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Patrick Belcourt, leader d’En Avant Moris : «Il n’y aura pas d’excuse pour ne pas faire ce qui a été promis»

Patrick Belcourt, leader d’En Avant Moris, annonce que son parti ne fait plus partie de Linion Reform. Analysant l’issue des législatives 2024, il dit comprendre la défaite de Linion Reform. Le plus important pour les électeurs, commente-t-il, était de faire partir le régime en place. 

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Quelle est votre analyse des résultats des élections générales ?
Le résultat des urnes est clair et sans bavures. Il fallait faire partir ce gouvernement. Donc, à tout prix, le vote utile a primé dans le contexte de cette succession de scandales. 

Puis, durant ces trois derniers mois, les gens ont eu peur, entre autres à cause des enregistrements qui ont été diffusés sur les réseaux sociaux. Le dernier clou aura été la coupure de l’accès aux plateformes telles que Facebook, Instagram et YouTube. Les gens se sont dit que ce gouvernement est prêt à tout pour garder le pouvoir. Ils ont voté avec rage. Il faut respecter ce verdict.

Vous attendiez-vous à ce résultat de 60-0 ?
Quand on a peur, il faut se protéger et, pour se protéger, il faut se barricader. Je n’avais pas de boule de cristal, mais c’était clair qu’il fallait basculer. Quand ils ont coupé l’accès aux réseaux sociaux, cela devenait clair qu’ils scellaient complètement leur sort.

Pourtant, au niveau du gouvernement, certains disent qu’ils sont étonnés…
Que voulez-vous qu’ils disent d’autre ? Quand des gens au plus haut niveau ne respectent même pas certaines religions, nous ne pouvons pas nous attendre à autre chose. C’est l’usure du pouvoir. Quand on est au pouvoir, on ne se rend pas compte qu’on est usé.

Quel est, selon vous, l’apport des bandes sonores révélées par Missie Moustass ?
Cela a été plus que déterminant. Il nous a montré les faiblesses d’un gouvernement sans scrupules. C’était un gouvernement sans foi ni loi. Rien ne les arrêtait : le gaspillage des fonds publics, le « planting » de drogue chez des gens de l’opposition, et j’en passe. On sait tous ce qui s’est passé ces dix dernières années.

Quand les Mauriciens sont en colère, ils sont impitoyables»

Quel est votre point de vue sur cette campagne électorale d’un mois ?
Cela a été une campagne des partis qui ont des moyens financiers contre ceux qui n’ont pas de moyens, mais des idées. Mais tout compte fait, cela a été une très bonne expérience. 

Linion Moris a fait une bonne campagne, mais nous n’avions pas de moyens. Nous avons fait nos réunions « anba lavarang » chez les gens qui nous ont bienveillamment accueillis. On ne pouvait pas rivaliser en termes de logistique, mais notre volonté et notre envie de faire des choses ont comblé ce fossé. Pour toutes nos réunions dans la circonscription n° 19 (Stanley/Rose-Hill), les gens nous invitaient chez eux. Du jour de la dissolution aux élections, Rama Valayden, Daniella Police-Michel et moi-même avons fait 95 réunions en six semaines. Il fallait le faire. 

Nous n’avons pas à rougir des votes. Nous sommes fiers que, dans un tel tsunami, 6 000 personnes m’ont fait confiance. Sans les moyens, avec la peur dans le ventre et l’envie de faire partir ce gouvernement avec rage, Rama et moi avons eu 6 000 votes chacun. Nous avons battu un ancien Premier ministre adjoint, en la personne d’Ivan Collendavelloo, et une ministre sortante, Fazila Jeewa-Daureeawoo. En Avant Moris est sorti grandi de cette expérience. Pendant la campagne et les jours qui ont suivi, beaucoup de gens nous ont indiqué qu’ils voulaient adhérer à En Avant Moris.

Quel destin pour Linion Reform ?
Après cette belle expérience, En Avant Moris reprend son indépendance pour pouvoir se structurer, grandir et devenir ce rempart pour la démocratie. Je n’ai pas arrêté de dire, depuis la création d’En Avant Moris, qu’on doit être un rempart contre un gouvernement fort.

Donc, vous n’êtes plus dans l’alliance ?
Effectivement, nous ne faisons plus partie de Linion Reform.

Avec le recul, était-ce une erreur d’entrer dans cette alliance ?
Au contraire, c’était une belle expérience au niveau national, et même au niveau de la circonscription. C’était un honneur de travailler avec Rama Valayden et Daniella Police-Michel.

Linion Reform avait été présenté comme une troisième force. Au vu des résultats, il est évident que la population n’est pas encore prête à se détourner des grandes formations politiques. Comment expliquez-vous cela ? 
C’est un concours de circonstances qui a mené à ce résultat. On ne peut pas venir critiquer la population et dire qu’elle n’est pas encore prête. Dans une situation d’urgence, la population voulait se rassurer. La priorité était de faire partir ce gouvernement qui était prêt à tout pour s’accrocher au pouvoir. 

Avant d’être un politicien, je suis père de famille, alors je comprends ce réflexe que les électeurs ont eu. Je ne vais pas faire l’hypocrite et dire que le peuple a mal fait en votant. On est dans une démocratie. Il faut regarder plus devant.

Un parti ou une alliance qui représente plus de 5 % de la population dans une démocratie ne peut pas ne pas être représenté dans l’Assemblée nationale»

Vous avez terminé à la 5e place au n° 19 (Stanley/Rose-Hill) avec 6 373 voix, une circonscription où vous avez été très actif depuis 2018. Êtes-vous déçu de cette performance ? Aux élections générales de 2019, vous aviez obtenu 2 966 voix. Vous attendiez-vous à mieux cette fois ?
Il y a plusieurs façons d’envisager le chiffre. Pour moi, le rang ne compte pas. Ce qui compte, c’est le nombre de votes. Cette fois-ci, je double ma performance par rapport à la dernière fois. En Avant Moris a été une force de proposition, a mené une politique de proximité et avec peu de moyens. La grosse satisfaction est que nous avons pu montrer à la population que se regrouper et s’organiser est dans le domaine du possible. Je suis donc satisfait. L’avenir s’annonce bien.

Qu’est-ce qu’il faut pour qu’une troisième force puisse vraiment décoller ? Manque-t-il un leader charismatique ou y a-t-il d’autres facteurs qui entrent en jeu ?
Il faut que l’on soit honnête. Il faut une réforme électorale avec une dose de proportionnelle et revoir le financement des partis. Une grande hypocrisie règne à ce niveau. C’est l’une des cinq priorités absolues.

Sur le plan national, Linion Reform a obtenu 5 086 %. S’il y avait une dose de proportionnelle dans le système électoral, cette alliance aurait pu éventuellement avoir un député…
Un parti ou une alliance qui représente plus de 5 % de la population dans une démocratie ne peut pas ne pas être représenté dans l’Assemblée nationale. C’est un vieux débat dont tous les gros partis et nouveaux partis ont parlé. Ce nouveau gouvernement a eu carte blanche. Le financement des partis et la réforme électorale figurent parmi ses promesses électorales. Il y a une grosse attente de la population à ce sujet.

Quelles sont, selon vous, les raisons de la défaite de l’Alliance Lepep ? Et les raisons de la victoire de l’Alliance du Changement ?
Le non-respect des valeurs humaines a été un aspect important. On ne peut pas non plus dissocier le « planting » de drogue chez des opposants politiques, le gaspillage des ressources publiques, le non-respect des institutions, la prolifération de la drogue, la cherté de la vie… La liste est longue. On peut trouver plus d’une vingtaine de raisons qui font que le gouvernement de Pravind Jugnauth ne pouvait plus continuer. Les droits et valeurs des Mauriciens n’ont pas été respectés. 

Maintenant, le temps est au travail. C’est un temps pour rassurer les Mauriciens, les enfants, les jeunes, les personnes âgées. Il y a tout un peuple à rassurer et auquel redonner confiance. Et ce n’est que la première étape. 

On s’est débarrassé d’eux, mais maintenant, on fait quoi ? On est tous dans l’attente. Il n’y aura pas d’excuse pour ne pas faire ce qui a été promis durant la campagne électorale. Le rôle d’En Avant Moris sera d’être une force de propositions et un chien de garde en même temps. 

Les attentes sont définitivement très élevées. Après près d’une décennie de droits bafoués, avec toutes les institutions et l’économie qui sont à genoux, et bien d’autres problèmes, il y a tout un pays à reconstruire. Il faut aussi rassurer les investisseurs privés. Il y a tout un pays à relever. Le gouvernement a un gros travail à faire et toute la population doit mettre la main à la pâte. 

Nous sommes un parti extraparlementaire et nous allons veiller à ce que cela se fasse. Nous serons du côté des citoyens.

Je ne vais pas faire l’hypocrite et dire que le peuple a mal fait en votant. On est dans une démocratie. Il faut regarder plus devant»

Sous quel signe mettez-vous cette victoire de l’Alliance du Changement ? 
C’est définitivement la victoire du mauricianisme. C’est un avertissement clair que le Mauricien n’aime pas la politique « dominer ». Le citoyen s’est exprimé sans heurts et sans dégâts. Il faut savoir lire ce troisième 60-0 de l’histoire entre les lignes. Il faut que les dirigeants se mettent bien en tête que les Mauriciens n’aiment pas qu’on leur fasse des misères. Visiblement, certains n’ont pas appris la leçon après les deux premiers 60-0. Quand les Mauriciens sont en colère, ils sont impitoyables. C’est important de garder cela en tête. Les Mauriciens ont horreur des abus et ils sanctionnent.
What’s next pour vous, Patrick Belcourt ? Continuez-vous votre carrière politique ?

Le travail continue. Je me suis lancé en 2018. En Avant Moris a été formé en 2021. On est un jeune parti prometteur avec plein de propositions à mettre en place. Je ne suis pas du tout découragé. En politique, il n’y a pas de place pour le découragement.

Quelles sont les priorités ?
C’est de protéger les droits constitutionnels et fondamentaux des citoyens. Il faut une refonte profonde de la police, revoir le financement des partis politiques. Une Freedom of Information Act doit être votée au plus vite. 

Puis, il est grand temps de revoir le système électoral. Les droits fondamentaux ne sont pas à l’abri des dérives totalitaires avec des gouvernements pouvant disposer de majorités de 2/3 ou de 3/4 au Parlement. Il importe donc de protéger les principes de souveraineté et de démocratie, ainsi que les droits fondamentaux des citoyens, par le recours obligatoire au référendum pour ces deux premiers chapitres de la Constitution.

Le temps est au travail. C’est un temps pour rassurer les Mauriciens, les enfants, les jeunes, les personnes âgées. Il y a tout un peuple à rassurer et auquel redonner confiance»

Vous parlez de refonte de la police…
Il est impératif qu’il y ait une réforme de la police pour qu’il y ait, d’une part, une police régulière pour assurer l’ordre et la paix publique, et comme force d’interpellation de ceux qui ont à répondre des infractions aux lois. Et, d’autre part, une police judiciaire qui mène les enquêtes sous la supervision juridique des juristes du ministère de la Justice - l’équivalent des juges d’instruction, conformément aux vœux exprimés à maintes reprises par la Cour suprême. 

Les dossiers de l’instruction sont ensuite soumis au Bureau du Directeur des poursuites publiques (DPP), qui décide souverainement de la poursuite sous les chefs d’accusation appropriés ou leur abandon, selon la qualité des preuves établies. Cela permettra d’éliminer les exactions qui se sont produites, alors que des suspects, détenus sous des accusations provisoires, ont été violentés ou torturés, et, dans certains cas, éliminés, alors qu’ils se trouvaient sous la responsabilité de la police. 

En confiant les enquêtes à une autre entité de la police relevant cette fois du ministère de la Justice et devant se référer au DPP, cette police judiciaire jouera véritablement un rôle d’auxiliaire de la Justice. Cela signifie deux commissaires distincts : celui de la force régulière répondant au ministre de l’Intérieur et celui de la police judiciaire répondant au ministère de la Justice.

Vous avez également beaucoup parlé de la concentration des pouvoirs entre les mains du Premier ministre…
Il est effectivement nécessaire de revoir les pouvoirs discrétionnaires accordés au Premier ministre. Comme, par exemple, le pouvoir de décider unilatéralement de la déportation de citoyens étrangers. Les abus sont possibles et ils se sont produits. Nous pensons qu’une telle question doit être examinée par un Conseil d’État qui doit être composé de personnes ne dépendant pas de l’Exécutif. 

En outre, il faudrait que les personnes qui se sentent lésées, même par une décision du Conseil d’État, puissent faire appel à la Cour suprême pour résister à une déportation qui les mettrait en situation de vulnérabilité ou mettrait en péril l’équilibre ou la sécurité de leur famille. Il faut toujours pouvoir appliquer le principe que tous les ministres et encore plus le Premier ministre doivent rendre compte de leurs actions et de leurs décisions. 

 

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