienne. On ne peut pas la mettre dehors. C’est clairement une violation de ses droits. Sur une base humanitaire, il est important de ne pas enclencher les démarches pour déporter des personnes sans bien s’enquérir de leur situation. Il faut agir avec plus d’humanité et dans le respect des droits humains ».
DIS-MOI a lancé le 4 mai dernier son projet, Pro Bono Clinic qui traite à titre volontaire et gratuit le dossier de personnes qui ne peuvent avoir recours à des conseils juridiques.
Que dit la loi ? : Perte du statut de résident
Il existe plusieurs circonstances dans lesquelles une personne peut perdre son statut de résidente sous l’Immigration Act (section 6). Cela peut, par exemple, se produire six mois après la fin de son mariage avec un citoyen mauricien. Elle peut aussi perdre son statut si les autorités estiment que cette décision relève de l'intérêt public. La personne cesse aussi d’être résidente si elle réside volontairement en dehors de Maurice pour une période continue d’un an voire plus.
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