Interview

Richard Via, chargé d’affaires malgaches: «Plus d’échanges pour booster les relations entre nos deux îles»

Richard Via, chargé d’affaires de la République de Madagascar à Maurice, part après avoir passé 15 ans à Maurice. Il plaide pour davantage de coopération et d’échanges entre la Grand île et notre pays. À 57 ans, vous partez après avoir été en poste à Maurice pendant 15 années. Comment avez-vous vécu cette affectation ? Cela a été une expérience enrichissante tant sur le plan personnel que professionnel. Je suis arrivé à Maurice en septembre 2000 avec ma famille en tant que premier conseiller pensant y rester cinq ans. Et me voici encore là 15 ans après.
Maurice, votre deuxième patrie ? Définitivement, tant pour moi que pour ma famille et surtout pour mes enfants. Je dois dire que du point de vue professionnel, le challenge a été grand. Car c’était ma première affectation à l’étranger et je n’en ai pas eu d’autres après. J’ai vu passer deux ambassadeurs. Le premier, un administrateur civil, donc un grand commis de l’état malgache, et le second, un trader du secteur privé. Les deux ont participé à mon épanouissement. Si bien qu’après le rappel de l’ambassadeur Bruno Ranarivelo après la crise de 2009, j’ai été appelé, en juillet 2010, à assumer les fonctions de chargé d’affaires. Aujourd’hui, je peux dire que je quitte Maurice en tant qu’ambassadeur accompli.
[blockquote] « Il faut suivre l’exemple de la FAIL qui va importer 60 000 tonnes de maïs de Madagascar » [/blockquote]
Que retenez-vous de ces années à Maurice ? Il y a eu des hauts et des bas. Par exemple ? Déjà la crise et la non-reconnaissance de la transition n’ont pas été faciles à gérer... Quel est votre bilan ? Le bilan pendant la période de transition était un peu mitigé. Mais à part cela, je me suis investi à fond dans le dossier de la crise alimentaire. J’ai même écrit un livre et fait plusieurs présentations sur Madagascar. Je partage l’avis de ceux qui pensent que Madagascar a tout pour être le grenier de l’océan Indien. C’est même sa responsabilité naturelle.  Malheureusement, le pays n’a pas joué le jeu. Mais je suis confiant qu’avec sa superficie et ses atouts, cela va pouvoir se faire. Il faut tout simplement améliorer les infrastructures, améliorer les pistes rurales, moderniser l’outillage portuaire, installer des greniers de stockage et développer le cabotage. Quels seraient ces produits que Madagascar pourrait produire et exporter ? La table ronde qui s’est tenue à Mahajanga, en 2013, pour  cerner la question a identifié quatre produits, le maïs, le riz, les grains secs et la pomme de terre. On peut aussi y ajouter l’oignon et l’ail. La production et l’exportation de ces produits justifieraient un cabotage régional. C’est aussi un projet cher à la COI et nous comptons beaucoup sur le soutien de Maurice. Quand on parle des produits malgaches sur le marché local, on ne pense qu’à l’artisanat… Madagascar n’exporte pas que son artisanat. Lors de la période de la crise malgache, c’était ‘business as usual’. Maurice importait le bois de pin utile pour le coffrage des bateaux, des grains secs et des fruits de mer. Nous développons actuellement l’artisanat d’art. Maurice pourrait en bénéficier. Comment raffermir les relations entre nos deux pays ? Les instruments de coopération sont là. Avec Maurice, il y a déjà des accords aériens, agricoles, commerciaux et touristiques. Le Board of Investment de Maurice a aidé à la mise en place d’un Economic Development Board of Madagascar.  Nous croyons beaucoup en les relations Maurice/Madagascar. Maurice a le savoir-faire et le financement, nous avons notre superficie. Il faut suivre l’exemple de la Food and Allied Industries Ltd (FAIL) qui va cette année importer 60 000 tonnes de maïs de Madagascar. Ceci dit, on a oublié l’essentiel. Et c’est quoi ? Le volet culturel. On va réactiver et réactualiser  les relations entre Maurice et Madagascar en ravivant nos racines culturelles. Il ne faut pas oublier que la Grande île compte parmi les pays de peuplement de Maurice. Comment allez-vous procéder ? Par des échanges d’artistes, de films documentaires entre la Mauritius Broadcasting Corporation et la télévision malgache et des courts-métrages, pour ne citer que ceux-là. Il faut cimenter nos relations séculaires. Il faut revenir à l’humain. Ces échanges vont permettre aux Mauriciens de connaître leurs amis malgaches. Qu’en est-il des échanges au niveau touristique ? Ils se situent dans le cadre du concept îles Vanille.  C’est vrai qu’on n’a pas assez d’hôtels, mais nous avons tant à donner.  C’est un bouquet que nous offrons avec le volcan de l’île de La Réunion, le tourisme haut de gamme de Maurice et la nature et la biodiversité malgache. Il y a les baleines qui s’accouplent dans nos eaux, les lémuriens, les plantations de vanille et la culture des orchidées malgaches. Nous avons beaucoup à offrir. Le groupe Constance est implanté à Madagascar et l’établissement a été primé le meilleur hôtel écologique de la région océan Indien. Maurice a une compétence perçue et reconnue dans la région. Il y a matière à réflexion et je pense qu’on pourrait développer ce créneau. Y a-t-il assez d’échanges entres les deux îles ?   Je dois dire qu’il y a trop de préjugés que nous nourrissons entre nous, à tort ou à travers. à Maurice on anticipe sur la prochaine crise, alors qu’à Madagascar, on parle de la ‘petite île Maurice’. En 15 ans et avec les plusieurs gouvernements qui se sont succédé, il y a eu une poignée de ministres mauriciens qui ont visité Madagascar ! La question qui se pose est, est-ce qu’on veut vraiment coopérer ? Si vous ne venez pas, comment allez-vous apprendre à nous connaître et à nous apprécier ? Il faudrait plus d’échanges à tous les niveaux pour booster les relations entre nos deux pays. Quid de la stabilité politique qui est primordiale pour le développement de la Grande île ? Depuis peu, nous avons un président élu au suffrage universel, un nouveau gouvernement et une nouvelle Assemblée nationale. Les municipales ont eu lieu il y a quelques mois et les sénatoriales en décembre dernier. C’est un gage de stabilité politique que recherchent les investisseurs. On garantit aussi l’indépendance de la justice.
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