Economie

Compensation salariale: ça fait débat

La compensation salariale fait débat. Si pour certains, la question de compensation salariale ne se pose pas, en raison d’un faible taux d’inflation, pour d’autres, il faut quand même compenser les travailleurs. Mais est-ce que la formule annuelle est-elle la seule méthode pour compenser les salariés ?
Le gouvernement a décidé d’accorder une compensation salariale de Rs 150 payable à tous les salariés à partir de janvier 2015. Le ministre des Finances Vishnu Lutchmeenaraidoo a souligné que le quantum décidé est supérieur au taux d’inflation estimé à 1,3 %. Ce montant concerne tous les employés du secteur privé et de la Fonction publique, de même que Rodrigues. La compensation prendra effet après l’adoption au Parlement de l’‘Additional Remuneration Bill’, qui sera présenté le vendredi 11 décembre. Le conseil de ministres, avant d’approuver ce montant, a considéré deux facteurs : ne pas mettre en péril la création d’emploi et soulager la population.

Suttyhudeo Tengur: «Cela affectera les PME»

Le président de l’Association pour la protection de l’environnement et des consommateurs (APEC), Suttyhudeo Tengur, explique que le paiement de la compensation salariale est primordial, car les consommateurs dépensent, à leur tour, sur les produits et services des Petites et moyennes entreprises. Ainsi, une bonne compensation aide à protéger les petites entreprises et contribue à une meilleure croissance économique.

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Selon le syndicaliste Reaz Chuttoo, de la Confédération des travailleurs du secteur privé (CTSP), le but de la compensation salariale est de compenser la perte de pouvoir d’achat. Selon les chiffres compilés par les syndicats, le panier de la ménagère, qui s’élevait à Rs 18 653 en 2009, représente Rs 26 170 aujourd’hui, soit une augmentation de Rs 7 517. Par contre, la compensation salariale cumulée pendant cette période s’élève à Rs 4 670. Selon eux, il faut absolument compenser tous ceux au bas de l’échelle.

Inflation et compensation 2007-2015

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Éric Ng: «Les règles du jeu ne sont pas respectées»

L’économiste Éric Ng nous explique que le gouvernement a fait un effort, mais il trouve que les règles du jeu ne sont pas respectées depuis plusieurs années. Selon lui, l’objectif de la compensation salariale est de rétablir la perte du pouvoir d’achat, mais quand il n’y a pas de perte, le paiement de la compensation ne se pose pas. « On a tendance à payer plus que le taux d’inflation. On paie même quand le taux d’inflation est inférieur au seuil établi. Les règles du jeu ne sont pas respectées », explique-t-il. À notre question s’il n’y a pas d’autres formes de compensation pour les travailleurs, il explique qu’il y a plusieurs moyens de compenser les travailleurs. « Dans le secteur public, il y a le rapport du ‘Pay Research Bureau’. Dans certaines entreprises du secteur privé, il y a déjà le concept de partage de bénéfices avec les employés. Il y a aussi la révision des salaires périodiquement. C’est aussi à la discrétion de l’employeur d’accorder une augmentation supérieure au taux requis par la loi.
 

Darmen Appadoo: «Vaut mieux baisser la TVA»

Darmen Appadoo, travailleur social et président de l’association SOS PAPA, qualifie le quantum proposé comme ‘compensation de la misère’. Il explique que chaque année c’est la même chose, où on convoque les tripartites, mais la décision est déjà prise en avance. Selon lui, le système actuel de détermination de compensation est injuste, car il ne bénéficie pas à tout le monde. « Les employés du secteur public et du secteur privé sont concernés. Mais qu’en est-il des ‘self-employed’ ? Qui va les compenser pour la perte du pouvoir d’achat ? Si les secteurs public et privé ne peuvent débourser, alors comment satisfaire tout le monde ? Eh bien, pourquoi ne pas tout simplement baisser la TVA ? Une baisse de 2 % résultera en une baisse universelle de prix et tout le monde en bénéficiera », suggère-t-il. « C’est la meilleure façon de soulager le peuple. L’État et le secteur privé n’auront pas à débourser. »
 

Amar Deerpalsing: «Des entreprises seront en difficultés»

« La situation économique est déjà difficile. Beaucoup d’entreprises font face à des difficultés. Il faut aussi se rappeler que toutes les mesures annoncées dans le dernier Budget ne sont pas encore implémentées. Je pense que la compensation salariale est un fardeau additionnel pour certaines entreprises, surtout les petites. Ce coût d’opération additionnel impactera sur la qualité du service et les produits finis.»
 

Zohra Gunglee: «Rétablir le pouvoir d’achat par d’autres mesures»

Pour l’économiste Zohra Gunglee, la formule du paiement de la compensation salariale est une vieille tradition mauricienne qui doit évoluer, en tenant compte de la mondialisation. Il n’y a pas que la compensation monétaire pour rétablir la perte du pouvoir d’achat. On doit trouver d’autres moyens efficaces et innovants. Par exemple, je note déjà que le gouvernement a pris la décision de baisser le tarif d’électricité pour ceux aux bas de l’échelle, et d’offrir de l’eau gratuitement aux foyers pauvres. Ces mesures sont déjà compensatoires. Il y a aussi l’annonce d’une baisse de prix de la viande de cabri et de mouton. Puis, il y a eu la récente baisse de prix des carburants. Et les subsides sur les denrées de base sont maintenus. Si on calcule tout cela, la compensation réelle dépasse sûrement Rs 500, voire plus », explique notre jeune économiste.
 

Afribrains: «Investir dans les biens collectifs»

Le Cabinet de consultants Afribrains estime que le fond de la compensation salariale peut être utilisé à meilleur escient pour investir dans des biens et services communautaires afin de bénéficier à la société en général. « D’abord, il est clair que le taux d’inflation est assez faible, donc la compensation salariale est tout aussi faible. Mais la réaction des syndicats est que le montant proposé est si insignifiant qu’il ne sert à rien. J’ai vu qu’un syndicaliste a dit que la compensation qui équivaut à Rs 5 par jour ne peut même pas acheter une paire de ‘dhollpuri’. Je pense qu’individuellement la compensation ne vaut pas grand-chose, sauf pour les plus démunis bien sûr, d’où ma suggestion qu’il est temps que le gouvernement songe à d’autres méthodes de compenser les Mauriciens. Par exemple, les millions de roupies qui serviront à payer la compensation pourraient plutôt être utilisées à augmenter le nombre d’ambulances de la SAMU, à acquérir davantage de véhicules pour transporter les handicapés, ou augmenter le nombre de médecins. On peut facilement trouver d’autres idées similaires pour faire bénéficier à tout le monde. »
 

Rishi Callychurn: «Il faut être réaliste»

Rishi Callychurn, président de l’ONG Greenlife, se dit satisfait par la compensation proposée, quoiqu’il aurait apprécié un plus grand effort de la part du gouvernement. « Il faut être réaliste. Le gouvernement a augmenté les pensions à Rs 5 000 et a fait un bel effort en début d’année en accordant une compensation salariale de Rs 600. Cette année, nous devons comprendre que la situation économique n’est pas facile, surtout avec le lourd héritage des années précédentes. Où trouver l’argent pour payer ? Je pense que nous devons accepter cette compensation de tout cœur, en espérant des lendemains meilleurs. »
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