
- Une des victimes, mariée religieusement à 15 ans : « Je n’étais pas son épouse, mais sa chose »
Ce qui aurait pu rester dans l’ombre éclate aujourd’hui au grand jour : une mécanique d’abus, de contrôle et d’humiliation savamment orchestrée, révélée par deux femmes brisées mais debout. Leurs voix dérangent, mais elles éclairent. Un simple interrogatoire a provoqué une véritable onde de choc. Au cœur de cette affaire : un clerc de notaire de 44 ans, que nous nommerons « Monsieur X », désormais confronté à huit chefs d’accusation. Parmi : la sodomie, la séquestration, l’exploitation sexuelle et la diffusion de revenge porn.
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Une des plaignantes est une femme désormais âgée de 35 ans. Cette mère de famille a brisé le silence sur des années de souffrance, d’humiliation et d’abus psychologiques et sexuels infligés par son mari. Elle affirme avoir été mariée religieusement à Monsieur X alors qu’elle n’avait que 15 ans. C’était vers 2004.
Mais ce mariage, dit-elle dans son témoignage poignant, n’était qu’une façade cachant des années de violences systématiques. « Je n’étais pas son épouse, mais son esclave sexuelle, sa chose », confie-t-elle avec émotion.
Durant cette union qui aura duré presque deux décennies jusqu’à son divorce obtenu le 13 juillet 2022, la victime a subi des sévices inimaginables. Non seulement elle était contrainte à des relations sexuelles non consenties, mais elle était également forcée à entretenir des rapports avec d’autres hommes.
Plus troublant encore, ces actes étaient régulièrement filmés et photographiés par son mari, parfois même à son insu. « Il me regardait pendant que d’autres hommes me touchaient et abusaient sexuellement de moi. Et il filmait... toujours », révèle-t-elle dans son récit.
Des complices identifiés
D’après sa plainte déposée au poste de police de Plaine-Verte le 11 avril 2025, plusieurs hommes seraient impliqués dans ces abus perpétrés à de multiples reprises. Parmi eux figureraient le cousin du mari résidant à Pailles, un autre homme surnommé « Car Wash » habitant Pailles, ainsi qu’un inconnu résidant à Magon Street, à Plaine-Verte. Ces actes répréhensibles se déroulaient dans divers endroits : au domicile conjugal à Pailles, mais également dans d’autres lieux, dont Plaine-Verte, ou encore dans des pensionnats à Tranquebar et Pereybère. La jeune femme y était conduite et livrée à des hommes pour « satisfaire les désirs charnels et pervers » de son époux, subissant des violences allant jusqu’à la sodomie. Ce calvaire a duré plusieurs années, faisant peser sur elle un lourd secret qu’elle gardait bien enfoui par peur de représailles et pour protéger ses enfants.
La plaignante affirme que son mari ne se contentait pas d’organiser les rencontres : il les imposait, y compris sa propre présence. Il filmait les scènes, prenait des photos intimes, parfois à son insu. Ces enregistrements, dit-elle, étaient archivés méticuleusement, comme les preuves silencieuses d’un contrôle permanent. Même après qu’elle eut exprimé son désir de rompre, après vingt ans de vie commune, l’emprise n’a pas cessé. En 2022, elle a finalement obtenu le divorce.
L’horreur continue sur les réseaux sociaux
Trois ans plus tard, soit le 4 avril 2025, l’horreur a pris une nouvelle dimension. La victime a reçu sur son WhatsApp, par un proche parent, des vidéos pornographiques et des photos intimes la mettant en scène dans ces actes forcés. Des images qui sont en circulation sur les réseaux sociaux, notamment via l’application Telegram.
« J’ai cru que c’était fini quand j’ai quitté la maison. Mais il a trouvé un autre moyen de me salir », dit-elle, persuadée que ces images ont été partagées par son ex-mari dans une tentative délibérée de se venger et de la dénigrer publiquement. Sous le choc, la mère de famille a immédiatement contacté les autorités ainsi que les plateformes concernées pour signaler cette violation flagrante de sa vie privée et demander le retrait de ces contenus. « Il me disait à l’époque que je devais lui obéir. Il me forçait à des actes répugnants. Il filmait tout et il menaçait de tout publier si je venais à en parler à qui que ce soit », précise-t-elle dans sa plainte. Elle est convaincue que ces vidéos et photos auraient ensuite été utilisées pour la faire chanter en les diffusant sur les réseaux sociaux.
Fait déterminant pour l’enquête : elle a remis à la police une clé USB contenant des vidéos pornographiques et des enregistrements audio comme preuves, désormais considérés comme pièces maîtresses du dossier. Elle s’est également déclarée capable d’identifier tous les lieux où elle a été abusée ainsi que l’identité des coupables.
Deuxième victime
Le 22 mars 2025, une autre plainte, comportant le même schéma criminel, avait été consignée par la police. Il s’agissait d’une femme de 38 ans. Dans sa déposition, elle affirme qu’après s’être mariée religieusement à Monsieur X en 2022 à l’issue du divorce de ce dernier d’avec sa seconde femme, elle a été contrainte à plusieurs reprises à recevoir des massages intimes chez l’ami de son mari, le dénommé « Car Wash », à Pailles.
Malgré ses refus répétés, son époux l’emmenait contre sa volonté et la laissait seule dans une chambre avec cet individu. Durant ces séances de massage, ce dernier l’aurait empêchée de fuir, l’aurait contrainte à une fellation et aurait abusée d’elle sexuellement. « Il m’a dit que c’était mon mari qui lui en avait donné l’ordre. Le plus affolant dans l’histoire est que mon époux m’attendait dehors, impassible », explique-t-elle dans sa plainte.
Le schéma semblait se répéter une seconde fois : une femme dominée, isolée et offerte à d’autres hommes contre son gré. Des récits qui évoquent des pratiques relevant de l’esclavage sexuel, dissimulées par un mariage religieux. Ainsi, ce qui semblait initialement être une affaire de revenge porn a évolué vers une enquête plus large sur un possible réseau de traite d’êtres humains (voir encadré).
La police sur la piste d’un possible réseau d’exploitation sexuelle
Ce qui semblait initialement être une affaire de revenge porn a évolué vers une enquête plus large sur un possible réseau de traite d’êtres humains. Grâce aux témoignages concordants des deux victimes, huit infractions provisoires ont été retenues contre l’accusé – un fait sans précédent dans les annales judiciaires mauriciennes pour une seule personne. Les autorités explorent désormais la piste d’un véritable réseau d’exploitation sexuelle, avec Monsieur X comme figure centrale. En collaboration avec des complices identifiés, il aurait systématiquement manipulé, menacé et contrôlé ses partenaires. Plusieurs autres arrestations sont à prévoir dans cette affaire.
Une célèbre TikTokeuse soupçonnée d’être impliquée
Rebondissement dans l’affaire : une des deux victimes a mentionné le nom d’une TikTokeuse très populaire à Maurice. Elle a laissé entendre qu’elle a découvert des messages à caractère intime échangés entre le suspect et cette influenceuse, ainsi que des appels vidéo fréquents entre eux. Cette TikTokeuse pourrait être entendue prochainement par les enquêteurs.
Arrestation du suspect, interrogatoire et perquisition
Le lundi 21 avril 2025, l’ASP Rajesh Moorghen a procédé à l’interrogatoire de Monsieur X. Il a été informé des charges retenues contre lui, portant sur des faits remontant à 2004. Il a réfuté les accusations portées contre lui, disant qu’elles sont fausses. Le mardi 22 avril 2025, une perquisition a été menée à son domicile à Pailles par la police de Plaine-Verte, sous la supervision de l’ASP Moorghen. Des appareils électroniques ont été saisis : ordinateur portable, caméras, disque dur, smart watches et trois cartes mémoire. Un document officiel de la police, retrouvé en sa possession illégalement, ainsi qu’une taie d’oreiller à motif floral, identique à celle aperçue dans une vidéo compromettante largement partagée sur les réseaux sociaux, ont été saisis. Le suspect est actuellement en détention policière. Le mercredi 23 avril 2025, il a participé à une reconstitution à quatre endroits : Malabar Street (Plaine-Verte), Château d’Eau Neuf Street (Port-Louis), Morcellement Raffray (Pailles) et Lataniers Lane (Pereybère). Le même jour, le suspect a été formellement identifié par son ex-épouse lors d’une confrontation. Les accusations provisoires suivantes ont été retenues contre lui : « conspiracy » ; « causing child to be sexually abused » ; « child ill treatment » ; « breach of Cybersecurity & Cybercrime Act » ; « human trafficking » ; « sodomy » ; « sequestration » ; et « possession of property bearing mark of government or third party ».
Le suspect a déposé une demande de remise en liberté sous caution. Mais elle a été rejetée. Il demeure donc en détention provisoire au poste de police de Plaine-Verte jusqu’au 30 avril 2025.
L’ASP Rajesh Moorghen dirige l’enquête
C’est l’ASP Rajesh Moorghen qui dirige cette enquête sensible. Il n’est pas un inconnu du grand public mauricien. Cet ancien enquêteur chevronné du Central Criminal Investigation Department (CCID) s’est illustré par plusieurs affaires marquantes et actes héroïques au fil de sa carrière.
En 2020, il a élucidé le meurtre non résolu de Barthélemy Azie, survenu 21 ans plus tôt à Rodrigues. En 2023, il a sauvé une jeune femme d’un suicide à Côte d’Or. Quelques mois plus tard, il a retrouvé un nourrisson abandonné à Résidence Barkly. Plus récemment, en août 2024, bien qu’étant en civil, il est parvenu à désarmer un agresseur muni d’un sabre à Saint-Pierre, se blessant dans l’intervention. Son palmarès impressionnant remonte à 2004 lorsque, affecté au CCID, il avait procédé à l’arrestation de Subodnath Dhoomun, recherché par Scotland Yard pour un meurtre commis en Angleterre.

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