À partir de ce matin et ce jusqu’au 19 février, la journaliste américaine de renom Lucinda Fleeson animera au Media Trust une session de formation sur le journalisme d’investigation. « Il faut avant tout être juste dans ce qu’on fait », estime-t-elle.
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Qui est Lucinda Fleeson?
Je suis une journaliste de carrière. Ce n’est que récemment que je me suis associée à des universités pour former et guider des journalistes de différentes nationalités. J’ai passé la majeure partie de mes 40 ans de carrière au Philadelphia Inquirer. En dépit de mes nouvelles responsabilités, il m’arrive encore de contribuer en tant que pigiste dans certains journaux. J’ai aussi écrit plusieurs livres liés à ce métier passionnant. J’ai définitivement adoré ce que j’ai fait et ce que je suis en train de faire.
Qu’est-ce qui vous a poussée à choisir ce métier?
Après mes études de journalisme, j’ai débuté en tant que photographe indépendante. Je me suis alors rendu compte que je pouvais gagner plus en écrivant moi-même les textes pour illustrer mes photos. Une fois lancée, j’ai trouvé que les mots me venaient plus facilement. Il faut dire aussi que j’ai eu des role models qui m’ont beaucoup inspirée, dont un ami de mon frère qui était un photographe de grande renommée.
[blockquote]« Le journalisme d’investigation ne se limite pas à la corruption »[/blockquote]
Comment aborde-t-on le journalisme d’investigation?
Contrairement à la croyance générale, le journalisme d’investigation ne se limite pas à la corruption. C’est beaucoup plus vaste que cela. Certains des articles les plus importants concernent la vie des gens. Ils peuvent être liés à un problème de santé publique, de transport, des droits de l’homme ou même de changement climatique.
Il y a des sujets autres que la corruption qui impactent sur la vie des gens. À Maurice, on parle actuellement beaucoup de crimes financiers, or il y a un aspect humain à ce problème. Il faut comprendre le mécanisme, poser les bonnes questions et surtout expliquer dans quelle mesure il affecte le citoyen et le pays.
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Et c’est ce que vous allez expliquer aux journalistes qui suivront votre formation?
Exactement. Il y a beaucoup de possibilités d’enquêtes d’investigation sans se limiter à la fraude ou la corruption. Il faut juste savoir où chercher.
Quels sont, selon vous, les obligations et les interdits du journalisme d’investigation?
Il faut avant tout être juste dans ce qu’on fait. Il faut prendre son temps et faire les efforts que requiert l’enquête. Il ne faut surtout pas faire de jugement de valeur sur les personnes impliquées car ce n’est pas le rôle du journaliste d’investigation.
Vous avez eu l’occasion de cerner la presse mauricienne?
Pas vraiment. Depuis mon arrivée, j’ai pu lire certains journaux en langue anglaise. En fait, j’ai un souci de langue, la majorité des articles sont en français. Mais cela n’est pas un problème insurmontable.
Est-ce important pour un pays démocratique qui se respecte d’avoir un Freedom of Information Act?
Cela dépend de ce que cette loi implique. Si elle permet un accès libre à l’information institutionnelle, je dis oui. C’est sûr que les journalistes qui recherchent des informations sensibles doivent être protégés. Venir avec une loi qui protège et favorise l’accès libre à l’information prend du temps. Mais il y a aussi la responsabilité qu’impose cette loi aux journalistes. Ils doivent être responsables et aussi savoir comment glaner leurs informations.
C’est-à-dire?
Il y a une manière de réclamer des informations. Il faut savoir négocier, développer et nourrir ses contacts et user de la diplomatie...En fait, les bons journalistes peuvent avoir toutes les informations qu’ils veulent s’ils savent s’y prendre et investir le temps qu’il faut.
Est-ce que la presse et le pouvoir font bon ménage?
Il n’y a pas de recette miracle pour cela. En fait, la recette change tous les jours. La presse doit se montrer juste, impartiale et indépendante dans ses relations avec le gouvernement. Cela marchera dans certains cas, dans d’autres non. En tout cas, on ne peut pas plaire tout le temps.
Quelle est votre analyse de la presse dans cette région du monde?
Déjà Maurice, étant une île, est séparée du reste. Je rentre du Malawi où j’ai formé des journalistes et avant cela j’étais au Lesotho. J’y ai constaté l’existence d’une presse vivante. En fait, elle est mieux que ce qu’elle pense qu’elle est. Elle couvre les événements et informe la population.
C’est à cela que se résume le métier? Couvrir et informer?
Il est important de couvrir les événements. En fait, c’est 95 % du travail du journaliste.
Quid du journalisme d’investigation?
Ce n’est pas quelque chose qu’on peut faire tous les jours. Il est réservé à des faits exceptionnels et requiert du temps. C’est pourquoi il est important de savoir choisir son sujet pour une enquête.
Que pensez vous du rôle des femmes journalistes?
Elles sont essentielles dans le métier. Cela leur a pris certainement beaucoup de temps pour gravir les échelons. Les temps changent. Nous devons nous montrer patientes.
Y-a-t-il un plafond de verre qui ralentit la progression des femmes dans leur carrière de journaliste?
Et comment! Toutefois, si je prends mon exemple personnel, je trouve plus excitant d’être sur le terrain en tant que journaliste que de rester assise derrière un bureau en tant que rédactrice.
Comment voyez-vous l’évolution de la presse dans 10 ans?
Elle sera très différente de ce qu’elle est aujourd’hui.
Qu’est-ce qui vous fait dire cela?
La révolution numérique. C’est un fait que l’industrie de la presse écrite est en déclin partout dans le monde, à part peut-être en Inde où les journaux continuent à maintenir leur suprématie. Rien qu’aux États-Unis, il y a plus d’une cinquantaine de journaux qui mettent la clé sous le paillasson par an.
Une passionnée du journalisme d’investigation
Lucinda Fleeson est une journaliste d’investigation chevronnée qui a été plusieurs fois primée pour ses enquêtes. Elle a travaillé pendant une quinzaine d’année au Philadelphia Inquirer. Lucinda Fleeson a formé des journalistes en Afrique, en Europe centrale et orientale, en Amérique latine et en Asie du Sud. Son manuel de formation a été traduit en 18 langues et distribué à plus de 20 000 journalistes. Boursière Fullbright au Sri Lanka en 2010, elle forme des journalistes pour le compte du Centre international pour les journalistes, sur les sujets liés à la jeunesse, la traite des personnes, le trafic de drogue, les enfants de rues et la migration forcée. Elle a aussi dirigé le Hubert H. Humphrey Fellowship et est auteure de plusieurs livres. <Publicité
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