Danielle Selvon en famille: le repos de la guerrière

On aurait tort de croire que Danielle Selvon, députée du no 1, a été portée sous les feux des projecteurs malgré elle. Elle veille au grain à tout ce qui peut nuire aux intérêts du petit peuple. Et lorsque le mari, Sydney, traîne lui-même une longue carrière où se mêlent étroitement journalisme et politique, les combats de Danielle ne peuvent que s’enrichir. Ses interventions à la radio ont sans doute projeté de Danielle Selvon l’image d’une ‘Dame de fer’, tyrannique, autoritaire et ambitieuse. Mais, chez elle, avec Sydney et leurs enfants, Melody et Selwyn, tous deux médecins, et Sheridan, web designer, c’est une toute autre personne qui  égrène les faits saillants de son enfance sur la sucrerie de Médine, où le père, charpentier était le seul à nourrir ses sept enfants. « J’étais la benjamine dans cette famille très pauvre, à une époque ou les études étaient payantes. On a tendance à l’oublier », fait observer Danielle. D’abord inscrite à l’école primaire d’État de Bambous, elle poursuivra le primaire à l’école de Lorette de Vacoas avant de terminer le secondaire au collège de Lorette de Quatre-Bornes. C’est ici que se forgera sa conscience politique et sociale, déjà éveillée lorsqu’elle suivait son père aux meetings du MMM. En ces temps-là, elle habite toujours à Bambous. Lorsque tous les matins, elle voit le bus scolaire du collège de Lorette passer devant elle, sans s’arrêter. « Et pourtant, j’avais le même uniforme. Tous les jours, c’était comme ça et j’arrivais parfois en retard au collège. Et Pourtant, il y avait des places libres dans le véhicule ».

[[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"5143","attributes":{"class":"media-image alignright wp-image-6762","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"400","height":"604","alt":"Danielle et Sidney Selvon"}}]]Leçons

Un jour, en Form III, elle va se révolter. « Peut-être parce que je suis brune et mon père n’est qu’un artisan ». Chez elle, sa mère craint pour le travail de son père. Mais quelques jours plus tard, la direction du collège se ravise : désormais, elle aura sa place dans le bus. « J’en ai tiré des leçons de cet épisode. Les gens ne sont pas forcément méchants, ils sont capables de s’amender, mais je comprends ces personnes lorsqu’ils parlent de la vie entre les champs, avec des voisins de toutes les communautés, c’est une école de la vie ». Avec Sydney, c’est une autre vie qui se superpose à la sienne. Sydney, fan de jazz, était derrière le piano lors du mariage de sœur, et Danielle donnait déjà de la voie lors du concours de chant Sugar Time, en interprétant un morceau de Sacha Distel. Seize années plus tard, leurs routes se recroisent, et cette fois encore, ce sera la même passion de la musique qui scellera leur amour. [blockquote]«Jusqu’à ce jour, notre fidélité est restée comme dès les premiers jours, encore plus consolidée avec nos trois enfants qui nous comblent de bonheur», explique Sydney.[/blockquote] Ce dernier a-t-il joué un rôle déterminant dans les choix de sa femme, lui qui fit partie de la première génération MMM,  lui qui tutoie les Premiers ministres, de sir Anerood Jugnauth à Navin Ramgoolam, en passant par Paul Berenger, Xavier-Luc Duval et Yvan Collendavelloo, entre autres ? « Il m’arrive d’éclairer Danielle sur l’histoire de Maurice, sur certaines arcanes de notre vie politique, entre autres, mais pour le reste, elle s’y connait ». Les Selvon, c’est aussi une famille ouverte sur le monde, pour l’avoir traversé en triangle, d’Australie, où Sydney était ambassadeur, jusqu’au Canada, puis en Chine, où Melody et Selwyn feront leurs études de médecine. L’Empire céleste, c’est aussi le pays où ils ont laissé un peu de leur cœur. « Partout, où j’allais, dans des magasins ou à l’aéroport, les filles voulaient se prendre en photos avec moi, sans doute à cause de mes grandes boucles. On était vraiment aimé, dans certains restaurants, on ne payait rien », se souvient Sheridan, qui a fini par parler le mandarin couramment.

Engagement politique

Au cours de ces voyages, Danielle ne reste pas les bras croisés, elle enseigne le français ou l’anglais tantôt en Australie, tantôt aux Amérindiens du Canada. « Au Canada, il existe une appellation qui désigne les minorités, les « Visible Minority », lesquelles bénéficient d’une  protection contre toute forme de discrimination », explique-t-elle. L’engagement politique a commencé avec son poste de conseiller auprès de Beergoonauth Ghurburrun, ministre du Plan, avant qu’elle n’entame sa sérié de voyages, qui s’achèvera avec ses études de droit, complétées  a Northumberland, à Newcastle et la pratique du barreau en Australie. « J’ai intégré le MSM à la demande d’un émissaire mais j’aurais pu tout aussi me joindre au MMM à ce moment si on m’avait approchée », reconnaît Danielle. En 2013, le MSM fait appel à elle une deuxième fois, où elle reprend sa carte du parti. Son élection en décembre 2014 est-elle sa revanche sur la défaite de son mari, aux législatives de 1976, où ce dernier s’était ensuite vu offrir la députation a titre de best loser et qu’il avait décliné ? « Je ne vois pas les choses ainsi, répond Sydney. A cette époque-là et durant de longues années ensuite, j’ai voulu mener une carrière de journaliste tout en restant un observateur de la politique mauricienne et en étudiant l’histoire de Maurice ». Deux semaines avant sa prise de position frontale contre le projet de loi Bhadain, Danielle Selvon était en Côte d’Ivoire, à titre d’observatrice de l’Union africaine, une expérience qu’elle souhaite renouveler dans d’autres pays africains, afin que Maurice se fraye sa place dans le concert des nations africaines et participe activement à l’histoire contemporaine du continent. « Je ne veux pas être une marionnette au Parlement mauricien, ni rester indifférente a l’actualité africaine ou ailleurs. J’ai trop voyagé pour ne pas comprendre que Maurice a une chance historique à saisir afin de se projeter comme un exemple de démocratie vivante et dynamique. Voilà en quoi s’inscrit mon action, c’est un combat pour lequel je ne baisserai jamais la garde », affirme-t-elle.