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[Recherche Biopharmaceutique] - Dr Vidushi Neergheen, directrice de l’École doctorale à l’Université de Maurice : «Compétence + Travail + Opportunité = Succès»

Le Dr Vidushi Neergheen, Professeure agrégée et directrice de l’École doctorale à l’Université de Maurice.

Le Dr Vidushi Neergheen incarne l’audace scientifique et l’engagement pour l’égalité des genres. À travers ses recherches et son mentorat, elle transforme des ressources naturelles en solutions de santé innovantes, et inspire la prochaine génération de femmes scientifiques à repousser les limites. 

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« La science est un terrain d’exploration où la curiosité et la persévérance t’ouvriront des portes insoupçonnées. Fais-toi confiance et ose aller plus loin que ce que l’on attend de toi… » Si le Dr Vidushi Neergheen pouvait remonter le temps, c’est ce message qu’elle adresserait à la jeune fille qu’elle était avant de se lancer dans les sciences. Une audace qui s’est avérée payante : détentrice d’un doctorat en Biochimie, elle occupe actuellement le poste de Professeure agrégée et de directrice de l’École doctorale à l’Université de Maurice. 

Le parcours de cette scientifique mauricienne âgée de 45 ans, mariée et mère d’un fils, inspire autant qu’il fascine. À l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes 2025, Le Dimanche/L’Hebdo est allé à sa rencontre. 

Sa passion ? Valoriser ses recherches au service de la communauté dans les domaines des biopharmaceutiques, nutraceutiques et aliments fonctionnels, avec un accent particulier sur la prévention des maladies telles que le diabète et le cancer. En parallèle, elle s’investit dans la formation des jeunes chercheurs, notamment les doctorants et post-doctorants, créant ainsi un environnement propice à l’innovation scientifique.

Ce qui a profondément marqué son parcours est une découverte aussi simple que révolutionnaire : les ressources naturelles de l’île Maurice possèdent un réel potentiel dans la prévention des maladies. « Mes recherches ont confirmé que des plantes endémiques de Maurice ainsi que les ressources indigènes recèlent des propriétés pharmacologiques prometteuses, ouvrant la voie à de nouvelles approches en nutraceutique et médecine préventive », souligne le Dr Vidushi Neergheen.

Comment décrirait-elle son métier en une phrase qui intrigue et donne envie ? Elle dirait qu’elle « transforme des ressources naturelles indigènes et endémiques en solutions innovantes pour prévenir des maladies majeures et améliorer la santé humaine ».

Et si son métier devait être résumé en un objet du quotidien ? Elle choisirait un pont. Cette métaphore illustre son rôle en tant qu’enseignante-chercheuse, mentor et facilitatrice. « Tout comme un pont relie des rives et permet de surmonter des obstacles, mon travail consiste à créer des connexions entre la recherche et l’innovation, entre les jeunes chercheurs et leur avenir scientifique, entre l’Afrique et la scène scientifique mondiale, mais aussi avec les petites et moyennes entreprises ainsi que l’industrie », explique-t-elle. En intégrant ces acteurs clés, elle favorise un écosystème transformant les découvertes en solutions concrètes pour le développement durable et la compétitivité économique.

Au sein de l’Unité Biopharmaceutique du Centre for Biomedical and Biomaterials Research, elle assure également la gestion du laboratoire, veillant à l’optimisation des ressources, de l’approvisionnement en équipements et réactifs à la gestion des stocks. « Mon rôle englobe également la recherche de financements et l’orientation stratégique des axes de recherche. Il exige beaucoup de dévouement et une grande capacité à gérer plusieurs tâches simultanément afin d’assurer le bon fonctionnement du laboratoire et de garantir un impact scientifique et sociétal significatif », précise-t-elle.

La question que l’on ne lui pose jamais mais à laquelle elle aimerait répondre? « Quels sacrifices faut-il faire pour réussir dans la recherche ? » dit-elle. Avec le sourire, elle confie : « La réalité est que la science demande une grande résilience et concilier carrière ainsi que vie personnelle reste un défi. Mais la passion et l’impact de la recherche rendent ce parcours inestimable. »

Comme de nombreuses femmes scientifiques, le Dr Vidushi Neergheen a parfois ressenti le syndrome de l’imposteur, notamment lors de réunions où faire entendre ses idées pouvait s’avérer difficile. Cependant, elle a appris à s’appuyer sur des éléments concrets : son travail et ses collaborations prouvent que sa place est légitime et méritée.

Chaque découverte, même petite, a un impact, et choisir cette voie, c’est participer à quelque chose de plus grand que soi»

Son expérience en tant que femme scientifique illustre les défis persistants : « Être une femme dans la recherche signifie souvent naviguer dans un écosystème où la reconnaissance et les opportunités ne sont pas toujours équitablement réparties. Au fil des années, j’ai observé et vécu des situations où il fallait travailler davantage pour prouver sa légitimité, où les prises de parole dans certaines instances étaient plus difficiles, et où l’accès aux financements et aux postes de leadership demandait une persévérance accrue. »

Son engagement auprès d’organisations comme l’Organisation for Women in Science for the Developing World (Mauritius Chapter) et de la Global Young Academy lui permet de militer activement pour la reconnaissance et l’inclusion des femmes dans la recherche. « J’essaie d’accompagner la nouvelle génération de femmes scientifiques à Maurice et en Afrique, contribuant ainsi à transformer cet écosystème en un espace plus inclusif », affirme-t-elle.

Dans son domaine, la plus grande découverte serait-elle l’égalité salariale ou une percée révolutionnaire ? « Les deux sont essentielles ! Une percée scientifique améliore la société, mais sans égalité, les femmes risquent d’être exclues des avancées qu’elles contribuent pourtant à façonner », répond-elle.

Ce qui l’agace le plus? L’idée persistante que les femmes seraient moins compétentes pour diriger des recherches complexes et occuper des postes à responsabilité. « C’est un stéréotype dépassé », affirme-t-elle avec fermeté. Elle rappelle d’ailleurs que les femmes, tant au niveau national qu’international, ont toujours joué un rôle clé dans l’avancement de la science, de l’innovation et du leadership académique. « Elles ont apporté des contributions majeures prouvant que la compétence et l’excellence ne sont pas une question de genre mais de vision, de rigueur et de détermination. »

Si elle pouvait dîner avec une femme scientifique, vivante ou disparue, le Dr Vidushi Neergheen choisirait sans hésitation Tu Youyou, la pharmacologue et scientifique chinoise qui a révolutionné le traitement du paludisme grâce à sa découverte de l’artémisinine – une percée qui a sauvé des millions de vies et lui a valu le Prix Nobel de médecine en 2015. « Son parcours est fascinant à plusieurs égards. Elle a combiné la médecine traditionnelle chinoise avec la rigueur scientifique moderne, démontrant ainsi que l’innovation naît souvent de la convergence entre tradition et science. De plus, elle a mené ses recherches dans un pays en développement, prouvant que la détermination et la curiosité intellectuelle peuvent surpasser les barrières technologiques », dit-elle avec admiration.

Elle aimerait lui demander : « Comment Tu Youyou perçoit-elle aujourd’hui l’évolution du rôle des femmes dans la recherche scientifique en Chine et dans le monde ? Quels conseils donnerait-elle aux jeunes chercheurs, notamment aux femmes, qui aspirent à une carrière scientifique impactante ? »

Aux jeunes filles qui hésitent à se lancer dans le domaine scientifique, le Dr Vidushi Neergheen offre ces mots d’encouragement : « Chaque découverte, même petite, a un impact, et choisir cette voie, c’est participer à quelque chose de plus grand que soi. » 

Elle conclut avec un appel vibrant à la solidarité féminine à l’occasion de la Journée internationale des femmes : « Soyons des ambassadrices du progrès, de l’entraide et de l’égalité. Encourageons chaque femme à croire en son potentiel et à occuper sa place, que ce soit en science, en leadership, en entrepreneuriat ou dans tout autre domaine. Le changement ne repose pas uniquement sur les politiques ou les institutions, il dépend aussi de nos actions individuelles et collectives. Trop souvent, des barrières invisibles sont renforcées non seulement par des systèmes établis, mais aussi par un manque de soutien entre nous. Brisons ces dynamiques en valorisant la coopération plutôt que la compétition, en étant des mentors, des alliées et des modèles pour les générations futures. »

Expérience insolite

Sa carrière lui a parfois réservé des surprises. Lors d’une conférence au Zimbabwe en 2003, elle raconte à Le Dimanche/L’Hebdo avoir été étonnée de se voir servir des vers comestibles, une spécialité locale riche en protéines. Les a-t-elle mangés ? La scientifique sourit et affirme qu’à l’époque, cette pratique lui semblait insolite, mais ce qui semblait alors insolite est aujourd’hui reconnu comme une solution potentielle à la sécurité alimentaire. « Avec la pression sur les ressources naturelles, les insectes sont désormais reconnus pour leur valeur nutritionnelle et leur rôle potentiel dans la prévention des maladies. Ce qui paraissait autrefois surprenant est aujourd’hui au cœur des recherches en nutrition et en santé publique, illustrant la manière dont la science redécouvre et valorise les savoirs traditionnels », observe-t-elle.

Elle a dit…

Si vous pouviez inventer une technologie du futur, que serait-ce ?
Ce serait une technologie capable de créer un double et une version parfaitement synchronisée de soi-même pouvant effectuer certaines tâches en parallèle pour soutenir les femmes dans leurs multiples responsabilités, qu’il s’agisse de la vie professionnelle, de la recherche scientifique, de la gestion familiale ou des engagements personnels. 

Si vous deviez nommer un élément du tableau périodique en l’honneur d’une femme, quel serait son nom et pourquoi ?
Je choisirais le platine, car c’est un métal précieux, rare et extrêmement résistant, tout comme les femmes qui ont su s’imposer dans des disciplines scientifiques exigeantes malgré les obstacles. Il est utilisé dans des applications de pointe, de la médecine à l’industrie spatiale, illustrant l’apport essentiel des femmes à l’avancement des sciences et des technologies.

Quelle expérience scientifique résume le mieux le fait d’être une femme aujourd’hui ? 
Je dirais que c’est la catalyse en chimie. Un catalyseur est une substance qui accélère une réaction chimique sans subir de modification chimique permanente. Cette analogie est particulièrement pertinente car les femmes occupent une place essentielle dans les domaines de la recherche, de l’innovation et du leadership, contribuant ainsi à l’avancement tout en étant confrontées à la nécessité constante de démontrer leur légitimité.

Ces femmes démontrent de la polyvalence et de la résilience, évoluant au sein de contextes exigeants tout en étant parfois confrontées à un manque de reconnaissance. Cependant, leur influence est significative en accélérant les transformations et en préparant le terrain pour les générations à venir.

Si vous deviez expliquer l’égalité hommes-femmes avec une loi scientifique, laquelle choisiriez-vous ?
Je choisirais la loi de la complémentarité des bases dans l’ADN. Dans l’ADN, l’adénine s’associe toujours avec la thymine, et la cytosine avec la guanine. Ces paires complémentaires sont essentielles pour la stabilité, la réplication et l’intégrité génétique. Aucune base ne peut exister pleinement sans son partenaire spécifique et équivalent, garantissant ainsi la transmission de la vie. 

C’est une analogie idéale pour illustrer l’égalité entre les hommes et les femmes, car elle met en avant l’interdépendance, l’équilibre et la nécessité de chaque élément pour créer un système solide et fonctionnel. 

Si on remplaçait les stéréotypes de genre par des formules mathématiques, à quoi ressemblerait l’équation parfaite ?
Compétence + Travail + Opportunité = Succès, sans aucun coefficient de genre pour biaiser l’équation. 

Quel superpouvoir scientifique rêveriez-vous d’avoir pour affronter les défis du quotidien en tant que femme ? 
Ce serait celui de créer une machine à sous infinis pour générer automatiquement des financements destinés à la recherche et à l’innovation, tout en rendant leur gestion plus simple et transparente.

Dans le monde scientifique, l’accès aux ressources financières est souvent un défi majeur : trouver des fonds compétitifs, remplir d’innombrables dossiers administratifs, justifier chaque dépense et attendre des mois, voire des années, avant d’obtenir un financement. Cette complexité détourne les chercheurs de leur véritable mission.

Avec ce superpouvoir, la recherche ne serait plus limitée par des contraintes budgétaires et bureaucratiques. Les idées les plus prometteuses seraient financées instantanément sans paperasse inutile et avec une flexibilité qui permettrait aux scientifiques d’innover librement. Ce serait une avancée révolutionnaire pour accélérer les découvertes, soutenir les jeunes chercheurs et garantir que les solutions aux grands défis du monde ne soient jamais ralenties par un manque de moyens.

Quel objet scientifique symbolise le mieux la place des femmes dans la société aujourd’hui ? 
Plutôt que de représenter sa place par un objet unique, la femme est omniprésente tout comme certaines forces invisibles mais essentielles en science telles que l’énergie, la gravité ou encore l’ADN.

Selon vous, quelles mesures pourraient être prises pour protéger davantage les femmes des agressions et leur permettre de vivre pleinement dans l’espace public en tout sécurité ?  
Une meilleure éducation à l’égalité dès le plus jeune âge et peut-être un renforcement de la représentation féminine dans les instances décisionnelles sont nécessaires.

 

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