Les anciens squatteurs de Cité La Ferme, relogés à Bambous dans les villages de La Valette et Camélia, vivent dans des conditions précaires malgré leurs nouvelles habitations. L’éventuel changement de statut de Bambous en ville ne les intéresse pas, tant que leurs conditions de vie ne s’améliorent pas.
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«What’s in a name ? », écrivait William Shakespeare. Alors que Bambous est l’un des villages considérés pour obtenir le statut de ville, pour les anciens squatteurs de Cité La Ferme, désormais installés dans deux nouveaux villages à Bambous – La Valette et Camélia –, le changement de statut officiel ne changerait rien à leur vie, qu’ils qualifient de précaire. Ils estiment avoir été relocalisés dans ces zones uniquement pour apaiser les consciences. Incursion.
La Valette se trouve au bout de l’artère principale de Bambous. En venant de Port-Louis, l’accès au village est complexe en raison d’embouteillages considérables. La circulation y est particulièrement difficile, ne dépassant guère les 20 km/h, notamment aux abords de la station-service et du supermarché central. Ce village, devenu surpeuplé au fil du temps, est caractérisé par ses nombreux recoins et ses milliers d’appartements NHDC. L’activité y est incessante.
Au-delà du supermarché très fréquenté de Bambous, il faut emprunter une route sur la droite et parcourir quelques kilomètres pour atteindre les premières habitations. L’état des maisons reflète les moyens de leurs occupants : certaines familles ont pu améliorer modestement leur cadre de vie, tandis que d’autres peinent encore, gardant néanmoins une lueur d’espoir.
Aurélie, de nature réservée, est de celles qu’il faut encourager à s’exprimer. Son époux Victor, plus loquace, gère un snack ambulant sur la plage d’Albion, proposant notamment « minn fri », « minn bwi », « pain saucisses »... « Je gagne ma vie honnêtement et je m’efforce d’assurer le bien-être de ma famille. Je ne veux pas qu’elle connaisse les conditions que j’ai endurées pendant des années dans une maison en tôle, qu’il fallait bâcher lors des pluies ou quitter pour un centre d’hébergement en cas de cyclone », explique-t-il.
Victor habite une modeste maison comprenant une chambre à coucher, un espace salon/salle-à-manger, un coin cuisine, une salle de bains et des toilettes. « Nous sommes installés ici depuis huit ans. Ce n’est qu’à la veille des élections qu’on nous a annoncé que nous deviendrions propriétaires de cette maison, mais rien n’est encore officialisé », souligne ce père de famille.
Un simple regard dans l’habitation suffit pour constater l’exiguïté des lieux. « Si nous devenons propriétaires, nous pourrons envisager des agrandissements : ajouter des chambres pour les enfants, créer un espace de vie plus convenable. Nous ne recherchons pas la richesse et sommes reconnaissants d’avoir pu quitter notre vie de squatteurs, mais les conditions de vie à La Valette restent difficiles pour de nombreuses familles », ajoute-t-il.
Comme beaucoup d’autres résidents, Victor a fait quelques aménagements. Dans certaines cours, on aperçoit des parpaings et du rocksand, en attente de futurs travaux d’agrandissement. Cependant, Victor ne se fait guère d’illusions quant à une éventuelle municipalisation de Bambous : « Si le village de Bambous devient une ville, qu’est-ce que cela changera dans notre quotidien ? Rien, car le développement est au point mort. »
La plupart des familles, dont certaines préfèrent garder l’anonymat et refusent d’être photographiées, s’accordent sur un point : le manque d’infrastructures et l’abandon général des lieux sont flagrants.Que ce soit Bernard, Marie, Véronique ou Laval, tous apprécient d’avoir un toit, mais déplorent l’état de leur environnement.
« Certes, la CNT nous propose un service de transport, mais il est insuffisant : un bus par heure, parfois toutes les 90 minutes. Souvent, nous devons descendre au centre de Bambous et marcher plusieurs kilomètres sans éclairage public, ce qui représente des risques considérables pour les femmes, les jeunes et les enfants. Si vous voulez transformer ce village en ville, commencez par améliorer nos conditions de vie et apporter du développement. Ensuite, nous verrons », témoigne Martine.
Pour ces habitants, le changement de statut n’est que symbolique. Selon Victor, c’est la mentalité qui doit évoluer : « La Valette ne devrait pas rester un ghetto. Nous sommes des citoyens comme les autres. On nous a donné un toit, nous sommes des êtres humains, pas des sans-abri. Que ce soit un village ou une ville importe peu, considérez-nous avant tout comme des Mauriciens. »
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