Notre île est si malade de sa petitesse que chaque petit fait, pour peu qu’il donne l’impression de sortir de l’ordinaire, prend des dimensions qui dissimulent ses faiblesses.
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Cela est encore plus vrai dans la littérature où il suffit d’un style emphatique et ampoulé pour qu’un écrivain soit comparé à un grand nom du monde des lettres. L’ouvrage de Sadek Ruhmaly, « Odyssées », lancé le lundi 11 décembre, n’a pas raté la comparaison avec le grand Grec, les deux ayant pour seul trait commun l’océan.
Encore que... Le même soir, à Ébène, un animateur de radio, y a vu, lui, du Marivaux. C’est dire qu’on va vite en besogne dans ce petit monde de complaisance baigné de vins, de papotage et de copinage. Pourtant l’ouvrage de Sadek Ruhmaly ne manque pas d’intérêt, car il dépeint, avec le sous-titre de « Chroniques de Souillac », une époque disparue, celle des petites gens, avant l’apparition de Facebook, des réseaux sociaux, bref du contact virtuel.
Les descriptions sont justes : les cabanes en paille, maçonnées avec des « excréments des vaches », « les sacs gouni », « poudine de riz ». Rien n’a été inventé, sauf cette écriture emphatique et empruntée au champ poétique qui ôte à la description le réalisme qui lui aurait conféré une nécessaire dimension sociale. Sans doute, là où il y a eu souffrances, Sadek Ruhmaly a, lui, vu poésie et élégance dans les voix et les mouvements. On le sent ivre de poésie, de bonheur intérieur, sous le regard sudiste de Robert Edward Hart, aux yeux duquel l’île était le produit de quelque hermétiste banni en Europe.
On ne peut rester insensible à cet habillage-gonflage des mots, les références à l’Ancienne Égypte, l’énonciation de Mozart et Chopin, qui montrent une certaine érudition de l’auteur, mais a bien y regarder, l’ouvrage tient davantage du carnet de voyage que de la chronique. La petite photo de l’auteur, coiffé d’un panama et un nœud papillon ornant une chemise blanche, renvoie l’image d’un Mauricien totalement imprégné de son temps et de son lieu de naissance, mais surtout d’un individu qui, après des années d'études à Oxford, pose un regard nostalgique et authentique sur Souillac, plutôt que de mettre ses envolées lyriques au profit de quelque résidence touristique sur le littoral.
Après « Cygnes de l’Aube » (2011) et « Sourds à l’Appel de la Nature » (2014), Sadek Ruhmaly, dont on sait maintenant – en tout cas, moi – qu’il s’inspire d’une mère, ex-pensionnaire du Couvent de Lorette de Port-Louis, – ce qui n’est pas rien en 1950 –, s’inscrit davantage dans la verve poétique, qui semble équilibrer sa formation aux chiffres.
Odysées, de Sadek Ruhmally (134 pp)
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