Live News

Organismes parapublics : une commission pour achever le «noubanisme»

ceb La création de la Statutory Body Service Commission permettrait d’éliminer le népotisme faisant rage dans des organismes parapublics.
Publicité

Un proche d’un ministre recruté dans un organisme parapublic. Rien de bien nouveau. Pour mettre fin à cette pratique, la création d’une Statutory Body Service Commission, homologue de la PSC, pour les organismes parapublics, a été proposée.

Un de plus. Cette semaine, le recrutement d’un proche d’Anwar Husnoo, ministre de la Santé, comme réceptionniste du Trust Fund for Specialised Medical Care, s’est ajouté à une liste déjà longue de proches de l’alliance au pouvoir recrutés dans les organismes parapublics. La coïncidence veut qu’un groupe de syndicalistes, réunis sous la Trade Union Against Corruption Platform (TUACP), a proposé cette semaine la création d’une Statutory Body Service Commission, une PSC pour les organismes parapublics. Cela permettrait d’éliminer le népotisme et le « noubanisme » qui font rage depuis des années dans les institutions parapubliques.

Sanjay Sembhoo, président de la TUACP, explique la démarche. « Nous avons préparé un policy paper que nous remettrons au gouvernement. Il y a une perception de corruption dans les corps paraétatiques à cause des loopholes. Une Statutory Body Service Commission résoudrait beaucoup de problèmes. Actuellement, dans chaque institution, le Chief Executive Officer (CEO) et le président peuvent faire la pluie et le beau temps. Il n’y a pas de critères uniformes pour le recrutement et les promotions. »

Rajen Bablee, de Transparency Mauritius, estime lui aussi que cette commission apportera plus de transparence, si on se préserve de créer un autre éléphant blanc. « Il ne faudrait pas qu’elle soit cosmétique », prévient-il avant d’ajouter : « Et puis d’abord, comment nommer les personnes qui siégeront sur cette commission ? » L’autre difficulté est la diversité et le grand nombre de statutory bodies qui sont régis par des lois qui accordent un pouvoir discrétionnaire aux ministres de nommer des personnes sur des conseils d’administration ou à des postes de CEO.

Le syndicaliste Deepak Benydin, président de la Federation of Parastatal Bodies and Other Unions, est également partie prenante. « Nous avons fait cette proposition au Pay Research Bureau pour les trois ou quatre derniers rapports. Cela a été mentionné dans le dernier rapport, mais il faut en discuter avec le gouvernement », explique le syndicaliste. Le principal avantage, selon lui, serait de réduire les pouvoirs des CEO et des présidents dans le processus de recrutement et de promotion.

Quid des risques de bureaucratisation paralysante ? Rajen Bablee propose une solution : « L’idéal serait de constituer un comité avec des parlementaires du gouvernement et de l’opposition ainsi que des membres de la société civile qui mèneraient l’exercice de sélection et d’entrevues en public. » Sanjay Sembhoo rappelle qu’on est tout de même au XXIe siècle : pourquoi ne pas utiliser l’outil informatique pour faire le tri automatiquement parmi les CV et lettres de motivation qui ne remplissent pas les critères ?


Questions à Sudhir Sesungkur, ministre de la Bonne gouvernance : «Ce ne serait pas pratique»

Sudhir Sesungkur
Sudhir Sesungkur

Que pensez-vous de la proposition des syndicats de créer une Statutory Body Service Commission pour mettre un frein aux recrutements abusifs dans les organismes parapublics ?
Cela peut être une bonne idée, car avec un tel système, cela permettrait de connaître les règles du jeu dès le départ. Sans cela, la population peut penser qu’il y a eu des magouilles, même si ce n’est pas le cas. La perception est importante. Mais dans tout ce que nous faisons, il y a un élément important à garder en tête : on ne peut mettre des règles qui, dans la pratique, seront lourdes à gérer. Quand il y aura à faire les recrutements pour les grades manuels, comme les chauffeurs ou les Attendants, on n’en finira jamais. Il faut voir ce que cela coûterait.

Donc, vous être contre ?
Il faut prendre garde à ne pas créer d’autres problèmes en voulant résoudre un problème de perception. Si tout passe par une seule instance, cela deviendra trop lourd. Imaginez que tous les recrutements de tous les organismes parapublics passent par cette instance. Rien qu’avec le CEB et la CWA, cela ferait des milliers d’employés. Pour cent postes, vous recevez 2 000 candidatures. Si tous ont les qualifications, ce sont 2 000 entretiens qu’il faudra passer. Si le panel compte sept à huit personnes, combien peut-il interviewer par jour ? Ce ne serait pas pratique.

Est-il possible d’envisager une telle instance consacrée aux postes à hautes responsabilités uniquement ?
Avec une telle structure, vous ne pouvez pas vous limiter à quelques postes. Pour tout poste vacant, il faudrait lancer un appel public à candidatures et procéder par un entretien d’embauche.


Dr Chris Pierce : «Les divers textes de loi constituent un des plus gros obstacles»

Le principal rédacteur du Code of Corporate Governance national de 2016, le Chief Executive Officer britannique de Global Governance Services Ltd, le Dr Chris Pierce, explique au Défi Plus que le principal obstacle à l’harmonisation des procédures de recrutement et de nomination dans les organismes parapublics est la diversité des textes de loi dictant le fonctionnement de ces institutions.

« Un des plus gros obstacles pour changer le processus de nomination dans le secteur public est que tout changement fait au processus de nomination, d’élection ou de réélection des directeurs requiert normalement des amendements au texte de loi relatif », explique le consultant britannique.

Ce qui place la responsabilité du changement, non dans les mains des organismes parapublics, mais bien dans celles des politiques, selon lui. « Il faut une volonté politique. Ce n’est pas simple de changer la formulation de la législation, vu que la plupart des institutions ont leurs propres textes de loi qui ont permis de les créer et ne sont pas couvertes pas une législation standardisée et complète. »


L’Icac veut d’un Parastatal Bodies Appeal Tribunal

En 2015, l’Independent Commission against Corruption (Icac) mène une étude sur les pratiques de recrutement et de sélection dans les organismes parapublics. Après avoir interrogé des employés sur les pratiques en cours dans les institutions parapubliques où ils opèrent, la commission anticorruption est parvenue à la conclusion qu’il fallait créer une entité indépendante pour veiller à ce qu’il n’y ait pas de corruption dans le processus de recrutement, mais également un équivalent du Public Bodies Appeal Tribunal (PBAT) pour les organismes parapublics. Le PBAT est l’organe de contestation ouvert aux fonctionnaires et employés des collectivités locales qui ne sont pas satisfaits des exercices de promotion. Sauf que les employés des organismes parapublics n’ont pas ce recours. Ils peuvent demander une révision judiciaire mais ils sont nombreux à ignorer qu’ils ont cette possibilité et cela coûte beaucoup.

L’Alliance Lepep avait promis la fin du népotisme

Avant et quelques semaines après les élections, le discours de l’Alliance Lepep sur le népotisme et les nominations était clair : il fallait en finir. Le recrutement dans les organismes parapublics, surtout pour le poste de Chief Executive Officer (CEO), allait se faire en toute transparence par appel public à candidatures. La méritocratie primerait sur tout. Une promesse qui n’a pas fait illusion longtemps.

Mahen Seeruttun a été l’un des premiers à faire fi de la promesse électorale. Il nommera Bhagwat Daumoo, son principal agent dans la circonscription no 11, à la direction générale de la Mauritius Meat Authority (MMA) début 2015. Il justifiera la nomination en disant avoir procédé par head hunting. Bhagwat Daumoo, propriétaire d’une quincaillerie, aurait l’expérience de gestion nécessaire pour gérer une telle institution.

Le beau-frère du même ministre, Jugdis Bundhoo, est également le directeur de la Mauritius Cane Industry Authority. Il répond donc directement à son beau-frère, ministre de tutelle de l’institution.

Il y a aussi une liste de proches et de parents casés dans des organismes parapublics assez importante du côté du ministre du Tourisme, Anil Gayan. Hormis l’affaire très médiatisée de la nomination de Vijaya Sumputh à la direction du Trust Fund for Specialised Medical Care quand il occupait le portefeuille de la Santé, son gendre Kevin Ramkaloan a aussi fait un passage à la Mauritius Tourism Promotion Authority.

Entrer dans la course

Le ministre du Logement et des Terres, Mahen Jhugroo, a aussi un proche qui a décroché un poste de directeur. Il s’agit de son cousin Pravin Jhugroo, nommé directeur du Sugar Investment Trust en 2015. Ce cas est particulier : le nom de Pravin Jhugroo ne figurait pas parmi les cinq noms initialement recommandés par Alentaris, firme dont les services avaient été retenus pour l’exercice de recrutement. L’éventail de potentiels nouveaux directeurs a été étendu à la demande du conseil d’administration. Ce qui a permis au cousin de Mahen Jhugroo d’entrer dans la course et au final, de la remporter.

À cette liste, il faut ajouter le nom de Naila Hanoomanjee, fille de la Speaker, recrutée comme CEO de la State Property Development Company. Mahesh Dayal, fils du député Raj Dayal, est le CEO de CEB Green Energy. Namrata Teeluckdharry, épouse du Deputy Speaker, a récemment été nommée membre de la National Human Rights Commission. Dick Ng Sui Wah et Phalraj Servansingh, membres du MSM, ont été nommés à l’Independent Police Complaints Commission. Vikram Jootun, un des artisans du slogan « Vire mam », a été nommé directeur de la Mauritius Film Development Corporation.


Le PRB considère une commission pour les paraétatiques « plausible »

« Plausible. » C’est le terme utilisé par le Pay Research Bureau (PRB) dans son rapport de 2016 pour décrire la demande faite par les syndicalistes des organismes parapublics pour la création d’une Statutory Body Service Commission pour gérer le recrutement de manière globale.

« Among the demands made in the memoranda submitted to the Bureau as regards parastatal bodies, there is also the request to consider the setting up of a Parastatal Body Service Commission », peut-on lire au paragraphe 41 du rapport sur les organismes parapublics. L’argument avancé par les fédérations qui ont fait cette proposition est que « PSBs (NdlR : Parastatal Bodies) do not have a structured and harmonised way of recruiting employees. They have also stated that employees in the grade of General Worker and in other grades are often recruited on a casual basis and remained in this position for long periods which is not conducive to effective service delivery ».

Et de conclure : « Although the request to have a Parastatal Body Service Commission appears to be plausible, the issue should be discussed and taken at the level of Government. »

 

Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !