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Le combat de Benji 

  • «Que la Déclaration des droits de l’homme ne reste pas un document»  
     

Passionné d’histoire, Julot Benji Rakotosaona, est guide touristique à Madagascar. Il est en ce moment à Maurice pour une formation en leadership au Secrétariat Régional de DIS-MOI grâce au soutien de la fondation Rosa Luxemburg. A l’aube de la journée internationale des droits de l’homme, parlons droits humains avec ce défenseur des droits de l’homme des temps modernes. 

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Pas de larmes, pas de pleurnicheries, pas le temps de s’apitoyer sur son sort. Parler pauvreté et misère avec Benji, 40 ans, c’est avant tout une leçon de vie, c’est apprendre de l’homme et se remettre en question. Benji vit dans la misère. « Ma famille et moi, nous survivons ». Il n’en dira pas plus. Il ne vaut pas la peine de s’attarder sur les détails. Lui, veut parler surtout l’avenir, de son combat quotidien pour que les siens, surtout ses enfants puissent s’en sortir. 

D’une fratrie de 5 enfants, Benji retient de son enfance difficile, les belles choses que lui a offertes la vie. « Ma mère travaillait dans un hôtel tandis que mon père était planton dans un lycée. Ils bossaient tous les deux très durs mais cela ne suffisait pas pour nous inscrire à une école privée. A l’époque, c’était mon rêve, je voyais des enfants de mon âge progresser rapidement parce qu’ils avaient la chance d’y aller. Alors que l’école privée opérait le matin comme l’après-midi, les enfants qui fréquentaient l’école publique rentrait à la maison après quatre heures de cours et ne faisaient rien. C’était aussi mon cas même si mes parents se débrouillaient pour que je puisse de temps en temps rejoindre une école confessionnelle car il savait que j’avais soif d’apprendre ». 

C’est ainsi que Benji a lui commencé à travailler bien avant ses 18 ans. « Comme mon père travaillait dans un lycée, je pouvais aller le voir sur son lieu de travail. J’en profitais pour me faufiler dans la bibliothèque et là je dévorais les livres. C’était un moment privilégié où je pouvais m’évader, voyager, me faire plaisir ». Il en apprend beaucoup sur son pays. Il aimait aussi apprendre de nouveaux mots dans le dictionnaire. Cela lui a permis donc de devenir guide touristique à un très jeune. « Je pouvais bien parler le français comme mon père et j’en savais beaucoup sur mon pays ». 

Après avoir obtenu son Bac en 2003, Benji veut aller à l’université. Après deux ans, il se heurte cependant à des obstacles financiers. « Je n’avais plus les moyens de continuer à payer ces études, j’ai donc dû renoncer au diplôme ». Il continue à travailler et rencontre  sur son chemin de bonnes gens, dont un touriste qui lors de son passage à Madagascar est impressionné par le jeune homme. « Il m’a demandé comment il pouvait m’aider et si j’avais besoin d’un peu d’argent. Je lui ai dit que mon rêve c’était de faire des études supérieures. Il m’a alors payé des cours à l’Institut National de Tourisme et de l’Hôtellerie (INTP) pour approfondir mes connaissances en histoires ». C’est ainsi que jusqu’à ce jour, il est un guide incontournable du pays. Cependant, la misère fait encore partie de son quotidien. Il dit toujours lutter pour s’en sortir. « Dans mon quartier, nous sommes dans la même situation. Avec ma famille, nous travaillons demain pour manger aujourd’hui comme tous ceux qui sont autour de moi. Mais jamais nous nous contentons de ce que nous avons sans envier les autres et sans rien leur demander. Si, de bon cœur, on nous offre quelque chose, on le prend et on dit merci. D’ailleurs, je suis très reconnaissant pour toutes les personnes qui me tendent encore la main». 

S’il y a quatre mois son père est décédé, Benji n’oublie pas les enseignements de son ce dernier et ce sont les mêmes valeurs qu’il veut inculquer à ses enfants. « Il me disait toujours ‘si tu veux t’en sortir, si tu ne veux pas être la même situation que nous, il faut que tu te débrouilles seul, je ne serai pas toujours là, il faut que tu bosses dur, très dur ». Il dit aujourd’hui continue à vivre pour ses enfants. « Je fais de mon mieux pour qu’ils puissent s’en sortir. Ma fille rêve de faire des études de biologie marine, je ne veux pas qu’elle grandisse sans avoir réussi à réaliser ses rêves…. » 

Membre de DIS-MOI depuis 2017 

S’il a eu la chance de venir à Maurice pour la première fois en 2009 grâce à Amnesty International, Benji a rejoint DIS-MOI Mada depuis sa création en 2017 comme membre. Il participe activement aux campagnes de sensibilisation et aux formations en droits humains. 

Pour les droits humains ? 

« Devenir défenseur des droits humains est un choix réfléchi. Je voyais depuis mon enfance que des enfants comme moi étaient privés de leurs droits. Je ne savais pourtant pas ce qu’étaient ces droits. Cependant, aujourd’hui je sais. Et si je sais, je ne peux pas me taire, je dois agir ! Je ne sais pas quand le combat va s’arrêter… » 

Son rêve pour son pays 

Il aime son pays même s’il y vit dans la misère. « Quand je compare mon pays à l’île Maurice je suis triste et révolté. Je me demande comme un pays aussi petit que Maurice, comparé au mien peut continuer à se développer ainsi et pour à Mada malgré toute la place, toutes les ressources, on n’avance pas ? »

Il dit vouloir des dirigeants qui auront à cœur le développement du pays. « Il n’y a pas de salaire minimal. Tout se négocie actuellement avec la personne qui nous emploie pour la journée. Certains peuvent gagner moins d’un euro pour une journée de travail. L’accès au travail reste donc difficile et cela entraîne une répercussion sur la famille. Il n’y a pas de sécurité sociale. S’il y a un problème de santé dans la famille, que faire ? Il faut bâtir avec des gens qui ne veulent pas tout piller. Il faut reformer le système éducatif, arrêter le népotisme et espérer un changement de mentalité. Que la Déclaration Universelle des droits de l’homme ne reste pas qu’un document ! »

 

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