Interview

Dr Zouberr Joomaye: «Il faut augmenter le nombre de médecins dans les hôpitaux»

Dr Zouberr Joomaye
La question du nombre de césariennes a interpellé la commission Santé du MMM. Mais c’est aussi l’ensemble de la gestion du ministère dirigé par Anil Gayan qui est décrié. Le Dr Zouberr Joomaye, nous en parle. Le nombre de césariennes a interpellé la commission Santé du MMM et a fait l’objet d’une question au Parlement la semaine dernière. Existerait-il des abus au niveau du recours à cette pratique ? Le nombre de césariennes qui sont pratiquées à la fois dans les hôpitaux publics et les cliniques privées à Maurice est nettement plus élevé de ce qui se fait en Europe. En Grande-Bretagne et en France le nombre est de 20 % des naissances. À Maurice, le taux est au-dessus de 40 %  et dans le privé au-dessus de 50 %. Comment expliquez-vous cette situation ? Il y a une dérive multifactorielle. Le plus grand responsable est le ministère de la Santé. C’est vrai qu’il ne peut interférer dans le cas par cas, mais il faut qu’il y ait des normes et des paramètres établis. Tous les médecins et gynécologues ont les indications pour une césarienne mais il faut qu’il y ait des « guidelines » spécifiques.  Là  où  il  y  a des dérives dans les hôpitaux publics c’est entre 15 heures et 17 heures où un plus grand de césariennes est pratiqué. Pourquoi ? Certains gynécologues préfèrent accoucher une patiente par césarienne avant de partir probablement parce qu’ils ont autre chose à faire que de revenir et attendre que la patiente accouche par voie normale, ce qui peut prendre une ou deux heures ou toute la soirée. Comment faire face à cette situation où la plupart des césariennes sont pratiquées en fin de journée ? Une des propositions serait la création d’un poste de Registrar qui se situe entre le poste de médecin généraliste et celui du spécialiste. Il est inconcevable à notre époque qu’il n’y ait pas de gynécologues présents dans les hôpitaux du service public après 16h00. Le ministère de la Santé pourra arguer qu’il y a un gynécologue en permanence, mais la réalité est toute autre, à notre avis. Au-delà de la polémique, je souhaite qu’il y ait une vraie réflexion dans l’intérêt de la femme mauricienne. Le désir d’accoucher par une césarienne ne viendrait-il pas des patientes  pas assez préparées pour un accouchement normal ? C’est multifactoriel comme je disais parce que c’est lié à la faute du ministère de la Santé qui n’a pas défini les paramètres, des dérives de la part de certains médecins qui préfèrent faire des césariennes que de laisser une chance à la femme d’accoucher normalement. Il y a  aussi la responsabilité de la patiente qui opte pour une anesthésie générale pour subir une césarienne  plutôt que d’accoucher normalement pour ne pas faire face à la douleur ou à l’appréhension. D’où la nécessité d’entamer une réflexion pour donner un cadre légal et établir des paramètres de travail  pour les  gynécologues des hôpitaux publics et privés.  Il faut qu’il y ait plus de communication en terme de suivi anténatal et une communication par rapport à l’accouchement par voie normale et par césarienne . Mais aussi les risques qui y sont associés comme pendant l’anesthésie ou des complications post-opératoires. Il faudrait que la femme soit clairement informée. Elle donne ainsi son consentement éclairé. En cas de complication à l’intervention elle assumera pleinement la responsabilité. Est-ce qu’il faudrait plus de sages-femmes ? Oui et qu’elles soient plus orientées vers la communication. Il faut des consultations avec les sages-femmes ce qui n’existe pas actuellement. Elles ont un rôle très important dans l’encadrement d’un accouchement pour recevoir les patientes afin de leur donner les informations, les transformations du corps de la femme au moment de la grossesse jusqu’à l’accouchement. Le Dr Praveen Ramdaursing a soutenu sur Radio Plus jeudi dernier que certains gynécologues ont recours à la césarienne en guise de médecine défensive, c’est-à-dire pour éviter d’éventuelles poursuites en cas de problème à l’accouchement. Vos commentaires ? C’est vrai, certains médecins font de la médecine défensive surtout lors des accouchements mais c’est le rôle des autorités de veiller à la fois à l’intérêt des patients mais aussi des médecins afin qu’ils se sentent à l’aise dans la pratique de la médecine. Passons au recrutement des médecins généralistes qui fait polémique. Qu’en pense la commission Santé du MMM ? Nous demandons l’annulation de cet exercice de recrutement afin d’effectuer un autre basé sur les précédentes interviews effectuées par la Public Service Commission en 2014 et 2015. Par rapport au programme gouvernemental et au discours budget, il a été dit qu’une centaine de médecins devaient être recrutés sur une base permanente mais là ce sont seulement 60 qui ont trouvé un emploi sur une base contractuelle. Il y a un manque de personnel dans les hôpitaux et de médecins. On ne réfléchit pas assez à la qualité de la médecine qu’on veut dispenser. Un patient est vu pour une minute par médecin dans les hôpitaux. En une minute il ne peut pas écouter, diagnostiquer et donner un traitement. Pour améliorer le service il faut augmenter le nombre de médecins. Le ministre Gayan dit pourtant que tous ne peuvent trouver de l’emploi à Maurice et leur indique le contient africain… Il est en train de noyer le poisson. Une consultation doit durer 12 à 15 minutes. Si on fait cela dans les hôpitaux publics il y aura une révolution. C’est pour cela que je dis qu’il faut augmenter le nombre de médecins dans le service public afin qu’il y ait une bonne interaction entre patients et médecins. Je pense que l’État a les moyens pour recruter les 450 médecins chômeurs à Maurice. Il faut juste réorganiser le système de santé et optimiser le service et en finir avec le gaspillage.
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  • Leal

 

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