C’est la stupeur dans le secteur économique après les révélations du Premier ministre sur l’affaire des écoutes téléphoniques, indique Clensy Appavoo. Pour le CEO & Senior Partner de HLB Mauritius, il est impératif de mettre en place des réformes en vue de protéger des données, garantir l’indépendance des institutions et restaurer la confiance du public.
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L’ancien gouvernement est pointé du doigt pour avoir acheté un dispositif de surveillance d’écoute de plus de Rs 5 milliards qui permet d’intercepter aussi bien les appels téléphoniques que les échanges sur les réseaux sociaux et les applications mobiles sécurisées. Comment ces révélations sont-elles perçues dans le milieu des affaires ?
La présence de Missié Moutass pendant la campagne précédent les élections générales de 2024 et ses révélations ont réveillé et en même temps amusé toute l’île Maurice. Le gouvernement d’alors se cachait derrière les insinuations de « fake news » ou de l’utilisation de l’intelligence artificielle … avec les résultats que l’on connaît. Il semble que leurs armes se soient retournées contre eux-mêmes !
Les récentes révélations au Parlement par le Premier ministre ont choqué les Mauriciens. Ces derniers se rendent compte que l’ancien gouvernement n’avait pas de limites dans ses excès et ses ambitions bien mal calculées.
Dans le milieu des affaires, la mise en place d’un dispositif de surveillance aussi intrusif crée une onde de choc, car c’est sans précédent. La confiance est un pilier essentiel pour les entreprises, notamment en ce qui concerne la confidentialité des échanges et la protection des données stratégiques. En gros, il est clair que si les entreprises perçoivent que leurs communications peuvent être espionnées, cela pourrait freiner certaines initiatives, voire inciter des acteurs économiques à repenser leur présence ou leurs investissements dans le pays.
La simple déclaration du Premier ministre selon laquelle le dispositif a été désactivé ne suffit pas pour restaurer la confiance… Une transparence totale est requise pour rassurer tant la population que les investisseurs"
Dans quelle mesure cette affaire risque-t-elle de nuire à la réputation de Maurice auprès des investisseurs et des hommes d’affaires ? Doit-on craindre des conséquences ?
Un scandale de cette ampleur risque d’affecter l’image de Maurice comme un hub d’investissement fiable et sécurisé. Le pays a construit sa réputation sur la stabilité politique, la bonne gouvernance et un cadre réglementaire attractif. Cette affaire pourrait éroder la confiance des investisseurs, notamment ceux des secteurs financiers et technologiques, qui sont très sensibles aux questions de cybersécurité et de confidentialité. Des craintes concernant la protection des données pourraient aussi entraîner des réactions des institutions internationales, ce qui nuirait à l’attractivité du pays dans son ensemble.
En résumé, cette affaire de surveillance à grande échelle ébranle la confiance dans les institutions et alimente les incertitudes politiques et économiques. De ce fait, elle nécessite des réformes immédiates pour restaurer l’image de Maurice auprès de ses citoyens et des investisseurs.
Ces révélations ne fragilisent-elles pas la confiance dans les institutions et n’accentuent-elles pas l’instabilité politique ? Ne risquent-elles pas d’exacerber les tensions sociales et d’accroître les inquiétudes en matière de sécurité, au point de dissuader les investisseurs ?
Cette affaire augmente le risque politique en créant une instabilité parmi les institutions et en suscitant des tensions entre le gouvernement et l’Opposition, voire au sein même de la population. Un climat politique tendu est toujours un facteur d’incertitude pour les investisseurs. De plus, les révélations sur l’espionnage à grande échelle soulèvent des questions sur l’utilisation potentielle de ces informations, notamment pour des actes de chantage ou des manipulations politiques.
Maurice a vécu cela pendant le règne du précédent gouvernement. Toutefois, le Premier ministre a maintenant rassuré la population que les tables d’écoute sera une chose du passé et cela apporte une bouffée d’air frais.
Cette surveillance électronique vient mettre sur le tapis la question de protection de données hautement sensibles comme la liste des clients ou la stratégie des entreprises. Comment jugez-vous le mal commis ?
Cette surveillance électronique menace sérieusement la confidentialité des affaires. Des informations cruciales, telles que les stratégies de marché, les accords contractuels et les listes de clients, risquent d’avoir été exposées. Cela crée un climat de méfiance où les entreprises locales et internationales risquent de revoir leurs pratiques de communication ou même de transférer certaines opérations vers des juridictions perçues comme plus sûres.
Navin Ramgoolam a donné des garanties que ce dispositif a été désactivé. L’assurance qu’il a donnée suffit-elle ? Doit-il faire preuve de plus de transparence ?
La simple déclaration du Premier ministre selon laquelle le dispositif a été désactivé ne suffit pas pour restaurer la confiance. Il est essentiel que le gouvernement apporte des preuves tangibles de cette désactivation, par exemple via un audit indépendant ou une commission d’enquête publique. Une transparence totale est requise pour rassurer tant la population que les investisseurs.
Maintenant que le vin est tiré, il faut le boire. Après ces révélations, le Premier ministre se retrouve-t-il dans l’obligation de venir de l’avant au plus vite avec un programme de réformes qui viendra restaurer la crédibilité dans les institutions ?
Après un tel scandale, le Premier ministre doit impérativement proposer des réformes visant à renforcer la protection des données, garantir l’indépendance des institutions et restaurer la confiance du public.
Ce scandale met en lumière la mauvaise allocation des ressources publiques et renforce le besoin d’une meilleure gestion des finances de l’État"
Réformer les lois sur la surveillance électronique et la cybersécurité permettrait de mieux encadrer ces pratiques. Renforcer les contrôles sur l’achat d’équipements sensibles par l’État garantirait plus de transparence et de sécurité.
Depuis les élections, c’est le grand nettoyage dans les institutions. Or, ce gouvernement a répliqué le même schéma que l’ancien régime en procédant à des nominations sur la base de la proximité politique. Vos commentaires ?
Malgré les promesses de rupture, le nouveau gouvernement semble poursuivre les mêmes pratiques que le précédent en effectuant des nominations basées sur des affiliations politiques. Cela renforce le sentiment que l’État fonctionne selon un schéma clientéliste, ce qui affaiblit davantage la crédibilité des institutions. Pour éviter cela, un système de recrutement basé sur la compétence et la transparence devrait être mis en place. C’est ce qui avait été dit pendant la campagne électorale et aussi repris dans leur manifeste électoral.
En même temps, il faut reconnaître que le gouvernement favorise l’emploi de vrais experts pour diriger certaines institutions clés comme la nomination du Dr Rama Sithanen et ses deux adjoints à la Banque Centrale. Aussi, il faut saluer l’arrivée de Gilbert Gnany et d’Eric Ng au ministère des Finances.
Après ces révélations, la population s’attend aujourd’hui à ce que des VVIP de l’ancien régime répondent de leurs actes. Cela place le gouvernement au pied du mur dans le sens qu’on pourrait interpréter ces actions comme étant une vendetta politique. Quelle posture adopter ?
La population exige des mesures contre les VVIP de l’ancien régime, mais le gouvernement doit veiller à ce qu’elles ne ressemblent pas à une vendetta politique. La meilleure approche serait de confier ces affaires à des institutions plutôt que d’intervenir directement, afin d’assurer un traitement équitable et transparent.
Il est vrai que la liste est longue et que la population attend que justice soit faite dans les affaires qui ont marqué l’actualité de ces dernières années : Kistnen, Juliette, Angus Road, Stag party, Sniffing et bien d’autres encore.
Revenons au montant dépensé pour ce dispositif d’espionnage. On parle-là de plusieurs milliards de roupies, tirées de caisses de l’État, qui auraient pu servir à financer d’autres priorités du pays comme régler la crise de l’eau que connaît actuellement le pays… Vos commentaires ?
Dépenser plusieurs milliards de roupies pour un dispositif d’espionnage, alors que le pays fait face à des crises majeures comme la pénurie d’eau, est difficile à justifier. Ces fonds auraient pu être investis dans des infrastructures essentielles, la santé ou l’éducation. Ce scandale met en lumière la mauvaise allocation des ressources publiques et renforce le besoin d’une meilleure gestion des finances de l’État.
Il est temps pour le gouvernement d’envisager des mesures contre ceux qui ont puisé dans les caisses de l’État pour se servir comme si le pays leur appartenait. Dans certaines juridictions comme Singapore, non seulement les coupables paient le prix d’une poursuite au criminel, mais leurs biens sont saisis.
Micro-trottoir
Sachin, 44 ans, caissier : « Les appareils auraient été bien plus utiles entre les mains de la police pour lutter contre le trafic de drogue »
« Déjà, c’est regrettable qu’autant d’argent ait été investi dans l’achat d’équipements de surveillance de masse. Je pense que vu le gros investissement, les équipements de surveillance auraient pu être réutilisés plutôt que détruits. Ils auraient été bien plus utiles entre les mains de la police pour lutter contre le trafic de drogue. Plutôt que de gaspiller des milliards en les détruisant, il aurait été plus judicieux de les utiliser pour piéger les gros trafiquants et nettoyer le pays de la drogue. »
Nahid, 20 ans, étudiant : « S’il faut utiliser la surveillance, il faut qu’elle soit strictement encadrée... »
« Pour moi, c’est une atteinte à la vie privée. Personne ne devrait écouter nos conversations sans notre consentement. Cet argent investi dans l’achat de ces équipements aurait pu servir autrement, comme baisser le prix de l’essence ou des produits de première nécessité. On aurait pu investir dans des domaines qui aident réellement la population. S’il faut utiliser la surveillance, alors qu’elle soit strictement encadrée par des spécialistes et des autorités compétentes, uniquement pour résoudre des affaires criminelles, pas pour espionner les citoyens. »
Ashraf Kerban, 26 ans, employé de magasin : « L’ancien parti au pouvoir était vraiment une mafia »
« Cette situation est très mauvaise, mais le nouveau gouvernement doit redresser le pays. Avant, on nous surveillait trop. L’ancien gouvernement devait partir, il y avait un vrai problème de respect de la vie privée. Espérons que cette fois-ci, les promesses seront tenues. Il faudra du temps pour redresser la situation, mais au moins, on avance. L’ancien parti au pouvoir était vraiment une mafia. »
Caroline, 51 ans, entrepreneure : « Beaucoup de Mauriciens restent inquiets »
« La liberté a été bafouée. Aujourd’hui, je ne suis pas rassurée quand je parle au téléphone ou quand j’envoie un message. Comment être certaine que nos conversations ne soient plus écoutées ? Nous avons voté pour le changement, et nous attendons maintenant des preuves concrètes. Le gouvernement a promis de ne pas être voyeur, mais beaucoup de Mauriciens restent inquiets. »
Priya, 26 ans, auditrice : « C’est une somme d’argent énorme qui aurait pu être mieux utilisée »
« Je suis très déçue. C’est une somme d’argent énorme qui aurait pu être mieux utilisée. Taxer des produits alimentaires pour investir ailleurs, d’accord, mais encore faut-il que cet argent soit bien géré et profite réellement à la population. »
Marie Laure, 72 ans, retraitée : « C’est grave que l’ancien gouvernement ait dépensé autant d’argent pour espionner le peuple »
« Ce n’est pas juste. Il y a tellement de gens dans le besoin. Cet argent aurait pu être utilisé pour les aider au lieu d’être dépensé ainsi. C’est grave que l’ancien gouvernement ait dépensé autant d’argent pour espionner le peuple au lieu de penser aux plus vulnérables avant tout. »
Benoit Doger, 51 ans, salesman : « La liberté est un droit constitutionnel »
« Ce n’est pas juste ! La liberté est un droit constitutionnel et elle doit être respectée. Dépenser autant d’argent dans la surveillance, c’est du gaspillage. On aurait pu utiliser cet argent pour aider les plus démunis, améliorer les services, construire des logements. Il y avait tellement d’autres priorités ! »
Une affaire qui enflamme les réseaux sociaux depuis les révélations mardi dernier à l’Assemblée nationale
L’affaire de la surveillance de masse, y compris le phone tapping, suscite de vives réactions sur les réseaux sociaux. L’acquisition d’un dispositif à hauteur de Rs 5 milliards pour surveiller la population est perçue comme un gaspillage d’argent public.
« Un appareil à Rs 5 milliards pour espionner le peuple ? Foufff », s’indigne un citoyen.
« Il y avait déjà des dispositifs d’écoute et des espions dans certains restaurants. Ils prenaient des photos et les envoyaient à leurs agents dans les différentes régions », affirme une personne.
« Quel gâchis ! Avec cet argent, on aurait pu investir dans des projets écologiques, comme des usines de dessalement ou des parcs éoliens offshore, afin de mieux faire face à la sécheresse. Pourquoi ne pas utiliser l’eau non traitée pour produire de l’énergie et l’injecter dans le réseau du CEB ? » s’interroge un autre.
Sur le plan politique, un observateur souligne que « la population a longuement souffert sous le gouvernement de Pravind Jugnauth et les urnes ont reflété ce mécontentement. Le gouvernement actuel a un mandat de cinq ans et doit honorer ses promesses électorales. Sinon, il subira le même sort que l’ancien régime. »
Un autre se demande : « Où sont passés ces milliards ? Avec une dette nationale atteignant Rs 600 milliards, des institutions en difficulté et des vies perdues – notamment celle de Soopramanien Kistnen –, ne faudrait-il pas interpeller un ancien ministre des Finances pour avoir approuvé un tel budget de Rs 5 milliards, au détriment de la population ? »
« Les équipements seront-ils détruits ou réutilisés ? Et si oui, pour quel usage ? Toujours le même ? » ironise un internaute.
Enfin, un autre exprime sa lassitude. « Ils ont tous bien profité du système. Cette situation existe depuis trop longtemps… Jusqu’à quand cela va-t-il durer ? » peut-on lire.
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