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Rapport nTan sur l’affaire BAI: les institutions de la haute finance pointées du doigt

La Banque de Maurice a rendu publique, vendredi 29 janvier, une version « épurée » du rapport de Ntan Corporate sur l’affaire BAI. L’affaire BAI n’est pas uniquement le fruit des agissements d’un groupe de personnes. Toutes les instances de la haute finance - dont les régulateurs et firmes d’audit en premier lieu - ont contribué à cette situation, un « Ponzi-like Scheme », comme le soulignent les rédacteurs du rapport. Instance régulatrice du secteur financier non-bancaire, la FSC a failli dans sa tâche. D’autant que le superviseur a été au courant des difficultés de la BA Insurance dès l’entrée en vigueur de l’Insurance Act. La législation, qui date de 2005, limite les participations financières d’un groupe au sein des compagnies associées. Donc, la BA Insurance entame des discussions avec la FSC pour améliorer sa position de solvabilité. Les experts de nTan ne peuvent s’empêcher de conclure que la FSC a été bel et bien au parfum du problème dès 2007 ou 2008. Même le Fonds monétaire international évoque la question dans ses rapports en 2007 et 2012. nTan s’interroge sur l’interprétation légale de l’Insurance Act par la BAI et la raison pour laquelle la FSC a accepté cette approche. Est-ce parce que le régulateur a eu une confiance excessive dans le nom « BAI » et l’assurance donnée en ce nom ? Après BA Insurance, c’est dans la supervision du Bramer Property Fund (BPF) que la FSC est sévèrement prise à partie. C’est le 28 janvier 2014 que la FSC octroie une licence au BPF, ce après plusieurs années de négociations. La licence est accompagnée d’une liste de conditions, empêchant BPF de lever davantage de fonds auprès des investisseurs existants et nouveaux. La direction de BPF présente à la FSC une feuille de route pour rembourser ceux ayant souscrit aux actions préférentielles. Au final, la FSC ne bouge pas le petit doigt, ce en dépit d’une série de lacunes dans la feuille de route et la solidité financière de BPF à respecter ses engagements.

La BoM s’est fait avoir

C’est dans le chapitre consacré à la Bramer Bank que le rôle et les responsabilités de la Banque centrale sont cités. Les rédacteurs du rapport affirment que le régulateur des activités bancaires s’est fait avoir en maintes occasions. Car la Bramer Bank a cherché l’autorisation de la Banque centrale pour une série de transactions. Elle a agi de manière différente. Qui plus est, la Bramer Bank n’a pas dévoilé toutes les données à l’instance régulatrice. Ce faisant, elle a pu dépasser les limites légales imposées par la Banking Act. « However, because of its incomplete and inaccurate disclosures to Bank of Mauritius (BoM), Bramer Bank was able to bring itself within the regulatory limits imposed by the BoM and therefore escaped the scrutiny of BoM ».

Les obligations de KPMG

Si, en tant qu’auditeur externe de BA Insurance, la firme KPMG aurait adopté une approche plus stricte après l’audit des comptes et rapporté l’affaire au régulateur, en 2010, la FSC aurait été en mesure d’intervenir plus tôt. Donc, elle aurait empêché l’injection des contributions des assurés dans le « Ponzi-like Scheme ». Dans le chapitre consacré à l’assureur BAI, la firme singapourienne reconnaît que les auditeurs de KPMG ont mis le doigt sur de risques conséquents auxquels a fait face la BA Insurance. N’empêche « notwithstandingt this, we note that KPMG gave un unqualified (or ‘clean’) opinion on BA Insurance’s financial statements for both FY 2010 and FY 2012 ». La firme nTan estime que KPMG aurait dû connaître ses obligations sous l’article 43 de l’Insurance Act 2005 pour faire remonter l’affaire à la FSC. Donc, s’interrogent les experts de nTan, quelles sont les assurances données et les représentations faites par la BAI pour que KPMG donne une « qualified opinion » sur les comptes audités pour les années financières 2010 et 2012 ? Est-ce que KPMG a contesté ces représentations ? Dans le même ordre d’idées, nTan se demande si KMPG n’aurait pas du relayer les aspects à la FSC ayant trait à la capacité de BAI de poursuivre ses activités, la solidité financière de l’assureur, la capacité de la BAI à respecter la limite de solvabilité, entre autres ? La firme KPMG n’a pas souhaité faire de commentaires.

BDO: aspects flous

C’est avec la même approche détaillée que les rédacteurs du rapport se concentrent sur le rôle de la firme BDO en tant qu’auditeur externe du Bramer Property Fund (BPF), autre entité du groupe BAI engagée dans un « Ponzi-like Scheme ». En sus du fait que BDO ait accordé une « unqualified audit opinion » sur le bilan financier 2014 du BPF, nTan relève des aspects flous : le respect des normes internationales d’audit dans leur analyse des actions préférentielles de BPF, comment BDO s’est dit satisfait des méthodes d’évaluation de la PBF pour les actions d’une société connue comme BAI Medical Centres Limited, et surtout si BDO a fait usage de son scepticisme dans l’audit des bilans de BPF.  

Le groupe se serait effondré en 2015

Le rapport nTan Corporate affirme que le groupe BAI se serait effondré sous le poids de ses pertes massives et ses passifs non viables. Au 31 décembre 2013, le groupe avait des pertes cumulées de Rs 12 milliards. « Through its various schemes, the BAI group was able to conceal its massive losses and its true financial position », écrivent les experts nTan. Avant de s’appesantir sur les détails, ces derniers affirment: ‘’What we can say is that in the course of our examination, we have identified clear instances of large sums of advances made to Mr Dawood Rawat and/or his relatives and associates and/or applied for his/their benefit. However, we have been unable to determine (due to the constraints noted therein) of parts of the funds (totalling at least some Rs 17,3 billion) channelled out of BA Insurance, BPF and Bramer Bank to the related parties in the BAI Group were ultimately paid to Mr Dawood Rawat and his relatives and associates and applied for their benefit.’’ Selon les experts de nTan Corporate, Dawood Rawat et ses proches et associés auraient obtenu quelque un milliard de roupies. Dans le rapport, ils énumèrent la liste des transferts vers le compte de Dawood Rawat. Ainsi, le défunt conglomérat BA Investment a versé Rs 387 millions de 2008 à 2014 sur un compte connu comme ‘’Chairman Current Account.’’ Ensuite, mention est faite des acomptes nets de Rs 280 millions à Seaton de BA Investment, des honoraires (technical fees) de Rs 98 millions vers BA Holding. À noter qu’il n’est pas confirmé si ces transferts sont de management fees, de commissions, d’investissements d’ordre professionnel ou de versements d’autre nature dans chaque cas. Les auteurs font état d’une société connue sous le nom de Longdale ayant une étroite relation avec le groupe BAI. Ils affirment que cette compagnie a été créée avec le seul objectif de faire avancer intérêts du groupe BAI et de Dawood Rawat. Ils affirment qu’une série de transactions a été effectuée le 14 novembre 2014 pour payer Rs 50 millions à Dawood Rawat.
 

Ramesh Basant Roi reconnaît une certaine indulgence de la BoM

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/div> Le rapport de la firme singapourienne nTan Corporate sur l’affaire BAI est un outil de référence pour l’ensemble du secteur financier de Maurice. A partir du rapport, on devrait s’attendre à un affermissement des législations. « La Banque de Maurice se veut être transparente. En rendant ce rapport public, nous voulons donner à notre juridiction sa crédibilité. Si nous avons un tel document en notre possession, il ne peut être gardé en toute confidentialité dans un tiroir. Ouvrons-le pour que le monde puisse prendre connaissance de son contenu et qu’on puisse en tirer des leçons », a affirmé Ramesh Basant Roi, gouverneur de la Banque centrale, lors d’une conférence de presse vendredi. La firme nTan a soumis son rapport à la Banque centrale le jeudi 27 janvier. Quand cette firme a été nommée, son cahier des charges consistait à faire la lumière sur les transactions entre l’assureur BAI Co. (Mauritius) Ltd, les sociétés apparentées, les actionnaires, les directeurs, la défunte Bramer Banking Corporation Limited et d’autres institutions financières. Et une des clauses du mandat était de soumettre un rapport qui serait publiable. Une version épurée est disponible sur le site de la Banque centrale. Le rapport ne contient aucun nom, à l’exception de celui de Dawood Rawat.

Valeur inestimable

« La valeur de ce rapport est inestimable pour Maurice. Pour moi, pour cette institution, pour les secteurs bancaire et financier, pour la population mauricienne », a fait ressortir Ramesh Basant Roi lors d’un point de presse. Le Gouverneur de la Banque centrale était entouré des membres du Board of Directors de l’instance régulatrice. Le version épurée, s’étirant sur quelque 90 pages, épingle la Banque centrale. Et Ramesh Basant Roi le reconnaît. Cependant, il estime que les critiques formulées contre la Banque de Maurice sur sa gestion du cas de Bramer Bank sont injustes. « Je pense qu’il y a eu une certaine indulgence. Je l’ai dit plusieurs fois. Et cette indulgence ne peut venir du personnel de la banque, mais des décideurs dans les plus hautes sphères de la banque », a expliqué le gouverneur de la Banque centrale. Dans le sillage du rapport nTan, le secteur des services financiers devrait se préparer à une série d’amendements aux lois relatives pour minimiser l’influence des principaux actionnaires sur le management des banques. « Chaque banque avec laquelle nous avions rencontré des problèmes avait des actionnaires majoritaires qui avaient une influence démesurée sur la direction, une influence souvent politique… À partir de maintenant, nous ne serons plus flexibles sur l’actionnariat des banques », a-t-il dit.
 

Réactions

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Benimadhu: pas de commentaire

Sunil Benimadhu, Chief Executive de la Stock Exchange of Mauritius, explique qu’il n’a pas encore lu le rapport nTan. À une question sur la surévaluation de la Bramer Bank avant son entrée en bourse, il a cependant souligné que cet exercice a été effectué par un ‘indépendant valuer’. Le Défi Quotidien a essayé en vain d’avoir les réactions de Marc Hein, président de la Financial Services Commission lors de la période sous examen par NTan, et de Rundheersing Bheenick, ex-Gouverneur de la Banque de Maurice.

BDO: « Tout a été dévoilé à la FSC »

La firme BDO, dans un communiqué émis à l’issu de la publication d’une version épurée de nTan Corporate, revient sur son rôle en tant qu’auditeur de la Bramer Property Fund (BPF), auquel la firme singapourienne accorde tout un chapitre. « Il est important de noter que les bilans financiers de n’ont jamais été consolidés avec aucune sociétés faisant partie du groupe BAI. Toutes les questions ayant trait à BPF ont été dévoilés et discutées en profondeurs avec le Board de la Financial Services Commission, le régulateur pour les compagmies d’assurances et des entités financières non-bancaires ». BDO précise que la nature de ces discussions sont sujettes à un accord de confidentialité entre une firme de services professionnels et le régulateur. La firme d’audit BDO tient à souligner que la FSC a cru bon de nommer Yacoob Ramtoola, Managing Partner de BDO en tant qu’administrateur spécial le 26 août dernier. « He has been discharging his duty accordingly and his main concern remains protecting interest of policyholder », conclut BDO.
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