Jerry Lai Cheong King, qui purge une peine de quinze ans de prison, a décroché un BSc en Business Management avec distinction. Portrait.
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Avec ses lunettes, ses cheveux gominés, Jerry Lai Cheong King a l’air d’un étudiant frais émoulu de l’université. Son corps sculptural forgé par des heures de sport, c’est un détenu qui purge une peine de quinze ans de prison pour une affaire de drogue. Son compagnon de cellule Eshan Dotip et lui ont décroché leurs diplômes de l’Open University après trois ans d’études.
Eshan a décroché un BSc Second Class First Division tandis que Jerry s’est classé premier à Maurice et a obtenu une distinction en Business Management avec spécialisation en marketing.
Jeudi dernier à l’auditorium Octave-Wiehe, Jerry Lai Cheong King avait le sourire. Il conversait avec son Eshan Dotip à voix basse avant d’être conduit dans la salle. La tête haute, il jette un coup d’œil vers sa famille. Il est fier de sa réussite. Appelé pour recevoir son diplôme, il s’avance d’un pas lent et serre les mains du Dr Kaviraj Sharma Sukon, directeur général de l’Open University, qui le félicite. Il reprend sa place aux côtés des autres étudiants et lève le pouce vers sa fille.
La vie de Jerry est un conte qui peut inspirer des cinéastes. Il a été étudiant au collège Royal de Port-Louis. Son père Sylvio et sa mère Siou Lin fondaient beaucoup d’espoir sur lui. Après ses études secondaires, il s’envole pour l’université de Durban en Afrique du Sud et y entame des études de Fashion and Design.
Après ses études, il rentre à Maurice pour prendre de l’emploi comme manager dans une usine de textile. Il avait l’espoir qu’un jour lui aussi serait directeur d’une grosse entreprise. En 2002, il allait voir son rêve s’envoler. Il se fait arrêter pour une affaire de drogue et il est condamné à 45 ans de prison.
Marié et père d’une petite fille, sa femme l’abandonne et confie la garde de sa fille à ses parents. Il entame des démarches et bénéficie de 30 ans de remise de peine. Il reprend alors goût à la vie.
Pour meubler le temps à la prison, il s’adonne à la lecture et pour garder la forme, il fait du sport. Il développe un corps d’athlète de haut niveau. Il s’engage dans plusieurs associations à la prison et vient en aide aux détenus qui veulent s’instruire.
Avec Eshan Dotip, il est très actif à tous les niveaux. L’administration pénitentiaire les considère comme des modèles de réinsertion réussie. Ils écrivent une lettre au commissaire de prison d’alors Jean Bruneau pour faire part de leur désir d’entamer des études universitaires. Avec l’appui des autorités, ils bénéficient d’une bourse de trois ans de l’Open University.
Jerry explique qu’au début c’était difficile à cause des conditions à la prison. Mais la volonté de réussir était plus forte que tous les obstacles sur leurs chemins. Chaque semestre un chargé de cours les rendait visite pour suivre leur progression. La prison leur procurait des facilités, dont un ordinateur chacun et un espace personnel pour étudier dans la tranquillité. Parfois sous escorte et discrètement, ils se rendaient à l’université pour des recherches.
Maintenant qu’il a réussi avec tous les honneurs, Jerry espère un geste de la présidente de la République pour une dérogation. Normalement il devait sortir de prison en janvier 2017, mais il souhaite fêter cette année la Noël et le prochain Nouvel An en famille.
Il remercie du fond du cœur tous ceux qui l’ont soutenu. La liste est trop longue pour citer des noms. Il n’oublie pas Jean Bruneau qui a été comme un père pour lui. Il a des mots élogieux pour les « lecturers », les officiers de prisons, et l’actuel commissaire Vinod Appadoo.
« Ce sont des hommes d’honneur qui font la fierté de notre société », dit-il.
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