Les Mauritius Meteorological Services ont une fois de plus essuyé une pluie de critiques en raison de leurs prévisions « approximatives » concernant le temps qui allait prévaloir le lundi 15 janvier 2024. Ces prévisions ont entraîné le départ « forcé » du directeur, Ram Dhurmea.
Rien ne va plus aux Mauritius Meteorological Services (MMS). Une fois de plus, les services météo ont été critiqués, tant par le gouvernement que par une partie de la population, cette fois-ci en raison des avertissements « tardifs » du passage en classe 2 et de l'avertissement de classe 3 peu de temps après.
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Cette situation a provoqué un chaos inimaginable à Port-Louis, avec des rues inondées et des véhicules entassés les uns sur les autres, mettant en péril la vie de leurs occupants. Deux décès sont à déplorer, deux motocyclistes, l’un à Pailles et l’autre à Tamarin, tous deux tentant de rentrer chez eux sous de fortes averses.
Est-ce que cela aurait pu être évité ? « Oui », à en croire Vassen Kauppaymuthoo, océanographe et ingénieur en environnement, ainsi que les syndicalistes, entre autres.
Même erreur
Pour l’océanographe, « les vrais professionnels doivent pouvoir tenir leurs points de vue et les défendre ». Ainsi, il n’y aurait jamais eu d’ambiguïté dans les informations données et chacun aurait eu à assumer ses responsabilités. Vassen Kauppaymuthoo affirme que le directeur des MMS a les pleins pouvoirs dans les prises de décision en ce qui concerne la météorologie. Cependant, il semble qu'une décision a été prise concernant l'émission des alertes cycloniques. « En prenant la décision de rester en classe 1 dans la matinée du lundi 15 janvier, une erreur a été commise mettant la vie de beaucoup de personnes en danger », dit-il.
Selon lui, les MMS n’ont pas pris en compte l’évolution de la situation météorologique en se basant uniquement sur le fait qu’un cyclone engendre beaucoup de vents, sur lesquels est basé le système d’avertissement avec des « classes » en fonction des vents attendus. Les submersions marines avec des marées astronomiques et des ondes de tempête n’ont pas été prises en considération, explique Vassen Kauppaymuthoo. « Le cyclone Belal n’était pas un cyclone impressionnant, il était de catégorie 1 ou 2 et a été rapidement rétrogradé après son passage à proximité de Maurice dans la nuit du 15 au 16 janvier », affirme-t-il.
Ainsi, avec les fortes averses qui se sont abattues sur Maurice, une « coastal squeeze » s’est produite, le niveau de la mer montant et empêchant l’eau des rivières et des systèmes de canalisation de s'évacuer convenablement, souligne Vassen Kauppaymuthoo. « C’est un phénomène qui ne s'est jamais produit à Maurice », affirme-t-il. C'est similaire à ce qui s’est passé le 30 mars 2013 lorsque les MMS n’avaient pas pris en considération la submersion marine, selon lui. Pour l’océanographe, la même erreur s’est répétée lors du passage du cyclone Belal, où « le risque d'inondation a été sous-estimé ».
Intégration des données
Selon Vassen Kauppaymuthoo, les différentes données disponibles ne sont pas intégrées avant la rédaction d’un bulletin météorologique, malgré les compétences des divers spécialistes aux MMS, mais aussi des diverses autorités, dont la Land Drainage Authority (LDA), dit-il. « Avec le changement climatique que nous subissons, il est essentiel d'intégrer toutes les données », dit-il.
Pour lui, on ne peut parler de cyclone sans parler d'océanographie, de pluies torrentielles et de tout autre phénomène climatique. « Tout est lié », souligne l’expert.
À en croire l’intervenant, aucune leçon n’a été tirée des différentes situations que le pays a connues dans le passé, avec des inondations à Port-Louis ou encore à Fond-du-Sac et Cottage, entre autres. À la suite des diverses « flash floods » que le pays a connues, dont celle du 26 mars 2008 à Mon Goût et du 30 mars 2013 à Port-Louis, plusieurs mesures devaient être prises, notamment l’aménagement et le rehaussement de drains dans diverses régions. Si, dans un premier temps, cela a permis d'atténuer la situation, il va sans dire que le pays n'avait pas connu d'aussi fortes averses depuis, en dépit des quelques épisodes passagers de ces dernières années.
Il est à constater que les mesures plus drastiques, telles que la démolition des structures du canal du Ruisseau du Pouce ainsi que celle d’un établissement de restauration rapide, n’ont pas été effectuées jusqu’à présent. Cela, malgré les recommandations du rapport de l'enquête judiciaire de la magistrate Ida Dookhy-Rambarun, après le décès de 11 personnes le 30 mars 2013 dans la capitale. Un « Pull down Order » aurait dû être émis, avait affirmé l'ancien lord-maire, Mafooz Cadersaib, au Défi Quotidien en janvier 2023.
« Il y a une responsabilité collégiale à assumer par rapport aux événements du 15 janvier, comme c'est le cas pour le Conseil des ministres », ajoute Vassen Kauppaymuthoo. Ainsi, le président du National Emergency Operations Command (NEOC) ne peut se cacher derrière le fait qu’il a mal été informé. L’océanographe est même d’avis qu’il aurait dû démissionner de son poste. Selon lui, outre les informations du MMS, d'autres données doivent également être prises en considération, selon les informations fournies par les autres organismes siégeant au sein du comité, notamment la situation sur le terrain.
Échec total des services météorologiques et du NEOC
« Les MMS ont lamentablement échoué et failli au test de la mise en place du système d'alerte et du test cyclonique », affirme Vassen Kauppaymuthoo, qui se dit « très inquiet » pour la suite si aucune mesure corrective n'est prise. « Belal a été un petit système assez faible et peut être classé de catégorie 1 ou 2. Mais il a quand même causé de nombreux dégâts en raison de la mauvaise gestion de la situation à divers niveaux, dont celui du système d'alerte, pendant le désastre pour secourir les personnes, entre autres », explique-t-il.
Il est d’avis que le pays n’est pas prêt à affronter un autre cyclone et qu’il faut s’activer afin de mettre en place des services et un système d’alerte efficaces qui prennent en compte tous les changements survenus avec le réchauffement climatique. Le pays pourrait être confronté à des cyclones bien plus violents que Belal, qui n'a fait qu'effleurer l'île tout en occasionnant de nombreux dégâts. « Le cyclone Belal nous a montré à quel point notre système est défaillant à plusieurs niveaux dont le NEOC. Il faut revoir le système d'alerte et de protection civile », dit Vassen Kauppaymuthoo.
Il croit également que le directeur de la Météo ne doit pas être un nominé politique mais un scientifique neutre capable de défendre ses idées. Son recrutement doit être basé sur des critères de qualifications, souligne-t-il.
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