
Le nombre d’automobilistes circulant sous l’emprise de stupéfiants ne cesse d’augmenter, au point de devenir une menace tangible pour la sécurité routière. Entre flambée des cas détectés, scènes hallucinantes filmées en plein trafic et appels pressants des experts à renforcer le cadre légal, le phénomène du « Drug-Driving » s’impose comme un fléau en roue libre. Tandis que les autorités prônent une approche de « tolérance zéro », des voix réclament des mesures plus drastiques.
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Depuis le début de l’année, plus de 285 cas positifs de conduite sous l’influence de stupéfiants ont été enregistrés par les Casernes centrales. Ce fléau, communément appelé « Drug-Driving », prend des proportions inquiétantes.
En effet, le phénomène « Zombie » chez les conducteurs connaît une ascension fulgurante. Les réseaux sociaux regorgent de vidéos montrant des chauffeurs d’autobus en état de somnolence avancée ou des automobilistes manifestement sous emprise de substances illicites.
Les statistiques confirment cette tendance alarmante. En 2024, pas moins de 1 082 automobilistes positifs à la drogue ont été recensés, soit une augmentation de 25% par rapport à 2023. Entre janvier 2024 et janvier 2025, treize conducteurs impliqués dans des accidents se sont révélés positifs aux tests de dépistage.
Les utilisateurs de deux-roues, particulièrement les jeunes, représentent la catégorie la plus vulnérable face à ce danger. D’après les experts, l’accessibilité accrue aux drogues de synthèse, peu coûteuses et largement disponibles, contribue à exacerber le problème.
Facteurs aggravants et risques multipliés
Dans une déclaration accordée au Défi Media Group en mars dernier, Alain Jeannot, président de Prévention Routière Avant Tout (PRAT), avait souligné un facteur aggravant : l’augmentation annuelle de 4 % du parc automobile. « Dans presque chaque famille, on trouve au moins deux véhicules motorisés. Cette démocratisation accentue le risque de voir des conducteurs intoxiqués circuler », avait expliqué l’expert en sécurité routière. Plus alarmant encore, selon lui, la combinaison de drogues et d’alcool multiplie par quatorze le risque d’accidents mortels.
Barlen Munusami, un autre expert en sécurité routière, avait aussi réagi sur le sujet dans une déclaration accordée au Défi Media Group le mois dernier. S’il avait concédé que ce phénomène n’était pas récent, il avait toutefois reconnu qu’il avait pris « une tournure inquiétante ces dernières années ».
Il avait noté une hausse des accidents de la route liés à la consommation de drogues. « Si auparavant ce phénomène passait inaperçu, l’introduction récente de kits de détection salivaire a permis de le mettre en lumière », avait-il souligné.
S’il avait reconnu leur efficacité pour une détection préliminaire, il avait cependant précisé qu’ils n’étaient pas toujours suffisants. « Un test salivaire positif doit être confirmé par un test sanguin pour prouver la présence de drogues. »
Barlen Munusami trouvait que la procédure n’était pas encore assez rapide, « ce qui limite son efficacité ». Mais il était convaincu que les tests de détection salivaire envoient un message clair. « Il n’y a plus de place à la tolérance pour ces cas. La conduite sous influence de drogues est passible de sanctions sévères. C’est tolérance zéro envers ceux qui conduisent sous l’influence de stupéfiants, comme le cannabis, l’héroïne, la cocaïne et le LSD. »
Il avait cependant nuancé ses propos concernant certains médicaments prescrits pour traiter la douleur. « La morphine, par exemple, ne constitue pas de danger immédiat pour la sécurité routière si elle est administrée correctement et à des doses contrôlées. Cependant, lorsqu’elle est ingérée à fortes doses, elle constitue un facteur de risque », avait fait ressortir Barlen Munusami.
Une approche préventive et répressive préconisée
Alain Jeannot avait, dans sa déclaration, insisté sur l’importance d’une intervention précoce. D’après lui, la sensibilisation doit débuter dès les bancs de l’école, complétée par des programmes spécifiquement conçus pour les jeunes conducteurs.
Le président de PRAT avait souligné que « la lutte contre la drogue au volant doit être continue et doit s’adapter aux nouvelles menaces ». Il recommandait vivement l’adoption de technologies de détection plus sophistiquées, associées à une application immédiate des sanctions légales.
« La saisie des véhicules et l’intensification des contrôles routiers sont essentielles afin que les individus mettant en péril la vie des autres soient sanctionnés sans délai », avait-il dit fermement.
De son côté, Barlen Munusami avait dit estimer qu’une révision accélérée du cadre juridique s’impose. Selon lui, l’instauration de sanctions automatiques et dissuasives pour les conducteurs sous emprise de stupéfiants constitue une priorité absolue.
En outre, il avait plaidé en faveur d’une coopération internationale renforcée. Cette démarche collaborative permettrait d’améliorer significativement la recherche scientifique sur les comportements à risque des automobilistes sous influence de substances psychoactives.
Amendement de la Road Traffic Act en 2019
En 2019, la Road Traffic Act avait été amendée dans le but de renforcer la sécurité routière en sanctionnant toute conduite sous l’influence de substances intoxicantes. L’objectif principal du projet de loi était de prévoir que sera considérée comme commettant une infraction toute personne qui, sous l’influence d’une drogue ou d’une substance intoxicante, :
(a) circule à vélo sur une route ou tout autre lieu public ;
(b) conduit ou tente de conduire un véhicule motorisé sur une route ou tout autre lieu public ;
(c) conduit ou tente de conduire un véhicule impliqué dans un accident de la route ;
(d) est responsable d’un véhicule motorisé sur une route ou tout autre lieu public ;
(e) occupe le siège avant d’un véhicule motorisé en tant que conducteur qualifié supervisant un apprenti conducteur circulant sur une route ou tout autre lieu public.
Un plan d’action ambitieux du gouvernement
Face à la situation alarmante du Drug-Driving, le Premier ministre, Navin Ramgoolam, a décidé d’instaurer la National Drug Policy Monitoring and Coordination Agency. Cette instance stratégique, placée sous la direction de Sam Lauthan, vise à harmoniser les efforts dans la lutte contre les stupéfiants à l’échelle nationale.
Une des mesures envisagées par le gouvernement était de demander l’assistance de Jean Todt, émissaire spécial de l’Organisation des Nations unies (ONU) pour la sécurité routière. Une rencontre a eu lieu entre lui et le Premier ministre le 8 avril 2025.
Ce dernier a réitéré son engagement ferme à transformer le paysage routier mauricien en mettant l’accent sur les mesures destinées à réduire le nombre de victimes de la route. Il avait d’ailleurs annoncé, en février 2025, que les véhicules des conducteurs sous influence de drogues seraient saisis.
Répondant à une Private Notice Question le 7 février 2025 portant sur la hausse du nombre d’accidents de la route, Osman Mahomed, ministre du Transport terrestre, avait énuméré une série de mesures envisagées par le gouvernement. Voici quelques-unes d’entre elles :
- Révision immédiate des politiques de sécurité routière avec accent sur la réduction des accidents ;
- Conversion des autoroutes dangereuses en routes à double voie (comme l’axe La Vigie-Aéroport) ;
- Révision du système d’octroi des permis de conduire avec introduction d’un système progressif en quatre phases ;
- Reconstitution du Board du National Road Safety Council avec des experts en sécurité routière ;
- Finalisation du programme d’éducation à la sécurité routière dans les écoles secondaires ;
- Élimination de 45 zones « accidentogènes » et la réhabilitation de 300 km de routes dangereuses ;
- Renforcement des contrôles routiers avec appui du système de Permis à Points ;
- Transformation de la Traffic Management Road Safety Unit en National Road Safety and Traffic Lead Agency, dédiée à la mise en œuvre de stratégies nationales pour réduire la mortalité routière ;
- Modélisation des embouteillages à l’échelle nationale avec utilisation de drones ;
- Évaluation et réinstallation des panneaux et marquages routiers ;
- Augmentation des sanctions pour les infractions, notamment pour le non-port de gilets rétroréfléchissants ;
- Mise en place d’une loi rendant obligatoire l’utilisation de dispositifs de retenue pour enfants dans les véhicules lorsque c’est applicable ;
- Modernisation du Professional Driving Training Centre par le ministère de l’Éducation en collaboration avec le Mauritius Institute of Training and Development pour qu’il réponde aux normes internationales.
En chiffres
- De janvier 2025 à avril 2025, 285 automobilistes ont été testés positifs à la drogue
- En 2024, 1 082 automobilistes testés positifs à la drogue (+25 %)
- De janvier 2024 à janvier 2025, treize conducteurs impliqués dans des accidents ont été testés positifs à la drogue
- En 2023, 823 automobilistes ont été testés positifs à la drogue
- De juin à décembre 2022 :
- 47 automobilistes ont été positifs à la drogue
- 2 automobilistes avaient refusé le test et déclarés, de facto, positifs à la drogue
Road Safety Unit : un combat sans relâche
Du côté de la Road Safety Unit de la Traffic Branch, on affirme mener un combat constant. Les contrôles ont été intensifiés, notamment à travers les opérations « crackdown » menées jour et nuit. « Ces derniers temps, nous avons constaté une recrudescence des cas, impliquant même des chauffeurs de transport en commun », confient des sources au sein de l’unité.

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