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Camélia, le petit village dans la prairie

Les habitations s’alignent, identiques dans leur couleur, leur toiture et leur conception.

Ce petit village porte un nom d’inspiration britannique, mais ne jouit d’aucun privilège royal. Au contraire, Camélia s’apparente à un ghetto où 235 familles vivent entassées, rappelant les HLM français. Si elles disposent d’un toit, tout le reste fait défaut. Le possible changement de statut de Bambous de village en ville les laisse indifférentes, car selon elles, rien ne fonctionne correctement.

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Dans ce lieu isolé, loin du centre de Bambous, l’atmosphère évoque celle d’un quartier délaissé. Les habitations s’alignent, identiques dans leur couleur, leur toiture et leur conception. Leur uniformité, semblable à un jeu de dominos, rend difficile toute orientation pour les visiteurs.

Dans l’une de ces maisons vit Jean Noël Clair. Il nous reçoit en compagnie de Sylvain, Michael et d’autres résidents, certains n’ayant pu se joindre à nous en raison de leurs horaires de travail tardifs. Un coup d’œil dans la maison de Jean Noël révèle un intérieur modeste, mais entretenu : des meubles garnissent la cuisine et le salon, deux chambres dont l’une abrite des cadeaux offerts par des bénévoles.

« Il y a un problème structurel : tout se dégrade – le sol, la toiture, la salle de bains. J’ai personnellement fait des efforts et investi pour améliorer mon logement, mais au-delà de ça, rien de ce qui nous avait été promis n’a été réalisé : il n’y a ni supérette, ni garderie. On nous a simplement installés ici sans aucune commodité », déplore ce jeune père.

Sylvain, lui, ne cache pas sa colère. Bien que reconnaissant d’avoir un toit, il estime que cela ne suffit pas. Il nous montre le système d’évacuation des eaux usées : « Nous devons le vidanger manuellement, car tout se bouche rapidement. L’eau potable n’est disponible qu’une heure par jour. Souvent, nous devons parcourir des kilomètres pour nous approvisionner, et quand les camions-citernes arrivent, ils nous livrent une eau boueuse pompée de la rivière de Médine, impropre à la consommation. »

De son côté, Michael confie qu’il est contraint de confier son enfant à ses parents : « La garderie promise n’a jamais vu le jour, il n’y a pas de transport scolaire. Je pars travailler à 5 heures du matin, je ne chôme pas, mais je ne vois mon enfant qu’une fois par semaine. Où sont les infrastructures promises, les espaces de loisirs pour les enfants, la supérette, le transport régulier comme à La Valette ? Ce ne sont que des promesses en l’air. »

Face à la perspective de voir Camélia devenir une banlieue de la future ville de Bambous, Jean Noël répond posément : « Comment être satisfaits quand on sent qu’on nous a relégués à Camélia pour se donner bonne conscience ? Nous sommes plus de 235 familles - femmes, personnes âgées, enfants. Certes, nous ne sommes plus des squatteurs, mais nous ne sommes pas des citoyens de seconde zone. Tout le monde travaille ici, personne ne tend la main, personne ne mendie. Si nous devons payer pour ces petites maisons de deux chambres, nous le ferons. Nous en sommes conscients, mais le passage du statut de village à celui de ville ne changera rien, tant que nous ne serons pas traités comme des citoyens à part entière. Nous ne demandons pas l’aumône, nous voulons simplement être considérés comme des citoyens et non comme des parasites. »

À Camélia, la similarité des maisons reflète celle du quotidien de ses habitants. Pour eux, le changement de statut de village en ville ne changerait rien à leur situation, tant que les autorités ne prendront pas d’initiatives concrètes pour améliorer leur qualité de vie, comme promis avant les élections.

Véronique Leu rassure

Les femmes du village avaient une revendication précise : la mise en place d’un transport public desservant Camélia, menaçant même d’organiser une grève et une marche de protestation. Jeudi, la Junior Minister de la région, Véronique Leu, leur a rendu une visite très attendue.

Sylvain exprime sa satisfaction : « Véro a rencontré les femmes de Camélia qui réclamaient un transport public desservant notre village satellite, particulièrement urgent avec la rentrée scolaire prévue lundi. En tant que Junior Minister, elle s’est engagée à mettre en place un transport pour nos étudiants et écoliers, matin et après-midi. »

Néanmoins, ces femmes espèrent obtenir un service régulier comparable à celui de La Valette pour les 235 familles résidentes. La Junior Minister a promis d’examiner sérieusement cette demande, selon Sylvain, maçon de profession, mais très engagé dans le travail social. « Je milite pour les enfants, non pas de Soweto, mais de Camélia », lance-t-il avec un sourire malicieux, ses dreadlocks soigneusement attachées par un ruban rasta.
Camélia, désormais dans une ville nommée Bambous bientôt, comme promis par les autorités ? Il va falloir se retrousser les manches, car il y a du boulot.

Priscilla, l’âme du village

Figure incontournable, Priscilla Philippe est une habitante de Bambous qui se bat sans relâche pour ses concitoyens. « Dieu m’a confié une mission et donné pour message de croire en l’humanité. Mes fils et moi, nous nous efforçons quotidiennement d’apporter du réconfort, d’être à l’écoute, de comprendre et de faire entendre la voix des autres. Il faut savoir tendre la main avant de penser à soi. Mon fils aîné Cédric s’implique dans la communauté à travers des projets éducatifs, et je mobilise toutes les ressources possibles - amis, sponsors - pour venir en aide aux autres », explique cette femme dynamique, qui inspire par son engagement.

La transformation de Bambous nécessitera un travail considérable, mais l’engagement de ses habitants et de personnes comme Priscilla laisse entrevoir un espoir de changement positif. 

 

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