Quels enseignements tirer de ces législatives ?
Peut-être le plus important des enseignements, c’est celui de l’espoir. Les résultats nous ont donné le droit à l’espoir. Ces résultats sans appel sont venus nous dire qu’il ne faut pas désespérer, et, comme ailleurs dans d’autres pays, toute tyrannie a une fin. Le pays avait vécu les 10 années les pires de son histoire, avec un pouvoir concentré dans une petite clique qui n’avait de compte à rendre à personne. Les résultats ont montré que c’est le peuple qui détient le vrai pouvoir, l’ultime pouvoir, et non pas un parti politique, locataire temporaire de l’Hôtel du Gouvernement. Ces résultats ont montré que le peuple est souverain. Ils ont également démontré que le peuple peut s’unir lorsque le « dominere » s’installe comme culture du pouvoir, quand sa liberté est menacée. Le peuple aura prouvé que l’argent n’achète pas sa conscience et qu’il existe d’autres principes, d’autres valeurs auxquelles il est attaché.
Avec ce 60-0, il n’y aura finalement que deux membres de l’opposition. Certains avancent que c’est une mauvaise chose pour la démocratie…
C’est notre démocratie à nous qui a voulu qu’il y ait une telle situation. Cela paraît difficile pour une opposition de 2 contre 60 d’opérer avec l’efficacité que l’on attend dans un système de démocratie parlementaire. Toutefois, cette situation n’est que l’expression de la volonté du peuple, qui s’est manifestée lors d’un exercice démocratique : les élections générales. C’est le système électoral qui nous livre une telle situation, où un parti politique ayant remporté 27 % des voix n’obtient que deux sièges à l’Assemblée nationale. C’est une aberration qu’aucun gouvernement n’a vraiment voulu éliminer.
Est-ce qu’un gouvernement de 64 membres (incluant les quatre Rodriguais) est tenable ?
Il faut préciser que les 64 membres n’exercent pas le pouvoir exécutif. Cela revient au Premier ministre, à ses ministres et aux PPS. Les 64 membres sont au gouvernement, mais ils n'en font pas tous partie. Dans une configuration où il y a 64 membres qui appartiennent au camp du gouvernement, on voit difficilement comment ce ne serait pas tenable. Et même s’il y a une dissension, un gouvernement qui a 50 % +1 des membres de l’Assemblée nationale qui le soutiennent restera au pouvoir. Dans la configuration actuelle, le Parti travailliste détient déjà cette majorité. Le gouvernement tiendra jusqu’au bout.
Quels pièges Navin Ramgoolam doit-il éviter ?
De manière générale, il ne doit pas faire les mêmes erreurs qui ont été commises par les Jugnauth pendant les 10 dernières années, et je crois qu’il en est parfaitement conscient. Il le répète dans tous ses discours avant les élections générales et même après. Il doit aussi éviter les pièges que lui tend la majorité numérique dont il dispose à l’Assemblée nationale. Il y aura de grands défis à relever au niveau du Parlement. Il faut revoir quelques aspects du fonctionnement du Parlement et la conduite des travaux par le Speaker, dans une configuration où il y a seulement deux membres de l’opposition et 64 membres du gouvernement. Nos procédures parlementaires et même les traditions parlementaires établies n’ont pas été conçues pour cette configuration. Il va falloir mettre en place un mode de fonctionnement du Parlement afin de le rendre démocratique. Sinon, ce sera un Parlement vide de sens, ou plutôt à sens unique. Il faut empêcher que le Parlement ne devienne une institution amorphe et monotone, où tout le monde parle dans la même direction. Il faut éviter qu’il ne devienne une « glorified press conference » des partis politiques au pouvoir. Une redéfinition de nos « Standing Orders » et de l’ensemble du « modus operandi » de notre démocratie parlementaire est urgente dans la nouvelle configuration à l’Assemblée nationale.
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