26 janvier 2014. Ce jour restera à jamais gravé dans la mémoire de Marie Aurélie Sarajane Brune. Elle a perdu son bras droit après un accident de la route à Souillac. Elle avait alors 14 ans. Agée aujourd’hui de 23 ans, elle est mère d’une fille de trois ans. Sa vie n’est pas un long fleuve tranquille mais elle se démène pour surmonter les obstacles rencontrés au quotidien. Elle revient sur cette partie de sa vie qui a détruit son adolescence et lui a laissé des séquelles.
Dans cet accident, c’est Patrice Julien Jordan Martial qui était au volant. Cet habitant de Souillac et sa mère ont été poursuivis devant la cour intermédiaire. Ils s’en sont sortis avec des amendes (lire hors texte).
Le jour fatidique, Marie Aurélie Sarajane Brune s’était rendue à la fête d’anniversaire de son oncle à Surinam en compagnie de sa sœur et d’autres proches. Patrice Julien Jordan Martial a, par la suite, proposé de les déposer chez leur grand-mère.
Selon Marie Aurélie Sarajane Brune, le chauffeur roulait à grande vitesse. « Mo ti dir li pa roul vit Julien, li dir kifer to per tansion to pa marie. » L’inévitable s’est produit, le conducteur ayant brusquement changé de voie avant de déraper.
« Mo lebra inn arase avek enn pano. Mo pann santi okenn douler, zis enn angourdisma. Mo pa ti pe konpran ki pe arive. Mo ti ena konesans e mo ti pe rod sorti depi loto-la. Me mo trouv enn sel lame ki pe vini. Apre ki monn realize mo lebra inn arase », raconte Marie Aurélie Sarajane Brune, peinant à revenir sur les faits.
Quelque chose qui la ronge depuis ce jour est que le chauffeur n’a, à aucun moment, essayé de l’aider ou tenté d’extraire les autres occupants du véhicule. « Mo ankor rapel sa kouma dir c’était hier. Mo ti ena 14 ans. Mo ti ena mo lavenir devan mwa. Monn bien mal viv sa. Se ankor enn size bien sansib pou mwa », souligne la jeune mère sous le coup de l’émotion.
Notre interlocutrice marque une courte pause avant de s’élever contre le jugement prononcé par la cour intermédiaire à l’encontre de Patrice Julien Jordan Martial. « Mo vrema atriste, mo ena enn koler dan mwa. Mwa kinn soufer, mwa ki pe lite toulezour. Mo pa dakor ar sa desizion lakour-la ditou », martèle la jeune femme en colère.
Neuf ans après ce drame, Marie Aurélie Sarajane Brune a repris en charge sa vie qui était pénible pour elle. Avec le soutien indéfectible de ses parents et proches, elle a réussi à remonter la pente. Elle a appris à s’adapter, que ce soit à l’école ou dans sa vie quotidienne. La jeune femme a dû tout recommencer à zéro. Vu qu’elle était droitière, c’était difficile pour elle de tout faire avec son bras gauche. Mais elle y est parvenue. Et elle a repris goût à la vie.
« Sa aksidan-la inn fer mwa rekil an arier. Mo ti perdi konfians ar lavi, ar mwa. Ena fwa mo ti mem panse pou swiside. Mo fami ti pe afekte par sa, mo ti pe plore toulezour », soutient la jeune femme qui est employée comme réceptionniste dans une compagnie d’assurances à Port-Louis. Elle déclare s’être reprise en puisant aussi son courage et sa force dans des prières.
Aujourd’hui mariée à Lucas Brune et mère d’une fille de trois ans qui se prénomme Precious, Marie Aurélie Sarajane Brune vit sa vie à cent à l’heure. Elle a appris à s’adapter dans la vie familiale, à s’occuper elle-même de son enfant et avec le soutien de son époux. « Mo ena kouraz, mo bizin leve. Mo ena enn fami et mo ena zanfan », dit-elle. Faire la vaisselle, faire le lit, s’occuper de sa personne, de sa fille, elle ne recule plus devant rien désormais. Elle le prend comme un défi, un combat au quotidien.
Lucas Brune : « Je suis admiratif devant ma bien-aimée »
Agé de 29 ans, Lucas Brune est l’époux de Marie Aurélie Sarajane. Ils se sont rencontrés en 2015. Ensemble, ils ont une petite fille née le même jour que sa maman. Lucas souffre également d’un handicap et porte une prothèse à la jambe gauche. Le jeune homme est admiratif devant son épouse depuis que celle-ci lui a raconté ce qu’elle a traversé. « Li sirmonte bokou kitsoz, linn soufer bokou. Momem mo inpresione ar li. Li okip nou zanfan, li fer tou. Nou lavi pa fasil me nou trouv enn fason pou nou debrouye », explique-t-il.
Pour Lucas Brune, cet accident aurait pu être éviter. Mais le chauffeur a été négligent. « Li pa imin sa. Se enn las. Linn debalans lavi Aurélie, so lavi zenes, so lavenir ». Le jeune homme dit respecter la décision de la justice mais raconte que son épouse était très affectée moralement par les comparutions au tribunal. « Li pa fasil ditou sa, pou fer fas a bann regar. Kez pe ranvwaye, sofer-la pe sorti souryan alor ki mo madam bizin res koumsa avi li. Nou les tou dan lame lao la », conclut Lucas Brune.
Le conducteur et sa mère écopent d’amendes
Il avait causé un accident ayant provoqué l’amputation du bras droit de Marie Aurélie Sarajane Brune qui était alors âgée de 14 ans. Cet accident de la route avait eu lieu le 26 janvier 2014 sur la route Royale à Souillac. Patrice Julien Jordan Martial, un peintre de 30 ans, a écopé, le 29 juin 2023, d’une amende de Rs 40 000 pour coups et blessures involontaires par imprudence devant la cour intermédiaire. Quant à sa mère, Marie Juliette Isabelle Martial, 50 ans, elle a été condamnée à une amende de Rs 40 000 pour entente délictueuse. Elle avait comploté avec son fils afin de faire croire à la police que c’était elle qui était au volant de la voiture au moment des faits.
Hormis l’amende, le peintre a vu son permis de conduire invalidé pour une période de 24 mois. Il a écopé d’une amende de Rs 8 000 pour non-assistance à personne en danger. Il devra également s’acquitter de trois amendes de Rs 3 000 chacune, pour avoir conduit un véhicule alors qu’il était détenteur d’un « learner », pour avoir omis de placer sur la voiture la lettre L et pour avoir utilisé un véhicule dont les pneus étaient usés.
Toutefois, le trentenaire a été disculpé pour avoir failli à rapporter l’accident dans le délai prescrit par la loi, soit quatre heures. La Cour a statué que la poursuite n’avait pas pu établir cette accusation.
Le 13 juillet 2016, le Directeur des poursuites publiques avait engagé un procès contre la mère et le fils devant la cour intermédiaire. À l’entame du procès, le peintre avait plaidé non coupable pour les charges de coups et blessures involontaires par imprudence, de non-respect du délai pour signaler un accident à la police et de non-assistance à personne en danger. Il avait plaidé coupable pour les autres accusations. Quant à sa mère, elle avait plaidé coupable pour entente délictueuse.
Dans son jugement rendu le 27 juin 2023, la magistrate Darshana Gayan est revenu sur les circonstances entourant l’accident. Elle a rappelé que cet accident avait causé l’amputation du bras droit de Marie Aurélie Sarajane Brune. Celle-ci et sa sœur Marie Lorrie Rashelles Volcy étaient des passagers de la voiture. Les deux jeunes femmes ont témoigné au tribunal.
Pour la magistrate, il ne fait aucun doute que le peintre roulait à une vitesse excessive, au vu des dommages subis par le véhicule et du fait que l’impact a été si violent que Marie Aurélie Sarajane Brune a eu le bras sectionné.
« Excuse à la victime »
De plus, soutient Darshana Gayan, le trentenaire n’aurait pas dû utiliser le véhicule, car les pneus étaient usés et parce qu’il était détenteur d’un permis provisoire. Aussi, il n’y avait pas de lettre L sur la voiture pour indiquer qu’il était uniquement détenteur d’un « learner ». Par ailleurs, la voiture contenait six personnes, dont quatre étaient assises à l’arrière.
Le plus grave, poursuit la magistrate, est qu’au lieu de porter assistance à Marie Aurélie Sarajane Brune, le conducteur a appelé sa mère pour venir à sa rescousse en laissant la jeune femme dans un bain de sang.
Le peindre avait dit, dans sa déposition à la police, qu’il ne savait ce qui s’était produit et ne se souvenait de rien. Puis, il était revenu sur ses dires en affirmant que c’était lui qui avait enlevé son T-shirt pour l’attacher au bras de Marie Aurélie Sarajane Brune. Or, celle-ci a déclaré que ce sont des passants qui sont venus lui porter assistance.
Quant à la mère, elle avait fait des aveux face aux enquêteurs. Elle voulait prendre la responsabilité de l’accident. Toutefois, elle n’avait pas pu donner des détails sur l’accident. Et pour cause, affirme la magistrate, elle n’était pas présente.
Avant l’énoncé du jugement, mère et fils ont présenté des excuses à la victime et à sa famille. La mère a expliqué avoir agi de la sorte en voyant l’état de son fils. Ce dernier a soutenu avoir tiré des leçons de ses erreurs.
Concernant les peines à infliger, la magistrate dit avoir considéré que les délits remontent à 2014, soit neuf ans avant l’issue du procès. Elle s’est aussi référée à la jurisprudence pour conclure que de lourdes amendes seraient justifiées dans ce cas.
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