Le ministre de l’Agro-industrie révèle avoir été dans l’incapacité de joindre le chef commissaire de Rodrigues. La maladie s’est déclarée à Rodrigues sous contrôle de l’Assemblée régionale, et celle-ci a permis l’embarquement de bêtes infectées vers Maurice, malgré une interdiction des services sanitaires.
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Vous avez été le directeur financier d’un élevage de singes par le passé. Est-ce la première fois que vous faites face à une épizootie de l’envergure de la fièvre aphteuse qui s’est abattue sur Rodrigues avant de se répandre à Maurice ?
C’est la toute première fois. Le bassin de l’océan Indien a toujours été épargné par la fièvre aphteuse bien qu’elle se soit déclarée dans des régions proches, à l’instar de l’Afrique du Sud. Il y a quelques années, nous avons toutefois eu à faire face à la grippe porcine. Plusieurs bêtes ont dû être abattues.
« Ne polémiquons pas. Il faut impérativement tirer une leçon de ce qui s’est passé afin que cette situation ne se reproduise pas. »
Comment la fièvre aphteuse a-t-elle pu se déclarer à Rodrigues ? Pourtant, on est bien loin du Maroc et de l’Inde, où elle a sévi… Que disent les experts sur la souche de l’épidémie ?
La fièvre aphteuse est un virus. Elle se transmet par contact direct. Si elle n’est pas disséminée par un animal, elle peut être provoquée par la viande crue. À Maurice, nous avons, de tout temps, imposé un contrôle sanitaire strict sur le bétail ou des produits d’origine animale provenant de pays à risque. J’ai posé la question aux services vétérinaires du ministère de l’Agro-industrie pour savoir comment Rodrigues a pu être touchée. Le dernier transfert de bétail de Maurice vers Rodrigues remonte à septembre 2015. Maurice ne peut donc être mise en cause.
Il y a la possibilité qu’un bateau de plaisance ou un yatch ayant mouillé à Rodrigues ait transmis la maladie à travers la viande crue à bord. Sept variantes de la maladie existent et nous avons pu confirmer jeudi, grâce aux analyses réclamées en Afrique du Sud, que la maladie provient de ce pays. Les résultats des analyses conduites en France tomberont ce samedi.
Les vaccins du Botswana seront-ils utiles ?
Oui. Les 10 000 doses sont adaptées pour cette souche. La campagne de vaccination va débuter ce samedi dans un rayon de trois kilomètres autour de la ferme infectée de Vallée-des-Prêtres, afin de sauver les bêtes soupçonnées d’être contaminées.
Un total de 60 fermes a été recensé dans cette région, de même que des éleveurs illégaux de porcs qui devront en payer les conséquences. Sur les 600 à 800 bêtes dans la zone, 353 bœufs, chèvres et moutons ont été abattus à jeudi. Les plus jeunes devront être éliminés, toutefois les adultes pourront être de nouveau sur pied après la vaccination. L’opération prendra au moins une semaine.
L’Inde procède actuellement à un programme de vaccination dans 16 de ses états. Le gouvernement a-t-il sollicité le concours de New-Delhi dans ce cas précis ?
À ce stade, nous nous sommes tournés vers la Food and Agricultural Organisation ainsi que vers la Commission de l’océan Indien pour une aide technique et financière pour l’accompagnement des éleveurs. À Maurice comme à Rodrigues. J’espère avoir une réponse favorable.
En attendant, je serai à Rodrigues ce week-end pour évaluer la situation, discuter d’un programme de vaccination et du soutien qu’on pourra apporter aux éleveurs. Un retour à la normale sera un travail de longue haleine. Il faudra suivre l’évolution de l’épizootie avant de permettre de nouveau l’exportation du bétail rodriguais vers Maurice.
Pourquoi Port-Mathurin a-t-il permis l’embarquement du bétail vers Port-Louis le 30 juillet, malgré la mise en garde des services vétérinaires de votre ministère ? A-t-on simplement voulu faire l’impasse sur une directive parce qu’elle émanait de Maurice ?
Je suis dans l’incapacité de vous répondre. Un Fact-Finding Commitee devra situer les responsabilités. Les instructions étaient pourtant très claires.
La Commission de l’Agriculture à Rodrigues déclare que la maladie n’avait alors pas encore été confirmée. Qui a le dernier mot ?
Des tests menés localement n’avaient rien donné. Mais l’épidémiologiste du Réseau de veille sanitaire de la Commission de l’océan Indien dépêché sur place avait déjà diagnostiqué la maladie. Mention est faite de son avis dans la correspondance adressée par le chef vétérinaire de Maurice aux autorités rodriguaises.
Les autorités rodriguaises n’ont-elles pas réceptionné le fax ?
Il s’agissait d’un courrier électronique. La personne à qui il été adressé a même accusé réception. Je ne veux pas pointer du doigt qui que ce soit. Laissons le Fact-Finding Commitee faire son travail. Ne polémiquons pas. Il faut impérativement tirer une leçon de ce qui s’est passé afin que cette situation ne se reproduise pas.
Ça aurait pu être une maladie aux conséquences bien plus graves… Soyons sérieux. Ne soyons pas cavaliers et prendre des directives à la légère car c’est l’intérêt commun de la République qui est en jeu. Nous allons offrir à Rodrigues tout notre soutien, afin de limiter la casse.
Pourquoi le Comité exécutif de Rodrigues a-t-il décidé d’abattre 4 500 bêtes ? Combien les contribuables vont-ils devoir payer en matière de compensation aux éleveurs ?
Au moment où l’épidémie a été localisée, la méthode d’abattage semblait être la meilleure pour contenir la transmission. Malheureusement, aujourd’hui, c’est toute l’île Rodrigues qui est en quarantaine. Les animaux sont élevés hors enclos. Compte tenu de tous ces paramètres, nous recommandons la vaccination à l’abattage massif.
En ce qui concerne la compensation, l’Assemblée régionale a déjà décidé d’un barème. Il faudra faire le compte à la fin de l’exercice d’abattage et de vaccination. Encore une fois, nous sommes pour une vaccination en masse.
Et combien coûtera l’incapacité d’exporter du bétail vers Maurice pour une durée de trois ans ?
Une évaluation devra être faite. Rien que l’an dernier, 7 000 têtes de bétail ont été importées de Rodrigues. Le délai de trois ans repose sur le programme de vaccination qui doit être menée pour éradiquer la fièvre aphteuse. Le gouvernement va apporter tout son soutien à l’Assemblée régionale pour des mesures d’accompagnement en faveur des éleveurs locaux.
Des vidéos sur les réseaux sociaux montrent l’abattage inhumain du bétail à Rodrigues. Est-ce la raison de votre déplacement dans l’île ? Ou parce que le commissaire à l’Agriculture ne communique pas suffisamment avec vous ?
J’ai été informé que des abattages atroces ont cours à Rodrigues. Je condamne cette manière de faire. Il y a un protocole, il doit être respecté. J’attends à ce que les deux vétérinaires dépêchés sur place soient en train de donner les consignes pour que les bêtes malades soient endormies au préalable.
Avez-vous été en contact avec Serge Clair, chef commissaire à l’Agriculture ?
J’ai été en contact quotidien avec Francisco François, le Parliamentary Private Secretary de Rodrigues. Malheureusement, je n’ai pas pu entrer en contact avec Serge Clair. Je pense qu’il doit être pris avec les réunions de crise et qu’il doit être au four et au moulin. J’ai personnellement essayé de le joindre, en vain.
Les chiens et les chats ne sont pas concernés par l’épidémie. Mais ils peuvent la propager. Qu’est-ce qui est fait pour éviter une autre bourde ?
Des mesures ont été prises. Nous avons invité les propriétaires des fermes contaminées à limiter l’accès aux bêtes malades. Le directeur de la Mauritius Society for Animal Welfare sera à Rodrigues avec moi. Nous allons voir comment il pourra aider les autorités rodriguaises pour contenir la propagation de la fièvre aphteuse. À Maurice, le ramassage de chiens errants à proximité des foyers d’infection se poursuit.
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