Homme-clef du paysage légal, Satyajit Boolell assume la fonction de Directeur de Poursuites Publiques depuis 8 ans. Une tâche ô combien délicate que le benjamin de feu Sir Satcam Boolell assume pleinement, sans faire fi de ses passions. Rencontre.
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En ce vendredi après-midi, le bureau du Directeur de Poursuites Publiques (DPP), sis à Port-Louis respire la sérénité. Le maître des lieux, lui, affiche une mine fraîche. C’est avec un large sourire que Satyajit Boolell nous accueille malgré son agenda très chargé. D’ailleurs, on constate de visu que ce n’est pas un métier de tout repos… Appels, signature de documents, le bureau du DPP est constamment sur la brèche. Et pourtant, le DPP est d’un calme olympien. Ce métier le passionne. La loi, il en sait quelque chose. Il est né dans une famille où le droit était légion. Père, cousins, oncles… la toge était omniprésente dans le quotidien de Satyajit Boolell. Pourtant, dans sa jeunesse, il se voyait bien footballeur professionnel.
« J’ai grandi dans une ambiance où on parlait beaucoup de lois. Mon père (N.D.L.R. : feu Sir Satcam Boolell), était parlementaire et avocat. Je me souviens qu’il y avait une grande photo de lui dans notre maison, avec sa toge. J’avais aussi des cousins qui étaient légistes. J’avais toujours cette admiration pour les hommes en noir. Et puis il y avait Harper Lee « To kill à Mocking Bird » et Perry Mason que la MBC nous gratifiait chaque semaine. Mais plus jeune, je me voyais footballeur professionnel… comme Ronaldo », fait ressortir Satyajit Boolell, avec une pointe d’humour.
Cap sur l’Angleterre
C’est au Collège Royal de Port-Louis que le jeune Satyajit fait ses études secondaires avant de mettre le cap sur l’Angleterre où il étudie l’économie à l’Université d’Essex. Après un Conversion Degree, il passe l’examen du barreau puis obtient une maîtrise de droit (LLM.) au Kings College de Londres. À Maurice, il travaillera pendant un an aux côtés de son défunt père. Puis, en septembre 1986, il prend de l’emploi au ministère public comme State Counsel.
À partir de là, il va gravir les échelons. En 1994, il est nommé Principal State Counsel et promu Assistant Solicitor General en 1998. Il servira comme Parliamentary Counsel entre 2003 à 2009, avant d’être nommé Directeur des Poursuites Publiques le 3 février 2009. Des propositions pour être juge, il en a reçues mais a préféré celle de DPP. « Une question de tempérament, sur le mien, je ne transige jamais », dit-il.
« Je reconnais que c’est un honneur de travailler comme juge mais j’aime avoir cette possibilité d’aller plaider en cour et d’assumer les fonctions que je tiens actuellement. Récemment, j’ai été au Conseil privé dans l’affaire l’Amical où j’avais plaidé il y a 20 ans de cela. C’est ce genre de choses qui me motive à ce stade de ma vie, pour accomplir au mieux mon travail », explique notre interlocuteur.
«Respecter les paramètres»
Marié à la Senior Counsel Urmila Boolell, père de Vandana et des jumeaux Nikhil et Aditi, Satyajit Boolell a fait du droit la raison et le sens de sa vie. Dans sa tête trotte toujours quelque part le conseil de son père : celui d’exercer une profession libérale.
« L’important, disait-il, c’est d’être dans une profession libérale. Après m’être imprégné de ce conseil, je suis devenu avocat mais je me retrouve quand même au service public. »
Mais est-ce qu’on est libre dans ses choix ?
« Oui. Mais de par ma fonction constitutionnelle, je dois respecter les paramètres. Mais n’empêche que je m’exprime régulièrement à travers mes newsletters. Je l’ai fait quand on a voulu toucher à la Constitution, je me suis dit qu’en tant que légiste et citoyen mauricien libre et indépendant, je devais faire part de mon point de vue légal. Je pense que chaque Mauricien doit prendre position lorsqu’on touche aux principes constitutionnels », précise le DPE.
Pour le DPP, le respect des paramètres de sa fonction n’est pas incompatible avec la nécessité de communiquer dans l’exercice du bureau de DPP.
« Depuis que j’assume la fonction de DPP, j’essaye dans certains cas, notamment les « High Profile cases », d’émettre des communiqués pour expliquer de telles décisions. Le DPP n’est pas la seule personne à décider. Il y a aussi une équipe de 70 avocats qui s’expriment et se concertent pour décider », fait ressortir Satyajit Boolell.
Il ajoute : « Les décisions de ce bureau peuvent être sujettes à une ‘judicial review’ en Cour Suprême. Nous sommes appelés à défendre nos décisions par la procédure requise dans notre droit et nous sommes confiants en l’independence et la compétence de nos juges ».
Les moments difficiles
On ne peut faire l’impasse sur les moments difficiles qui ont secoué le DPP et sa famille. « Ma famille a été traumatisée lorsque des policiers sont venus m’arrêter chez moi. Mais leur soutien et celle de la profession légale et ma grande conviction dans notre justice, m’ont aidé à surmonter cet épisode. Nous sommes heureux qu’il existe à Maurice des grands démocrates toujours présents pour rééquilibrer les choses et défendre la démocratie et nos institutions », dit notre interlocuteur.
Si le travail occupe presque tout son temps, il trouve quand même des intervalles pour s’adonner à ses activités préférées telles que le golf, le fitness et sans oublier sa plus grande passion, le foot. À ce titre, il n’est pas peu fier de défendre l’équipe de son bureau lors des tournois mettent aux prises les avocats.
Comme le fut son père de son vivant, auteur d’un ouvrage intitulé « The Tale of Two Cities », Satyajit Boolell se passionne lui-aussi pour la lecture. En ce moment, deux livres sont à son chevet : ‘The Children’s Act’ et « On Chisel Beach » de Ian Mc Ewan. « Je découvre au fur et à mesure cet auteur brillant, dont on recommande d’ailleurs de lire». Le cinéma bollywoodien apporte aussi au couple ce moment de recul indispensable à l’équilibre de leur vie. « Avec mon épouse Urmila, nous trouvons le temps d’aller voir un bon film au cinéma. Le dernier en date est ‘Rangoon’, que nous avons bien aimé d’ailleurs. C’est un moyen de nous retrouver et de fuir le train-train quotidien », explique le DPP.
Mais le tableau serait incomplet sans un bon repas aux saveurs locales et qui sert à mieux resserrer les liens familiaux. Et c’est autour d’un «curry de poissons aux bringelles » que s’expriment les racines mauriciennes de ce patronyme de notables étroitement associés à la vie locale.
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