À Madagascar, des personnes d’origine indo-pakistanaise, connues comme les Karana sont particulièrement visés pour des enlèvements, rackets et rançons. À tel point que certains affirment que dans la Grande Ile, c’est devenu le deuxième sport national après le vol de zébus. Ainsi, les Karana de Madagascar se sentent de plus en plus en danger.
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Installés dans la Grande Ile depuis plusieurs générations les Karana, une population d’origine indo-pakistanaise issue de l’État indien du Gujrât, sont réputés pour avoir un rôle ultra important dans l’économie de Madagascar. À tel point que certains opérateurs économiques déclarent que la propriété de l’économie malgache est principalement entre les mains de cette minorité indienne. La majorité des membres de cette communauté gère des activités commerciales ou industrielles et ils sont à la tête des plus grands conglomérats du pays « Les Karana sont parmi les multimilliardaires de Madagascar, ils ont un sens inné des affaires et ils réussissent dans le business », observe Bernard, un Mauricien qui est à la tête d’une industrie à Madagascar depuis une dizaine d’années.
Les Karana se composent d’une minorité, soit moins de 0.10% de la population totale du pays, mais c’est par son poids économique qu’elle se fait remarquer et elle contribue à hauteur d’un tiers du PIB malgache. « Ce sont des commerçants habiles, économes, vivant de peu et leurs établissements, en général prospères, font une concurrence dangereuse, voire mortelle, aux établissements similaires gérés par les Européens », ajoute l’industriel mauricien. Cependant au cours des dernières années et en raison de leurs activités économiques prospères, les Karana sont une cible privilégiée pour les kidnappeurs en quête des rançons qui peuvent aller de 100 à 500 millions d’ariary (soit 50 000 à 250 000 euros).
Le dimanche 14 mai, il y a eu un énième cas d’enlèvement. Celui de Yanish Ismael, 26 ans, par une douzaine d’hommes armés. La victime est le fils de Danilhoussen Ismael , plus connu comme Danil Ismael, riche industriel et homme d’affaires malgache à la tête de la Société malgache de transformation des plastiques (SMTP) . Il a étendu ses activités à Maurice depuis quelques années et parmi ses acquisitions, il y a le Trianon Shopping Park.
Séance de prières
Le jour du drame, Yanish Ismael participait à une séance de prières au cimetière musulman d’Illafy avec ses proches. À un moment, une douzaine d’hommes, lourdement armés de kalachnikovs et de pistolets automatiques, ont investi les lieux. Faisant feu et blessant un commando qui assurait la garde rapprochée de Yanish Ismael, les bandits ont pu l’enlever. À ce jour, il se trouve toujours entre les mains des ravisseurs et ses proches sont sans nouvelles.
Chargée de l’enquête, la Brigade criminelle de la police malgache a interpellé huit personnes.L’enquête porte actuellement sur deux voitures, une Mazda et une Renault Express. Remontant leurs investigations à partir de l’identification des personnes grâce aux immatriculations, les limiers sont tombés sur des vendeurs de voitures d’occasion. L’enquête a aussi révélé que la Mazda a déjà été vendue cinq fois et la Renault Express trois fois. Ce qui fait que la première voiture est déjà passée par cinq personnes différentes et trois pour la seconde.
Yanish Ismael, diplômé en Business de l’Université de San Francisco, aux Etats-Unis, est connu pour être un jeune homme au grand cœur. À Madagascar, il est très actif sur le plan d’aide humanitaire et engagé au sein de l’association Médecins de l’océan Indien. “Yanish est toujours disposé à aider les autres, je l’ai éduqué à être simple, il est très pieux, discret et il ne parle pas beaucoup, a confié son père très bouleversé par ce coup de sort. Il travaille bien à l’université et il est très aimé par ses professeurs et ses amis. »
Selon lui, les Karana de Madagascar vivent dans un sentiment de danger permanent. « Notre famille ne mérite pas cela, j’ai tout donné à Madagascar mais nous ne nous sentons plus en sécurité, ajoute Danil Ismael. Nous vivons un enfer ! »
Danil Ismael, père de trois enfants et fondateur de l’Association Karana Malagasy (AKAMA) dit avoir aussi une mission qui est la lutte contre la pauvreté dans la Grande Ile. « Être riche ou réussir en affaires, c’est aussi être responsable et s’engager à aider les autres bien moins lotis. J’ai créé beaucoup d’emplois et mes employés ont des repas gratuits et une assurance maladie, Les institutions internationales nous accompagnent dans nos projets et AKAMA est derrière plusieurs œuvres sociales et humanitaires qui font des dons dans des hôpitaux en termes de divers équipements, d’ordinateurs et d’imprimantes pour le ministère de la Santé, des matériels sanitaires et des fournitures scolaires, des matériaux de construction et des médicaments dans le pays. »
Outre la Société malgache de transformation des plastiques, Danil Ismael est aussi présent dans l’immobilier t il a racheté la Société commerciale laitière (SOCOLAIT) spécialisée dans la fabrication de produits laitiers. Il a poursuivi la diversification de ses activités en créant la société AGRIVET, un distributeur d’intrants agricoles et vétérinaires et de produits d’hygiène publiques, entre autres.
Dix jours de captivité
Outre Yanish Ismael, plusieurs autres personnes issues de la communauté des Karana ont subi le même sort. Le mardi 11 avril , un adolescent français âgé de 16 ans, Firoze Nourbhay, a été enlevé par un gang armé, composé de six bandits armés de fusils d’assaut, devant le lycée français de la capitale malgache, Antannarivo. La liste des Karana victimes d’enlèvement ne cesse de s’allonger. En août 2015, le directeur du magasin Conforama, Rafik Jaffaraly, a été kidnappé puis libéré contre une rançon après dix jours de captivité. L’enquête policière avait abouti à l’arrestation du cerveau et des exécutants, soit cinq Malgaches et un ressortissant Karana. Un autre cas, en 2016, concerne le Karana Rafik Fidahoussen enlevé par cinq bandits à Ivandry. La police nationale avait pu intervenir en libérant l’otage. Le suspect cuisiné par la police, avait dénoncé les commanditaires, deux Karana qui ont été arrêtés.
Avec cette situation d’insécurité de plus en plus dans le rouge pour les Karana, ces derniers se montrent de plus en plus prudents. « Ils habitent dans des forteresses hautement sécurisées et surveillées par des agents armés et lors de leurs déplacements, ils sont encerclés par des agents de sécurité surentraînés et lourdement armés», témoigne Serge, un Mauricen qui dirige une firme à Antannarivo.
Questionné sur son avenir dans la Grande Ile suite à l’enlèvement de son fils, l’homme d’affaires répond que pour le moment, sa priorité est de retrouver son fils. «J’attends mon fils, j’attends qu’il soit libéré et nous prions beaucoup ! »
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