Pour Transparency Mauritius, il est important que les institutions internationales, les médias et la société civile maintiennent la pression pour que le gouvernement reprenne le dialogue en vue d’élaborer une loi sur le financement des partis politiques. C’est une zone de non-droit qui peut favoriser les flux financiers illicites.
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Le regard du monde est tourné vers les flux financiers illicites, dont une partie importante est transfrontalière. Plus de USD 50 milliards, détournés, à travers la corruption, de leurs objectifs légitimes, quitte le continent africain tous les ans. L’argent transite à travers des paradis fiscaux pour aboutir, souvent, à l’acquisition de biens dans les pays développés ou alors pour le financement d’activités terroristes.
Des manquements institutionnels, juridiques et en termes d’expertise pour des enquêtes transfrontalières avaient fait que le Groupe d’action financière (GAFI) place l’île Maurice sur sa liste grise, en 2020. Dans le même souffle, l’Union européenne avait mis Maurice sur sa liste noire. Le gouvernement mauricien a réagi et a pris les mesures appropriées. Et l’année dernière, le GAFI a enlevé le pays de sa liste grise. Le gouvernement espère que l’UE en fera de même.
Transparency International vise une transparence totale au niveau des ayants droit ou propriétaires réels des biens à travers le monde. C’est afin que ceux qui s’enrichissent à travers la corruption ou d’autres délits ne puissent plus jouir impunément de leurs crimes. Un arsenal de mesures et de lois a été proposé aux gouvernements à travers le monde. Elle inclut des résolutions fermes des autorités pour s’attaquer à la corruption sous toutes ses formes ainsi qu’à la délinquance financière.
Il n’est pas clair pourquoi certaines compagnies donnent de l’argent aux partis politiques»
Ces lois outre une loi-cadre (le Prevention of Corruption Act qui définit et criminalise la corruption à Maurice) sont celles ayant trait à la transparence, au dialogue et au principe d’un gouvernement ouvert. Ainsi, une Freedom of Information Act, une Whistleblowers’ Protection Act, une Declaration of Assets Act (qui existe déjà à Maurice) peuvent être des outils importants et indispensables.
Identifier et corriger les manquements
Depuis quelques années, les institutions internationales, les médias et la société civile mènent une guerre sans merci pour endiguer l’hémorragie et pousser les gouvernements à mettre en place des lois, des protocoles et des contrôles. Force est de constater que les délinquants financiers ont toujours une longueur d’avance et que les avancées en matière de contrôle et de répression rencontrent des obstacles. Ceux-ci émanent non seulement des acteurs des milieux financiers eux-mêmes et des politiques, mais aussi des médias, de la société civile et, dans certains pays, du secteur judiciaire. Avec 50 milliards de dollars par an, les délinquants financiers ont de quoi corrompre ou infiltrer les cercles les plus fermés.
La lutte contre les flux financiers illicites s’appuie sur la transparence et l’usage des véhicules officiels qui permettent de suivre le mouvement de l’argent de sa source à son récipiendaire. Le mouvement exclut les transactions en liquide, mais, dans la pratique, un seuil (Rs 500 000 à Maurice) a été établi ; ce qui n’empêche pas les autorités ou d’autres acteurs financiers d’exiger des justificatifs pour une transaction même si elle est en deçà de la somme de Rs 500 000. Toute personne qui ne satisfait pas l’opérateur peut, à son insu, faire l’objet d’une enquête discrète de la Financial Intelligence Unit (FIU). Si celle-ci découvre, par exemple, des associations avec des groupes terroristes ou mafieux ou que la transaction n’a aucune pertinence, elle communique les informations à la commission indépendante contre la corruption (Icac) qui peut ouvrir une enquête officielle.
Or, si Maurice a mis en place des lois et des protocoles à la satisfaction du GAFI, il subsiste une zone d’ombre par rapport au financement des partis politiques dont les comptes demeurent inaccessibles et qui semblent échapper à tout contrôle. Les partis politiques brassent des millions. Les sources sont aussi floues que l’usage précis de ce qui est fait de cet argent. Il existe une Electoral Supervisory Commission dont les pouvoirs d’enquêter n’ont jamais été prescrits.
Il y a plusieurs allégations et hypothèses concernant la gestion de l’argent obtenu par les partis politiques. Il est vrai que les compagnies listées principalement, mais aussi d’autres, mentionnent les donations politiques dans leurs bilans financiers. Mais aucune précision n’est faite par rapport aux partis à qui l’argent est destiné.
Il n’est pas clair, non plus, pourquoi certaines compagnies donnent de l’argent aux partis politiques. Serait-ce pour l’idéologie ou alors pour obtenir des contrats ? Si dans plusieurs pays, il y a des lois qui obligent des compagnies à divulguer leurs lobbies, à Maurice, il n’existe rien de la sorte. Il serait temps d’y songer. En fait, des compagnies véreuses, qui veulent pousser un agenda, peuvent financer un politicien ou un parti politique pour faire bouger en ce sens.
Parmi les allégations qui sont souvent citées, il y a les votes achetés, des cadeaux, le paiement des frais utilitaires, pour ne citer que quelques-unes. Les allégations sont balayées d’un revers de main et les Mauriciens sont tenus de prendre pour argent comptant n’importe quel propos des hommes politiques.
Ce sont aussi eux qui font les nominations à la tête des institutions clés. Si la bonne gouvernance et la bonne foi sont de rigueur, pourquoi pour un gouvernement a-t-il besoin d’avoir des proches pour diriger les institutions ? Le phénomène de state capture actuellement décrié en Afrique du Sud est-il en train de devenir une réalité à Maurice ou l’est-il déjà ?
Aucune enquête n’est faite quand les politiciens révèlent, sous serment, leurs dépenses durant une campagne. Ils se cachent aussi derrière leurs partis ou affirment que certaines activités ont été organisées par des tierces et à leur insu. Pour renforcer la démocratie, il serait important de demander à toute personne qui organise une activité politique de déclarer officiellement le montant dépensé. Il serait aussi temps d’harmoniser la définition des politically exposed persons, les intermédiaires et les agents.
Les partis politiques semblent peu enclins à venir de l’avant avec une loi qui, à priori, viendra déranger le statu quo. Pourtant il est primordial que cette loi soit votée et permette plus de transparence sur le fonctionnement de nos politiciens.
Rajen Bablee
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