Interview

Délinquance juvenile - Me Nushumi Balgobin-Kandhai: «Il est temps de créer un tribunal pour enfants»

L’avocate aborde le sujet de jeunes délinquants. Pour elle, un mineur est vulnérable et a besoin d’être protégé et puni si besoin est. Me Nushumi Balgobin-Kandhai est d’avis qu’il est temps de créer un tribunal pour enfants. Les structures familiales et sociales, dit-elle, ont considérablement évolué et ont perdu de leur stabilité. Un adolescent de 17 ans est accusé d’avoir tué deux personnes, dont une jeune fille de 14 ans et sa grand-mère de 54 ans. Il aurait aussi agressé un garçonnet de 10 ans avant d'attenter à ses jours. Comment se passe le procès d’un mineur en cour ? Quels sont ses droits ? Je ne commenterai pas sur ce cas précis, vu qu’il y a une enquête en cours. Cela dit, la majorité pénale s'applique à 18 ans. Dans le cas d’un mineur âgé entre 14 à 17 ans, il est, selon la ‘Juvenile Offenders Act’, une « young person ». Certes, à l’âge de 17 ans, l’auteur d'un crime est présumé avoir une responsabilité pénale. C'est-à-dire qu’il a la maturité affective, psychologique et intellectuelle nécessaire pour commettre une infraction pénale. Vu que notre pays est un État signataire de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant 1989 (CIDE), le mineur jouit pleinement des droits fondamentaux. Ainsi, il est présumé innocent et a droit à l'assistance d’un avocat dès le début du processus. Il doit être informé, dans une langue qu’il comprend dans le plus bref délai, des accusations portées contre lui. Il aura droit de participer à son procès. Le délai entre la commission de l’infraction et la sentence doit être court. Le cas d’un mineur est normalement traité avec diligence par les autorités concernées. Cependant, une cour de district peut se transformer en une ‘Juvenile Court’. En principe, le procès d'un mineur se déroule à huis clos. Donc, l’accès au public est interdit. L’enfant a droit au plein respect de sa vie privée à tous les niveaux de la procédure. Aucune information pouvant mener à l’identification de l’enfant délinquant ne doit être publiée au risque d’aboutir à sa stigmatisation et compromettre sa sécurité.
La majorité du prévenu sera-t-elle prise en compte au moment du procès ? Quel que soit l'âge de l’enfant au moment des poursuites, c'est l'âge au moment des faits commis qui est pris en compte. Si toutefois, il a atteint ses 18 ans, le jour du procès, il sera jugé comme un adulte. Si le mineur est jugé coupable de meurtre ou d’autres délits graves, encourt-il les mêmes peines que celles infligées à un adulte ? Quand un mineur ne respecte pas la loi, il est puni. Mais un mineur ne peut être sanctionné aussi durement qu'une personne ayant atteint la majorité. Lors du jugement, la cour va tenir compte de son âge et de la gravité des faits. La sentence peut être réduite en cas de circonstances atténuantes, comme la santé et l’environnement familial et social du mineur.
[blockquote] « Aucune information pouvant mener à l’identification de l’enfant délinquant ne doit être publiée au risque d’aboutir à sa stigmatisation et compromettre sa sécurité. » [/blockquote]
En outre, le bureau du Directeur des poursuites publiques (DPP) est au centre de l'administration de la justice et dispose de larges moyens juridiques. Lorsqu'une infraction est commise par un mineur, le DPP va évaluer toute conséquence négative que pourraient avoir un éventuel procès et détention de l’enfant sur son avenir. Le DPP peut arrêter toute poursuite judiciaire si l’enfant de moins de 14 ans n’a pas de « discernement » requis par l’article 44 du Code pénal mauricien. Qui se résume que l’enfant n’a pas la faculté à différencier le bien du mal et surtout de comprendre les conséquences de ses actes. Par ailleurs, l’article 45 du Code pénal mauricien prévoit que si l’accusé est âgé de moins de 14 ans et a agi avec discernement, il ne peut être emprisonné dans une maison de correction. Pour rappel, en décembre 2013, un enfant de 10 ans avait mortellement poignardé un homme de 51 ans au cœur. Le DPP avait décidé que la mineure ne sera pas poursuivie en s’appuyant sur l’opinion d’un panel de psychiatres et de psychologues qui avait élaboré le problème de discernement. N’est-il pas temps d’instaurer une cour de justice spéciale pour mineurs ? Est-ce qu’une reforme est nécessaire ? La sauvegarde et la protection de la jeunesse doivent être l’une des priorités de l’État. Le ‘Juvenile Offenders Act’ date de plus de 70 ans. Bien que cette loi ancienne ait été amendée à plusieurs reprises, il reste encore beaucoup de chemin à faire. La criminalité juvénile s’accroît dans des proportions des plus inquiétantes. À ce jour, plusieurs questions se posent : y a-t-il réellement aujourd’hui une explosion de la délinquance des mineurs ? Le mineur d’aujourd’hui est il plus dangereux que le mineur d’autrefois ? Quelle est l’origine de cette délinquance ? On constate que les structures familiales et sociales ont considérablement évolué et perdu de leur stabilité et solidité. De plus, l’enfant au-dessous de 18 ans a une personnalité en construction et n’a pas la même maturité qu’un adulte. Il est vulnérable et a besoin d’être protégé et puni si besoin est. La particularité de leur situation exige des juges et autres officiers spécialisés. À mon avis, il est temps de se dire que les enfants ne peuvent être jugés par les tribunaux de droit commun. Nous avons besoin d’un tribunal pour enfants. Chaque mineur doit être suivi par « son juge » qui assurera une continuité d’intervention à tous les stades des procédures.
Publicité
Related Article
 

Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !