Interview

Thierry Sauzier : «La demande pour les appartements continue d’augmenter»

Thierry Sauzier, Deputy Chief Executive Officer de Medine Limited, également Managing Director de Medine Property, fait le point sur le secteur de l’immobilier. Il met l’accent sur l’offre des appartements dans le pays et ce dont recherchent les jeunes professionnels mauriciens.

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Quelle est votre analyse du secteur de l’immobilier à Maurice ?
Sur les dix dernières années, l’évolution du marché immobilier local a été spectaculaire et positive. Elle a été beaucoup plus réfléchie qu’auparavant. Aujourd’hui, les promoteurs tiennent compte de la planification et du développement urbain. Dans le passé, il y a 15 ans ou 20 ans, le développement se faisait en fonction de l’opportunité. La fin du Protocole Sucre a obligé les entrepreneurs du secteur privé et propriétaires de terres à réfléchir de manière plus globale, ce qui a été très bénéfique pour le pays. Les projets sous l’Integrated Resort Scheme ont attiré beaucoup d’étrangers vers Maurice. Ainsi, le niveau de l’offre résidentiel a été rehaussé. Tout ce qui s’en est suivi a apporté une qualité au niveau de la réflexion dans le développement immobilier urbain et résidentiel. Nous avons évolué vers le haut.

En quoi se résume cette évolution ?
Le Mauricien recherche de plus en plus un environnement harmonieux, cohérent, réfléchi et conçu en amont. Son espace de vie devrait disposer d’un certain nombre d’infrastructures collectives dont il peut profiter. Cette offre n’a jamais existé dans le passé. Maintenant, la plupart des promoteurs pensent à long terme et en fonction des besoins de l’acheteur.

« Un logement abordable est d’une superficie variant entre 80 et 100 mètres carrés, disponible à un prix aux alentours de Rs 3 millions. »

Quelles sont ces différences entre l’offre d’il y a 20 ans et celles d’aujourd’hui ?
Il existe une grande différence. En tout cas, dans les projets résidentiels de Medine, elle est flagrante. Beaucoup d’accent est mis sur les réserves des routes, les espaces communs, les trottoirs et les pistes cyclables, ainsi que l’aménagement paysager. L’offre est similaire à celle disponible dans des quartiers résidentiels clôturés (gated communities). Il est bon de souligner que les IRS, RES et PDS ont donné envie aux Mauriciens de vivre dans un meilleur environnement. De ce fait, les promoteurs immobiliers responsables ne peuvent offrir des lotissements semblables à ceux faits il y a 25 ans.

Quel est le prochain défi à relever dans l’immobilier destiné aux Mauriciens ?
Ce sera dans l’offre de logement abordable (affordable housing). Au vu des coûts, c’est très difficile d’en faire aujourd’hui. D’ailleurs, c’est compliqué, parce que le Mauricien, d’un point de vue culturel, n’aime pas vivre dans des appartements. Il préfère acheter son lopin de terre, construire au rez-de-chaussée, puis à l’étage quand ses moyens le lui permettent. Si vous offrez des appartements dans un environnement retiré, loin des villes et villages principaux du pays sans facilités à proximité, il dira non.

À Paris ou à Londres, c’est différent, car au rez-de-chaussée, on a souvent accès à des commerces, des parcs récréatifs ou des endroits pour se distraire et socialiser. Par exemple, dans les projets de logements abordables de Medine, nous allons offrir à l’acheteur une panoplie d’activités sportives, récréatives et sociales à proximité de son logement.

Quelle est votre définition de logement abordable ?
Ce serait un appartement d’une superficie variant entre 80 et 100 mètres carrés, disponible à un prix aux alentours de Rs 3 millions. Pour un couple qui touche entre Rs 40 000 et Rs 50 000, c’est accessible, en prenant un emprunt sur 25 ans auprès d’une banque. Le logement abordable est avant tout un appartement. Il faut que ce soit construit en hauteur. À Medine, nous avons décidé de contenir la hauteur à cinq niveaux, incluant le rez-de-chaussée. On ne fera pas des tours de 25 étages comme c’est le cas à l’étranger. C’est notre philosophie, car notre plan d’ensemble dans la région de Flic-en-Flac se veut à taille humaine et intégré à un environnement agréable.

Est-ce que cette clientèle pour des appartements à Rs 3 millions existe-t-elle ?
Le fil conducteur, c’est la demande. C’est sûr que nous ne construirons pas 1 000 appartements d’un coup, à Rs 3 millions l’unité. On va commencer par tester le marché avec une offre plus raisonnable en termes de nombre d’unités. Je crois qu’il y a un manque dans ce segment pour des jeunes qui démarrent leur carrière professionnelle et les jeunes couples. Il n’y a pas d’offre attrayante. Si demain vous offrez une résidence de 100 mètres carrés dans un environnement sain, à proximité d’un centre commercial et des centres de loisirs et sportifs, entre autres, cela devient plus positif aux yeux de l’acheteur potentiel.

À un moment donné, l’État a communiqué sur un déficit de 40 000 unités de logements pour les jeunes. Il semble donc qu’une demande potentielle existe et nous devons tester le marché car souvent l’offre peut précéder la demande.

Donc, selon vous, la solution est d’offrir des logements proches des centres d’activités ?
Absolument, car celui qui vit dans un 80 mètres carrés doit pouvoir avoir - à une distance de marche à pied - la possibilité de faire ses courses, faire du sport et avoir accès à des facilités culturelles, sociales et de loisirs entre autres.

Le projet de Medine remonte à 2005, d’où l’accès à de telles facilités. Est-ce que c’est possible d’avoir des infrastructures semblables ailleurs dans le pays ?
Quand Medine a décidé d’investir dans l’IRS, offrant des villas à un million de dollars, nous avons fait face à beaucoup de personnes sceptiques. Mais quand l’offre est arrivée sur le marché, la demande a suivi. C’est très important de mettre sur la table une offre qui est en adéquation avec la demande. Si vous fournissez un package avec l’offre, l’acheteur sera tenté. Le package c’est plus qu’un appartement. Si les Mauriciens achètent des terres dans des morcellements, c’est parce que l’offre a été canalisée dans ce créneau-là. Cette demande a évolué. Dans les années 70, par exemple, il y avait très peu d’appartements dans les principales villes du pays. Tout évolue. La société évolue. Faites l’inventaire des appartements aujourd’hui, comparé à 40 ans de cela. Il y en a beaucoup plus.

Est-ce qu’il y en a trop ?
Non, car la demande pour ce genre de logement continue d’augmenter. Il faut, toutefois, que la cohabitation entre appartements et maisons soit planifiée et gérée en amont. Quand ce n’est pas le cas, cela peut donner lieu à des ensembles urbains incohérents et qui ne sont pas agréables à vivre.

Êtes-vous d’avis que le pays a ce potentiel d’attirer davantage d’étrangers à venir habiter et travailler ici ou bien la limite a-t-elle été atteinte ?
Nous sommes encore au tout début de ce cycle. Je suis persuadé que l’ouverture du pays est très importante pour notre développement. Mais ce ne sera pas une ouverture à n’importe quel prix. Ce sera de l’immigration choisie, c’est-à-dire attirer des étrangers qui vont créer de l’emploi, apporter de la richesse et des idées. C’est ça qui est très important. La stratégie se doit d’être bien réfléchie et planifiée. Par rapport à l’Afrique, la force de Maurice repose sur des infrastructures solides, une bonne connectivité (aérienne, portuaire, l’internet et réseau routier en interne), ainsi qu’un sentiment de sécurité et un mode de vie plus convivial, le tout avec une population multilingue ayant un des meilleurs sens de l’hospitalité au monde.

 

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