Société

Une «cohabitation» méthadone - Subroxone ?

Le ministre de la Santé rentre au pays aujourd’hui. La polémique soulevée par ses « motivations politiques » à  la décision  d’arrêter la méthadone risque d’être relancée. Au risque d’étouffer le vrai débat : la méthadone doit-elle être abandonnée ? Ong et practiciens y semblent favorables. Pourquoi ne pas faire coexister Subroxone et méthadone pour le traitement des toxicomanes, au lieu de remplacer l’un par l’autre ? Car non seulement la méthadone a fait ses preuves, ici et ailleurs, mais, produit plus puissant, il est mieux adapté à certains types de toxicomanie. Ce serait là une manière d’éteindre la polémique.
Jamais médicament n'aura en effet fait autant de vagues. Introduit comme produit de substitution aux drogues en 2006, le traitement à la méthadone avait été couplé à celui d'échange de seringues comme moyen de réduction de risques, car il y a parmi nos toxicomanes une forte prévalence de séropositifs. Ces programmes ont permis de faire baisser le taux de transmission qui est passé de 92,1 % en 2005 à 34 % en 2014. Mais à son arrivée au gouvernement, Anil Gayan a décidé de tout arrêter.

Surprenante diabolisation

Prise sans consultation, sa décision a été très mal accueillie par les Ong. Car les options qu’il propose – la Naltrexone et la Subroxone – ne semblent pas faire l’unanimité dans le monde médical. C’est dans ce contexte de tension qu’Anil Gayan est venu lâcher, la semaine dernière, que sa décision était motivée politiquement. Ce qui lui a valu une levée de boucliers de la part de tous ses adversaires politiques, dont Rama Valayden qui a adressé une lettre à l'Equal Opportunities Commission afin qu'une enquête soit ouverte sur ces propos.
[panel contents="Le ministre Anil Gayan a pointé du doigt les ONG, les accusant de n'avoir pas joué pleinement leur rôle puisque de nombreux patients sont encore sous méthadone presque 10 ans après. à cela, elles répondent que, non seulement, elles ne disposent pas de moyens suffisants, mais qu’un rapport datant de 2012 a été remis au ministère de la Santé contenant plusieurs recommandations pour améliorer le programme. Ce rapport, rédigé par Shane Moore et une équipe de consultants sous l'égide du Aids Projects Mamagement Group (APMG), doit dormir dans un des tiroirs du ministère, selon eux." label="Un rapport qui dort ?" style="warning" custom_class=""]
Dans le même temps, le Dr David Mete, du Service d'addictologie du centre hospitalo-universitaire de La Réunion, qui connaît bien la situation mauricienne, est venu enfoncer le clou. Il dit ne pas comprendre la politique du gouvernement mauricien concernant les usagers d'opiacés et la « diabolisation » que le ministre de la Santé fait de la méthadone, un médicament qui a pourtant les faveurs de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), dit-il. [blockquote]« La diabolisation de ce traitement est pour le moins surprenante. Elle va à l’encontre de 50 années d’études et d’une expérience au niveau mondial qui ont permis d’accumuler un très haut niveau de preuves : il s’agit d’un traitement sûr et efficace. La méthadone est ainsi reconnue par l’OMS depuis 2005 comme un médicament essentiel à l’humanité. L’OMS et l’ONU-DC (Office des Nations unies contre la drogue et le crime) en font le 'gold standard' de la prise en charge de la dépendance majeure aux opiacés », écrit-il dans le Journal de l’île.[/blockquote] Le médecin détruit un premier argument du ministre, qui déplorait la longueur du traitement à la méthadone. Alors qu’Anil Gayan parle d’un traitement de six mois à la Subroxone, le Dr Mete est d'un tout autre avis. « Je ne crois pas qu'avec la Subroxone, qui est une association plus récente, la durée du traitement sera plus réduite. Là, je crois qu'on est dans une vision où le traitement lui-même est une substitution, pas forcément un curatif de l'addiction ». L’argument qui revient le plus souvent quand on oppose l’un à l’autre est que la méthadone a fait ses preuves alors que la Subroxone est plus récente.  « Le traitement à la méthadone existe depuis 1994. Elle est aujourd'hui disponible sous forme de sirop, de gélule, pour des patients stabilisés depuis plus d'un an ». Mais pour le médecin, ce qui serait plus sage serait d’adopter les deux produits, et de les choisir selon le patient. « Je crois que l'important pour les politiques de santé, c'est d'être ouvert aux évidences scientifiques, à l'évolution des médicaments », nous a-t-il confié. Imran Danhoo, responsable du centre Idrice Goomany, abonde dans le même sens. Pour lui, si le gouvernement veut venir de l'avant avec de nouveaux médicaments, ce n'est pas un problème, mais l'option de la méthadone doit être toujours présente pour les patients qui ont besoin d'un traitement plus lourd. Toutes ces affirmations viennent aussi contredire les propos tenus par le Professeur Gary Hulse qui a remis en question l'efficacité de la méthadone. « Le problème, c'est que la méthadone affecte vos nerfs, diminue à la longue la capacité de lutter contre les infections. » Mais, comme insistent le Dr Mete et Imran Danhoo, si la Subroxone et la Naltrexone sont moins puissantes, ce sont des produits récents et n'ont pas encore fait leurs preuves. Le Dr Mete affirme que le Prof Hulse a signé un arrangement contractuel avec la société Go Medical Industries du Dr O’Neil. Selon lui, « les recommandations de ces deux médecins australiens n’ont absolument rien à voir avec celles du gouvernement australien, qui elles répondent parfaitement aux standards internationaux. » Il se demande s'ils ne veulent pas faire de Maurice un territoire d’expérimentation à l’échelle d’un pays… [row custom_class=""][padding-p-2 custom_class=""][/padding-p-2][/row]

Tour du monde…

Ukraine. Comme Maurice, ce pays faisait face à une forte prévalence du VIH parmi les usagers de drogue. Le cas d'Oleg, un injecteur de drogue qui a pu s'en sortir grâce à la méthadone, est raconté sur le site de l’OMS. « Une analyse récente des soins intégrés en Ukraine a permis de constater qu’ils ont permis non seulement une amélioration de l’issue du traitement du VIH mais également une baisse non négligeable de l’usage de drogues illicites », peut-on lire dans cet article. L'Espagne est aussi citée. En Espagne, la fourniture de méthadone dans le cadre du traitement de maintien de la dépendance à l'héroïne, combinée à la distribution de matériel d'injection stérile et à l'accès au traitement du SIDA, a généré un fléchissement de l'épidémie du VIH dans le pays. 60% des personnes qui s'injectaient des drogues illicites dans le pays bénéficiaient d'un traitement de maintien à la méthadone en 2010. Le nombre de nouvelles infections par le VIH parmi les consommateurs de drogues est passé d’une moyenne annuelle de 6 200 au début des années 1990 à 690 en 2010. L'Inde a introduit la Methadone Maintenance Treatment (MMT) à l'intention des usagers de drogues en 2012. Cela sous la conduite de l'United Nations Office on Drugs and Crime, et alors que le traitement avec le Buprenorphine (Subutex) était déjà disponible. La méthadone y est citée comme un médicament le plus utilisé pour le traitement à long terme à l'intention des dépendants des opiacés. En Australie, divers produits sont utilisés afin de s'adapter aux différents besoins des patients, selon les Methadone and Buprenorphine Guidelines for Pharmacists in South Australia. La Naltrexone est citée comme médicament destiné principalement aux alcooliques.

<
Publicité
/div>
Related Article
 

Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !