Objectif : institutionnaliser la recherche universitaire pour contribuer au développement économique du pays. Pour se pencher sur la question, l’université de Maurice tient, depuis le lundi 22 avril et jusqu’au vendredi 26 avril, la 11e édition de sa Research Week sur le campus de Réduit.
Axé sur le thème Impactful Research, l’University of Mauritius (UoM) Research Week vise à être une plateforme pour les étudiants, le personnel enseignant et les chercheurs, entre autres. Au programme cette semaine : une série de causeries quotidiennes sur les travaux en cours dans cette institution et des discussions sur les nouveaux sujets d’intérêt dans le domaine de la recherche. Le tout animé par les différentes facultés de cette institution.
Prof. Jhurry : «Il faut plus de chercheurs pour superviser les recherches»
Dans le cadre de cet évènement, les couloirs de l’auditorium Octave-Wiehe se sont transformés en une vitrine de divers types de projets réalisés par les étudiants des facultés de l’UoM. Sous la forme d’une exposition de travaux en ligne avec le développement national dans les domaines de la santé, de l’agriculture, des ressources marines, des énergies renouvelables, de l’informatique et de la socio-économie, entre autres.
« Nous avons choisi de nous concentrer sur ces piliers parce que nous estimons qu’ils peuvent contribuer davantage au développement du pays », a indiqué le Professeur Dhanjay Jhurry, vice-chancelier de l’UoM, lors du coup d’envoi de cette semaine dédiée à la recherche universitaire, le lundi 22 avril à Réduit. Il dit souhaiter une institutionnalisation de la recherche universitaire, afin que l’impact soit d’envergure nationale tout en parvenant à résoudre des problèmes qui affectent la population.
Pôles d’excellence
« Par exemple, dans le domaine du transport et avec l’arrivée du Metro Express, il faudrait des travaux de recherche pour évaluer son impact sur le flux de transport. Dans le domaine de la santé, la prolifération de maladies, telles que le cancer, les troubles cardiovasculaires et les maladies infectieuses, n’est pas un problème qu’un chercheur à lui seul arrivera à résoudre dans son coin. Il lui faut une équipe. Idem en ce qui concerne le développement de l’intelligence artificielle. On ne peut faire de la recherche si on raisonne de manière individuelle », fait observer le Prof. Dhanjay Jhurry. D’où l’importance, dit-il, de constituer des équipes compétentes pour développer davantage la recherche universitaire. Il précise l’objectif que l’UoM tente d’ailleurs de faire depuis mars 2017.
« En développant des pôles d’excellence en termes de recherche et d’innovation. Nous avons des équipes de chercheurs dans nos différentes facultés, mais c’est loin d’être suffisant. Il nous en faut davantage pour superviser les travaux de recherches, afin que nous puissions continuer sur notre lancée de donner à l’UoM l’image d’une université basée sur la recherche engagée. Ce faisant, nous devons aussi parallèlement développer le financement pour la recherche. »
Le Professeur Dhanjay Jhurry ajoute : « Quand je suis arrivé, en mars 2017, le financement interne et externe combinés pour la recherche s’élevait à Rs 23 millions et l’UoM projette d’atteindre les Rs 110 millions d’ici juin 2019. C’est 10 % de notre budget initial. On commence à dire que nous sommes une ‘Research Engaged University’. Mais ce n’est pas suffisant. L’impact de la recherche est très importante. Si nous la développons et que nous nous taillons la part du lion du financement qu’octroie la Tertiary Education Commission (TEC) à l’université de Maurice, on pourra produire encore plus que la recherche fondamentale. On pourra faire de la recherche d’ordre nationale. »
Il estime que si l’UoM parvient à attirer davantage de financement de la TEC et du Mauritius Research Council, il n’y a pas de doute : l’UoM sera incontournable dans le domaine de la recherche.
Information/Communication - Christina Chan-Meetoo : «Ce qui a l’air anodin révèle parfois des formes de stéréotypes»
Smart Technologies for an Inclusive Society. C’est le thème d’une présentation de la Faculté Information/Communication & Digital Technologies de l’université de Maurice, le mardi 23 avril, dans le cadre de cette semaine sur la recherche.
Cette dernière revêt toute son importance pour les étudiants qui y présentent des résultats préliminaires. Cette activité engage aussi les jeunes à une réflexion analytique sur la place des médias dans la société non seulement au niveau sociologique, mais aussi d’un point de vue politique et démocratique, indique Christina Chan-Meetoo, chargée de cours à l’Université de Maurice. Et d’ajouter qu’un des éléments abordés, lors de cette présentation, est l’utilisation de l’image de la femme dans la publicité.
À travers une approche expérimentale assez intéressante, voire la substitution des femmes dans des corps d’homme avec une modulation de leur voix, Christina Chan-Meetoo explique que ces tests, sur des audiences et des groupes de discussions spécifiques, ont permis de voir comment les gens réagissent par rapport à ce changement. « Parfois des choses qui ont l’air anodin, révèlent en réalité qu’il y a des formes de stéréotypes qui sont très ancrés dans chaque individu et dans la société. » Dans les pubs pour les produits laitiers, il y a toujours une femme qui sert le lait à ses enfants, cite-t-elle en exemple.
« Par contre, lorsqu’on substitue la femme pour mettre un homme, l’audience a une réaction de facto pour dire que ce n’est pas naturel. Ce qui a l’air anodin révèle que dans l’imaginaire des gens, ce sont les femmes qui sont censées servir le lait dans la famille et faire l’achat des produits laitiers. »
Le deuxième exemple est celle d’une pub où une femme dit à un homme : « Tu m’as promis que tu allais construire une maison avant que l’on se marie et tu ne l’as pas fait. » Christina Chan-Meetoo dira qu’une simple modulation masculine de la voix de la femme suscite des interrogations auprès des audiences. « Elles estiment que ce n’est pas normal. On se rend compte que même si on est une société qui est de plus en plus égalitaire et en progrès, il y existe toutefois des blocages souvent assez subtils, mais révélateurs des mentalités stéréotypées. C’est donc un des éléments qui figurent dans la présentation lors de cette ‘Research Week’. »
Cependant et au-delà de la présentation des travaux effectués dans le domaine de la communication et de l’information, Christina Chan-Meetoo indique qu’il y a d’autres projets de recherche en cours même s’ils ne seront pas présentés cette année. Il y a, par exemple, une étude basée sur un système de régulation des médias voire d’autorégulation sur l’éthique et la déontologie, entre autres.
« On a aussi d’autres études très intéressantes axées sur la manière de voir des individus concernant ce qui est offensant ou pas dans les contenus médiatiques, en fonction de leurs origine et genre, entre autres. Il y a beaucoup de subtilités. Il s’avère qu’on est souvent offensé au nom des autres. »
Et de conclure qu’il y a une série de recherches en cours dans le domaine de la communication, des médias et du journalisme, tout le long de cette année.
Science agricole - Intégrer les plantes endémiques dans le paysagisme
Après six mois de travail assidu, Vedvyas Parbuttea, 23 ans, présente son projet intitulé « Developing a plant palette for landscape design based on natives in Mauritius » lors de l’UoM Research Week. Détenteur d’un BSc en science et technologie agricole, ce jeune habitant de Solférino se lance dans l’univers du paysagisme.
Cet amoureux de la nature depuis son adolescence a intégré l’université de Maurice, après ses études secondaires au SSS de Phoenix. Lors des cours en science agricole, il oscille entre théorie et pratique et se surpasse dans sa filière. En attendant de poursuivre des études approfondies dans son domaine de prédilection, il confie que pour son projet, il a passé beaucoup de temps à sillonner Maurice à la recherche des plantes endémiques qu’il envisage d’intégrer dans la conception des jardins qu’il sera appelé à créer.
Mauritius Sugar Industry Research Institute - A. Salem Saumtally : «Travailler en isolement, n’est pas la solution»
Invité d’honneur de la cérémonie d’ouverture de l’UoM Research Week, le directeur du Mauritius Sugar Industry Research Institute (MSIRI), A. Salem Saumtally, a fait état de ce qui se passe dans le monde.
Axant son discours sur la cohésion de la recherche pour une avancée de la connaissance et de l’innovation, A. Salem Saumtally a commenté les statistiques globales qui illustrent les profonds changements démographiques des années à venir. « En 2050, la population mondiale atteindra les 9,5 milliards de personnes dont deux-cinquième seront âgées de 50 ans. La production alimentaire devra être augmentée par d’au moins 25 % pour nourrir toutes ces personnes », ajoute-t-il en citant le paradoxe de la solitude au Japon (Shrinking Village Nagoro) et d’autre part, la traction magnétique d’une super concentration de personnes vers les grandes villes mondiales.
A. Salem Saumtally estime que les chercheurs doivent passer à un autre niveau et être plus innovants en s’appuyant sur leur expérience passée sans négliger les faiblesses. « Je crois que certains éléments sont indispensables à la réalisation de nos objectifs et à la création de valeur grâce aux résultats de nos recherches. Nous travaillons peut-être trop séparément les uns des autres, alors que nous avons l’occasion de faire avancer les résultats de la recherche. Nous devons avoir une cohésion et unir nos forces, afin de pouvoir transformer l’excellence de la recherche et les idées novatrices en produits et en technologies utiles à la société. » Et de souligner que l’innovation technologique devrait être intégrée à l’innovation sociale.
Le directeur du MSIRI fait ressortir la nécessité d’une collaboration structurée en matière de ressources et de développement, entre la recherche et l’industrie. « Une main-d’œuvre solide pour la recherche obligera des personnes talentueuses à sortir des sentiers battus pour des approches novatrices. La convergence transcendera les frontières disciplinaires et intégrera les connaissances, les outils et les modes de pensée des sciences de la vie et de la santé, des disciplines physique, mathématique, de l’ingénierie et de l’informatique. »
Concernant le financement de la recherche, A. Salem Saumtally dit qu’il doit être central et constant pour que l’afflux de connaissances et de subventions concurrentielles soit ouvert à tous les chercheurs, au lieu d’un financement sectoriel. Et de conclure qu’il est heureux de dire que cette plateforme de la semaine de la recherche à l’UoM est un pas en avant pour encourager la cohésion et la convergence de la recherche.
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