Chemin Rail, Argy : «La drogue se vend comme des petits pains»

Des dénonciations, une liste des trafiquants soumise à la police, des habitants cloués chez eux et la prolifération libre de la drogue. Cela se passe à Résidence Argy dans le district de Flacq. Selon les habitants, la drogue est vendue au vu et au su de tout le monde.

« Camion salete nepli kapav rentrer. Camion livraison pas gagn acces. L’Adsu pa pe zoue so role. » C’est ce que déclarent les habitants de la Résidence Argy. Depuis ces dernières années, expliquent-ils, les grands comme les petits s’adonnent à des activités illicites dans les ruelles, principalement à Chemin Rail. Selon leurs dires, leur quartier est devenu le principal fournisseur pour la région de l’Est. « Les dealers fournissent toutes les régions des alentours. Des personnes de quatre coins de Flacq viennent se procurer de la drogue librement, notamment de l’héroïne, du gandia et du synthétique, entre autres », affirme une mère de famille.

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Un sentiment d'amertume s'est installé dans le quartier.»

Une visite s’impose. Aux alentours de 14 heures mardi, la ruelle à Chemin Rail est mouvementée. Un groupe de jeunes, certains torses nus, fait le va-et-vient. Des bouteilles de boissons alcoolisées à la main, ces huit jeunes, âgés entre 20 à 30 ans, sont déjà dans un état second. Comme les autres badauds, ils examinent minutieusement les véhicules qui empruntent ce chemin en pleine journée. Toutes les maisons sont clôturées par du béton ou à l’aide de feuilles de tôle placées les unes sur les autres.

Ce groupe, selon des habitants, squatte cette ruelle depuis tôt dans la matinée pour « protéger leur boss ». Ce dernier, déjà dénoncé à la brigade anti-drogue par les habitants, réside dans une maison à étage où plusieurs caméras de surveillance CCTV sont installées. « Nous sommes convaincus qu’il est le boss et qu’il a la mainmise sur tout mais ce sont ses acolytes qui font le sale boulot. Ils prennent les commandes et la livraison se fait plus loin », souligne un père de famille.

Dans un rayon de 15 mètres, trois jeunes âgés de 16 à 23 ans, plongés dans un état second également, sont perchés sur des rochers. Ils attendent leurs « clients ». Moins d’une dizaine de minutes plus tard, une voiture de couleur blanche se pointe. Après avoir discuté avec le premier groupe, le conducteur entame une brève discussion avec le deuxième. Un échange a lieu et la voiture repart. L’un des trois jeunes hommes se rassoit pour compter sa liasse de billets.

C’est un sentiment d'amertume qui s’est installé dans ce quartier où les habitants craignent de plus en plus pour leur sécurité. « Si ou denoncer, bane la brile ou lakaz, menas ou. Ou alle la police, zot fini kone », confie une femme. Selon cette dernière, le boss est un ami de Kaviraj Chuckhowree, arrêté en juin à son domicile à Flacq, avec Rs 3 millions en sa possession.

Une marche pacifique contre la drogue a été organisée le 21 juin par les habitants de la localité. « Le plus jeune dealer n’a que 14 ans et les badauds lui ont donné des cigarettes et de la drogue synthétique gratuitement pendant un mois. En contrepartie, il travaille pour eux maintenant. Chacun a un rôle spécifique dans ce trafic. Certains sont payés pour surveiller le Chemin Rail et ils ont pour rôle d’informer les autres de l’arrivée des véhicules de la brigade anti-drogue. » Outre le trafic de drogue, les habitants dénoncent un réseau de prostitution dans la localité.

Rs 150 000 de bijoux vendus à Rs 5 000

Le vol a eu lieu l’an dernier, selon un travailleur social. Un jeune de 19 ans à St-Rémy, Flacq, aurait volé les bijoux de sa sœur qui était sur le point de se marier. Selon cet interlocuteur, l’adolescent aurait agi sous les ordres des badauds de la Résidence Argy. « Il a vendu ces bijoux au dealer pour Rs 5 000 et il obtenait deux doses de drogue gratuitement par jour. » Pire : le jeune homme, toujours sous les directives des dealers d’Argy, a filmé son père lorsqu’il ouvrait le coffre-fort. La vidéo devait être remise à ses « amis », mais le plan a échoué lorsque sa famille a découvert la vidéo sur son cellulaire. « Il avait comme mission de donner le code secret du coffre-fort à ces toxicomanes. Heureusement que la famille à découvert le pot aux roses à temps. »

Mise en place du Mouvement : Anti-drogue de l’Est

Plusieurs habitants, hommes d’affaires, médecins, l’Eglise catholique, le Groupe Zevi Vre Zom (ZvZ), le journal communautaire gratuit de l’Est et des parents, dont les fils sont décédés à cause du fléau de la drogue, ont créé une association. C’est le Mouvement Anti-drogue de l’Est qui a organisé une marche pacifique le 21 juin dernier pour dénoncer plusieurs trafics dans les quartiers, notamment à Riche-Mare et principalement Résidence Argy.