Pandit Ved Gopee: «Maurice est devenu l’Eldorado des pseudo-astrologues»

Plusieurs personnalités du milieu associatif hindou sont montées au créneau pour dénoncer les agissements de prétendus astrologues indiens qui proposent, en ce moment, leurs services aux Mauriciens. Des publicités ont paru durant ces derniers jours, dans lesquelles des astrologues vantent leurs capacités à guérir tous les maux qui affectent les Mauriciens, indépendamment de leurs communautés. Parmi leurs spécialités, on peut lire : « family matters, love problem, business problem, foreign travel et property issue », entre autres, Deux des astrologues joints au téléphone par Le Défi Plus assurent pouvoir régler ces problèmes durant des sessions tarifées entre Rs 200 et 300 chacune. Un troisième offre des services gratuits au départ, mais explique que dépendant de la gravité des cas, il pourrait réclamer « a little money ». Il nous assure : « You’ll be happy ». Réagissant à ces pratiques, Somduth Dulthummun, président de la Mauritius Sanathan Dharma Temples’ Federation (MSDTF), n’hésite pas à parler « d’escroquerie caractérisée qui devrait interpeller les autorités mauriciennes ». « Ces annonces ne contiennent aucune indication sur la formation de ces astrologues, aucun d’eux ne possède de diplômes. À Maurice, il existe des astrologues qui ont étudié à Bénarès, en Inde, dans une université très cotée en astrologie. L’astrologie est une discipline scientifique qui est étudiée, comme d’autres matières. Les Mauriciens qui ont fait des études en Inde jouissent d’une bonne réputation et sont crédibles. Mais, dans ces cas mentionnés ici, il s’agit de « pure escroquerie », car ces individus prétendent avoir des solutions à tous les problèmes et se cachent derrière des organisations socio-culturelles.Déjà on n’arrive pas à guérir certaines maladies, comment ces gens-là peuvent-ils prétendre nous apporter des solutions ? » se demande Somduth Dulthummun. Pour le président de la MSDTF, les autorités doivent se concerter avec les associations religieuses pour faire le ménage dans ce milieu « où tout le monde peut l’autoproclamer astrologue ». De son côté, Premnath Ramashir, membre du conseil national du mouvement Sai Baba, s’élève contre la récupération du nom et de l’image du saint indien à des fins mercantilistes. Dans son annonce, un des astrologues, qui se fait surnommer Pandit Jaydev Ji, s’est prévalu du parrainage du Sri Sai Baba Astronomy Centre. « Le Sai Baba est fondamentalement opposé à l’astrologie, fait observer Premnath Ramashir. Nos enseignements mettent l’accent sur la capacité des individus à se réaliser par leurs propres moyens et au sein du collectif. À nos yeux, si comme l’astrologie l’affirme, il est possible de connaître son destin, cela signifierait que tout est déterminé et les individus seraient enfermés dans un piège sans issue. Ce n’est pas là notre point de vue. » Cette affaire, explique Premnath Ramashir, sera soulevée durant le prochain conseil du mouvement.

L’échec des temples

Le pandit Ved Gopee, directeur de la Sanatan Holistic Vidhya Academy et membre du Conseil des Religions, attribue cette « prolifération de diseurs de bonne aventure » à l’échec des temples, dans leur fonction sociale, depuis que le pays connaît de profondes mutations sociales, économiques et culturelles. « Dans un tel contexte, lorsque des individus rencontrent des obstacles de différentes natures et lorsque le prêtre ne leur donne pas de réponse, ils se tournent vers des pseudo-astrologues. Depuis ces dernières années, Maurice est devenu un véritable eldorado pour ces gens qui ne possèdent aucune maîtrise de l’astrologie. Il faut savoir que l’astrologie fait partie des Vedas. Dans toutes les familles hindoues, on recourt à un prêtre à l’occasion d’une naissance ou d’un mariage, mais encore faut-il que celui-ci maîtrise l’astrologie », fait observer le pandit Gopee. S’il faut trouver un responsables, dit-il, il faut se tourner vers l’État, qui délivre des permis de travail aux étrangers. « À quel titre, ces gens-là ont obtenu leurs visas et qu’ont-ils indiqué comme profession sur leurs formulaires à leur arrivée ? Dans d’autres pays, ces conditions sont scrupuleusement passées à la loupe. Mais pas à Maurice », fait observer le pandit Ved Gopee. Du point de vue légal, cette pratique est rendue possible grâce à un vide juridique. Interrogé, un homme de loi fait ressortir que ce type d’annonces est légal et elle devient un délit s’il y a preuve d’escroquerie. « Mais encore faut-il pouvoir le démontrer, nuance-t-il. Mais les pseudo-astrologues savent que les victimes n’iront pas payer les services d’un homme de loi pour exiger des dommages. Ils connaissent le profil de leurs clients, qui sont souvent dans le dénuement matériel, désespérés et qui sont convaincus que leur dernière chance est de faire appel  aux services d’un individu détenant des pseudo-pouvoirs. Ce sont des cas aux contours mal définis. Les associations de consommateurs doivent mettre le public en garde contre ces pratiques abusives », dit-il.