Déçu par sa 6e place au n°19 lors des dernières législatives, Rama Valayden revient sur son engagement pour les opprimés. Entre sacrifices personnels, sentiment de rejet et résilience, il affirme que son combat pour la justice ne s’éteindra jamais.
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«Le rejet est blessant. » Dans son regard et dans sa voix, la déception est palpable. Rama Valayden a du mal à digérer sa sixième place aux dernières élections législatives dans la circonscription n°19 (Stanley/Rose-Hill), où il a grandi. « Ki mo sorti katriem ek mo gagn bate, mo ti pou korek, me pa siziem », confie-t-il.
Rama Valayden, qui a commencé le travail social dès l’âge de 10 ans et qui a obtenu la citoyenneté d’honneur de Beau-Bassin/Rose-Hill (voir encadré), raconte qu’à un moment, lors du dépouillement des votes le lundi 11 novembre, il craignait même de finir à la neuvième place. Une incompréhension pour celui qui a été de tous les combats, la voix des sans-voix, militant toute sa vie en faveur des opprimés.
Actuellement en convalescence, Rama Valayden a malgré tout accepté de nous rencontrer. Alors qu’il est censé être au repos sur ordre de son médecin, il nous reçoit à son domicile, à Sorèze, en présence d’une cliente. Nous sommes le jeudi 14 novembre, quelques jours après les élections générales, marquées par un score sans appel de 60-0 en faveur de l’Alliance du Changement.
Cette victoire, Rama Valayen, l’un des dirigeants de Linion Pep Moris et de la coalition Linion Reform, regroupant 10 partis, dont En Avant Moris méné par Patrick Belcourt, et le Reform Party de Roshi Bhadain, affirme avoir été parmi les premiers à la prédire. « Pendant la campagne électorale, je sentais que quelque chose n’allait pas. Il y avait un rejet du gouvernement sortant, et le changement était prévisible », dit-il. Et d’ajouter : « Je suis choqué que le Mouvement socialiste militant (MSM) ait obtenu un tel pourcentage. Je pensais que ce serait moins. »
La débâcle, poursuit-il, était prévisible à travers l’attitude des électeurs. Celui qui attire habituellement des foules partout où il passe avait remarqué une certaine froideur, la veille et le jour des élections. Lors des dernières réunions avec ses colistiers Danielle Police-Michel et Patrick Belcourt, il avoue avoir tenté de maintenir leur moral, tout en sachant qu’il n’y avait plus aucun espoir d’être élu. D’ailleurs, dans l’une de ses vidéos, quelques jours avant les élections, Rama Valayden déclarait : « Monn fer tou, krisifie mwa aster. » Il souligne toutefois qu’il n’avait pas demandé qu’on vote pour lui. Selon lui, ceux qui l’ont salué l’ont fait par reconnaissance pour services rendus.
Ma voix sera éteinte quand ma vie s’éteindra»
Ce lundi 11 novembre-là, raconte Rama Valayden, la messe étant dite, après avoir visité un centre de vote, il a passé la journée à accueillir les électeurs à l’école Ramnures Chowbay Nuckchady, le centre comptant le plus grand nombre d’inscrits. Il ne cache pas avoir ressenti une grande hypocrisie dans les regards et dans les promesses non tenues. Candidat jusqu’au bout, il a même prédit à ses adversaires leur position finale, ce qui les a choqués, dit-il.
Fait marquant : lorsque son nom a été cité lors de la proclamation des résultats, il a été l’un des candidats les plus ovationnés, malgré sa défaite. « Mo krwar ki dan la popilasion, zot aksepte ki monn fer travay dopozision. Se mwa ki’nn amenn la diabolizasion de Pravind Jugnauth ek lakwizinn ‘non-stop’ », souligne-t-il. Pour lui, la population voulait à tout prix en finir avec le régime de Pravind Jugnauth.
Il évoque les paroles du défunt père Henri Souchon après une précédente défaite électorale : « Le peuple avait choisi Barabbas au lieu de Jésus pour être crucifié. » Avec philosophie, il reconnaît que cela fait partie de la vie. Il se souvient aussi de ce qu’un journaliste lui avait dit : ses funérailles seront parmi les plus fréquentées après celles de Gaëtan Duval.
Ce qui le blesse profondément, c’est qu’il était souffrant, revenant de soins intensifs, lorsqu’il a entamé la campagne. La défaite est aussi difficile pour son entourage, notamment sa famille – son épouse Taslima, de leurs enfants – qu’il a souvent sacrifiée. Il raconte une conversation poignante avec son fils avant son départ à l’étranger pour ses études : « Papa, tu n’as jamais eu de temps pour moi. »
Rama Valayden explique que ses multiples engagements, professionnels et politiques, ont souvent relégué sa famille au second plan. « 70 % des cas que je prends sont pro bono. » Cet altruisme lui vaut aussi des démêlés fréquents avec la police et des reproches de ses proches.
Malgré tout, il reste profondément engagé. Il compte assumer les responsabilités que lui ont confiées des organisations palestiniennes pour aider les prisonniers politiques, y compris des enfants et des femmes. Par ailleurs, il envisage la formation aux droits humains et criminels. Cependant, il précise que son avenir politique reste à définir, tout en affirmant : « Je suis un militant dans l’âme. »
Rama Valayden conclut en soulignant qu’il ne tolérera jamais l’injustice, quelles que soient les circonstances. « Ma voix sera éteinte quand ma vie s’éteindra », dit-il.
Arrêté 97 fois
« Victime de persécution » par la police à plusieurs reprises, Rama Valayden affirme avoir été arrêté 97 fois sans jamais être condamné. Il explique qu’il a remporté la plupart de ses affaires devant la Cour, n’en ayant perdu qu’une seule. Cette défaite survient lorsqu’il a refusé, alors qu’il était Attorney General, de se présenter devant la Cour pour prêter serment dans une affaire politique, une décision qui a conduit à ce que les juges n’entendent qu’une seule version des faits. « Nul ne peut remettre en question mon honnêteté intellectuelle et mon combat. Je suis sincère dans mes actions et mes erreurs » dit-il.
Écriture
Après avoir participé à plusieurs publications, dont « Wrongfully Convicted: Amical Case Following the 1999 Arson and Murders at the Gambling House l’Amicale », Rama Valayden annonce qu’il a un projet en cours. Il travaille actuellement sur la révision de la Constitution de Maurice en kreol morisien, un projet entre les mains de Danielle Police-Michel.
Il prévoit également la présentation d’une pièce de théâtre centrée sur l’affaire Kistnen, dont le script devrait être finalisé d’ici la fin du mois de décembre. Cette œuvre sera mise en scène par Gaston Valayden. Rama Valayden a aussi écrit « Justice Honorable » et « Azie ». Il envisage de reprendre sa plume pour écrire « Motions That a Criminal Lawyer Can Make in Court », un outil de réflexion destiné aux jeunes avocats.
Prêt à aider le gouvernement
Souhaitant le meilleur à la nouvelle équipe gouvernementale, Rama Valayden déclare : « Je ne fais pas partie de ceux qui souhaitent l’échec du gouvernement. Si ce dernier échoue, nous en pâtirons tous, moi y compris, car il faudrait alors recommencer une nouvelle campagne électorale, au détriment des nombreuses priorités qui attendent. »
Il se dit prêt à aider le gouvernement sur certains dossiers, notamment l’assassinat de Soopramanien Kistnen. « Peu importe que vous m’appréciiez ou non, mais prenez en considération le travail que j’ai accompli. Je suis prêt à apporter mon aide sur ces dossiers bénévolement, dans l’intérêt de la vérité. »
Travailleur social dans l’âme
Rama Valayden, qui a fêté ses 62 ans le vendredi 15 novembre 2024, se remémore ses débuts dans le militantisme à l’âge de 10 ans seulement. Cet engagement précoce lui a valu une distinction notable : il a été le plus jeune capitaine d’une équipe de football de la ville de Beau-Bassin/Rose-Hill, qui lui a d’ailleurs décerné la citoyenneté honorifique.
Il est à l’origine de la création du Blue Castors Sport & Literacy Club et a présidé pendant plusieurs années la Rose-Hill Federation of Youth Clubs. Par ailleurs, il a été l’un des fondateurs de l’Office municipal d’animation global (OMAG), qu’il a dirigé et qui a rassemblé un réseau étendu de 96 clubs de jeunesse, 24 collèges et 13 écoles primaires. Novateur, l’OMAG a été la première fédération à inclure les clubs de troisième âge.
Ses engagements ne se limitent pas à ces exemples. Rama Valayden a fondé la Mahatma Gandhi Cultural Organisation, le Sri Auribondho Cultural Club et le Rose-Hill Self-Help Project. Il a également été membre de l’Union Sportive Beau-Bassin/Rose-Hill et du Roche-Bois Boys Scout. De plus, il a cofondé le Group Morisien Revolisioner (GMR), parmi d’autres initiatives.
Au fil de ses nombreuses activités, il a eu l’opportunité de rencontrer des personnalités politiques majeures de l’île, telles que sir Seewoosagur Ramgoolam, Sookdeo Bissoondoyal, sir Gaëtan Duval et Paul Bérenger.
Incompris
Engagé dans divers combats, dont celui pour la dépénalisation du cannabis, Rama Valayden admet avoir souvent été incompris, ce qui a pu lui nuire. Bien qu’il consomme plusieurs tasses de thé par jour, il précise qu’il ne fume pas, ne consomme pas d’alcool et ne fréquente pas les discothèques.
« Ces combats ont peut-être été mal expliqués, la pédagogie n’a pas été comprise, et le timing n’était sans doute pas le meilleur », explique-t-il. Il insiste cependant sur le fait qu’il n’encourage pas la consommation de drogue et plaide pour des mesures audacieuses et alternatives pour lutter efficacement contre ce fléau.
Selon lui, les usagers de drogue ne doivent pas être stigmatisés, mais plutôt être considérés avant tout comme des patients nécessitant des soins adaptés.
Bricoleur et jardinier
Les moments de détente de Rama Valayden sont rythmés par des activités manuelles. En compagnie de son épouse, de qui il puise également sa force, il s’adonne au bricolage, notamment au travail du bois. Il entretient également son jardin où prospèrent de nombreux arbres fruitiers. Passionné de nature et défenseur des animaux, il partage volontiers son espace avec les singes qui viennent régulièrement se régaler de papayes et de mangues. « Nous sommes dans leur environnement naturel, nous ne pouvons que cohabiter avec eux », explique-t-il. Sa propriété accueille également des tanrecs et des lièvres, tandis que deux chats, un chien et une tortue complètent ce tableau vivant.
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