Pas un délit absolu
Les deux juges ont d’abord souligné que le cas de Pravind Jugnauth est le premier appel entendu par la Cour suprême sur le délit de conflit d’intérêts sous l’article 13 (2) et 13 (3) de la loi-cadre de l’Icac, la Prevention of Corruption Act ( PoCA). Sur le fond, ils ont souligné que Pravind Jugnauth n’a pu agir en connaissance de cause. La Cour suprême s’est dit d’accord avec certains arguments avancés par la Britannique Clare Montgomery, Queen’s Counsel, avocat de Pravind Jugnauth. Le chef juge Matadeen et le juge Caunhye ont statué que les magistrats de la Cour intermédiaire se sont trompés en procédant sur le fait que le délit de conflit d’intérêts soit un délit absolu, évacuant la possibilité que l’accusé puisse plaider la bonne foi. La Cour a mis en avant la ligne de conduite de Pravind Jugnauth en marge de la transaction litigieuse. La Cour suprême a conclu que le leader du MSM est intervenu après que la compagnie MedPoint Ltd eut été choisie pour le projet de l’hôpital gériatrique. Ils ont ajouté qu’il a non seulement déclaré ses intérêts mais a évité de participer à l’étape cruciale de l’affaire (le 5 mars et le 18 juin 2010) lors des réunions du Cabinet ministériel sur le projet de l’hôpital gériatrique. « The evidence also shows that the appellant did not participate and was not involved in any steps in the decision making process concerning the procurement, valuation or award of the contract (…) Having formally abstained from dealing with the matter on previous occasions when he was aware that MedPoint Ltd was involved, it does not stand to reason that he should have deliberately got himself involved on this occasion », font ressortir le chef juge et le juge Caunhye dans leur verdict. Dans un autre extrait du jugement, ils ont souligné : « (…) The act of approving the reallocation of funds was merely to effect payment of an amount to which MedPoint was already entitled to in law and the decision of the appellant therefore did not affect MedPoint Ltd’s right to payment. It related only to the internal choice of the drawer or fund within the ministry from which was already due was to be effected », ont souligné le Chef juge et le juge Asraf Caunhye en guise de conclusion. Mercredi, Pravind Jugnauth était représenté par un panel d’avocats comprenant Raouf Gulbul, Ravin Chetty et Désiré Basset (Senior Counsel) et par l’avoué Sharmila Sonah-Ori. La commission anticorruption était représentée par Homanaaden Ponen et l’avoué Sultan Sohawon. Medaven Armoogum et Ram Rammaya représentait le bureau du Directeur des poursuites publiques (DPP).Cliquez ici pour lire le jugement dans son intégralité
Me Homanaaden Ponen: « La question d’appel pas encore décidée »
Homanaaden Ponen, avocat de l’Icac, soutient que la commission n’a pas décidé si elle fera appel du jugement. Il s’est refusé à davantage de commentaires. « No comments », a-t-il déclaré.Les points rejetés en appel Quatre des sept points évoqués par Pravind Jugnauth ont été rejetés par la Cour suprême. Le leader du MSM avait soutenu que la charge de conflit d’intérêts contre lui a été logée plus de deux ans après le délit allégué. Il invoquait ainsi une protection sous l’article 4 de la Public Officers’ Protection Act. Un argument que la Cour suprême a rejeté. Sentence Pravind Jugnauth avait contesté sa sentence de 12 mois de prison. Or, ce point a été abandonné par ses avocats au vu des développements intervenus dans la jurisprudence mauricienne. Le jugement ‘Bajan v The State’ prévoyait qu’une personne ne pouvait faire appel de sa sentence, tout en acceptant de faire des travaux communautaires. Or, un ‘full bench’ de la Cour suprême a renversé cette décision, le 8 septembre 2015, dans l’affaire ‘Beegoo v The Independent Commission Against Corruption’. Une personne peut désormais accepter d’effectuer des travaux communautaires tout en faisant appel de sa sentence. Cabinet Memo 250 Le Cabinet Memo 250 était la genèse de l’affaire MedPoint, car c’était à travers ce document que le projet d’hôpital gériatrique avait été présenté au Conseil des ministres. Or, ce document n’a jamais été produit en Cour. Pravind Jugnauth avait souligné la pertinence de ce document et avait indiqué que son absence dans le dossier à charge constitue une entrave à ses droits constitutionnels. Mais la Cour suprême note que même l’Icac n’a pas en sa possession le Cabinet Memo 250 et qu’il serait injuste et déraisonnable de l’obliger à l’obtenir. Décision administrative Le leader du MSM avait soutenu que sa signature sur un document autorisant le virement des Rs 144,7 millions ne peut être assimilée à une « décision ». C’était purement administratif, car le Conseil des ministres avait décidé de faire l’acquisition de la clinique MedPoint. La Cour suprême a toutefois conclu que cet argument ne peut tenir et a maintenu que Pravind Jugnauth a participé à la prise de décision en sa capacité de ministre des Finances en apposant sa signature sur le document en question.
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