Les Petites et moyennes entreprises (PME) appelées à devenir « l'épine dorsale de l'économie », sont condamnées à se battre pour devenir un secteur porteur. Ce n'est pas l'ouverture de la MauBank, annoncée pour janvier 2016, qui y changera quelque chose. Amar Deerpalsing, président de la Fédération des PME s'est confié au Défi Quotidien.
Le lancement de la MauBank permettra, selon le ministre des Finances de proposer des solutions bancaires et non-bancaires aux Petites et Moyennes Entreprises. Pensez-vous que cette nouvelle banque sera une planche de salut pour les petits entrepreneurs mauriciens?
Nous sommes un peu déçus au niveau des PME. Nous nous attendions que le gouvernement créé une banque dédiée aux petites et moyennes entreprises comme promis dans le budget. A l'époque on nous avait promis une SME Bank qui devait être une one-stop-shop pour les PME et on avait même décidé qu'elle se trouverait au rez-de-chaussée du SICOM Building à Ebène. Il était même question que le gouvernement investisse Rs 10 milliards sur cinq ans, soit Rs 2 milliards chaque année, pour permettre à la SME Bank d'accorder des prêts aux petits entrepreneurs sans garantie. Or, nous voyons cette fois que la MauBank, un nouvel établissement bancaire, né de la fusion de deux banques, disposera d'un comptoir pour les PME. C'est exactement ce que font les autres banques commerciales et nous savons quel a été le résultat avec les autres banques. Il n'y a donc pas de « focus » sur les PME.
Quelle est la principale préoccupation des petits entrepreneurs ?
Le principal problème des PME, c'est l'accès au financement. Nous nous attendions à ce que la nouvelle banque vienne nous soulager, mais on nous dit qu'il faudra attendre janvier 2016. En attendant on ne sait toujours pas quelles seront les modalités des prêts. Le ministre a parlé de succursales de la nouvelle banque. Or, nous savons tous que les succursales n'ont aucun pouvoir de décision. Il faudra donc continuer à se tourner vers le quartier général de la banque. D'ailleurs, dans le cas de la DBM, les petits entrepreneurs préfèrent s'adresser au « Head Office» de la banque. La lourdeur administrative étant ce qu'elle est, il faudra s'attendre au même « red tape » et au même goulot d'étranglement en ce qui concerne le traitement des demandes de prêts des PME.
Vos aviez, dans un passé pas trop lointain, émis l'idée de "sub contracting" pour les PME, en invitant les grosses entreprises à sous-traiter une partie de leurs commandes aux PME. Cette proposition a-t-elle été retenue et a-t-elle donné des résultats probants ?
Il n'y a pas eu de sous-traitance. Quand il y a contraction de l'économie, les grosses boîtes ont tendance à tout centraliser. Nous constatons, par exemple, que les « Big Five » font de tout. Je peux citer l'exemple de ce conglomérat qui a lancé un gros projet mais qui s'est occupé de tout allant du jardinage à la sécurité des lieux en passant par le syndic et le ramassage d'ordures. En ce faisant, ce groupe vient marcher sur la platebande des PME car ce sont des activités qui auraient pu être confiées à des petites et moyennes entreprises.
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[blockquote]« La SMEDA n’encadre pas les petits entrepreneurs pour qu'ils deviennent des exportateurs »[/blockquote]
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Vous aviez aussi fait des propositions pour les contrats publics…
J'ai aussi proposé qu'en cas d'allocation de gros contrats par l'Etat, il y ait du "unbundling", c'est-à-dire que le contrat soit réaménagé afin que plusieurs compagnies, y compris les PME, puissent en profiter mais ce n'est malheureusement pas le cas. Par exemple, pour les travaux de maintenance ou pour le gardiennage des établissements publics, le gouvernement peut regrouper ces établissements par région. En regroupant une dizaine d'écoles et de collèges situés dans une même région afin de permettre à un maximum de pourvoyeurs de services de bénéficier des contrats et de créer des emplois. Le gouvernement y trouverait également son compte puisque ces « services providers » seraient en concurrence les uns avec les autres. Cela apporterait du « buoyancy » dans l'économie. Malheureusement le gouvernement, lui-même, ne donne pas le bon exemple.
Mais quid de la situation quand l'économie est florissante ?
Quand l’économie est prospère, les grosses entreprises se concentrent sur leur « core business », mais dans certains secteurs la tendance à contrôler et à conserver toutes les opérations entre les mains d'un même groupe persiste. C'est le cas pour le commerce notamment. Un groupe engagé dans des activités commerciales se lance, à la fois, dans l'importation, la distribution et la vente au détail. Comment voulez-vous qu'il y ait de l'espace pour que les petites ou moyennes entreprises puissent émerger? On ferme la porte à toute forme de partenariat avec les PME. Cela équivaut à de l'accaparement.
Qu'en-est-il des possibilités d'exportation pour les PME qui fabriquent des produits de qualité ?
C'est un « scheme » qui a été mis en place par le gouvernement il y a quelques années déjà et qui continue mais cela dépend du bon vouloir d'Enterprise Mauritius. Cet organisme gouvernemental ne connaît pas réellement nos besoins. Savez-vous qu'il n'y a pas de représentant du ministère des Petites Entreprises et des Coopératives ou de la SMEDA sur le Board d'Enterprise Mauritius? Notre voix n'est pas entendue. Très souvent on nous invite à participer à des foires destinées aux grosses entreprises. Il faut savoir qu'il n'y a pas que les foires de vêtements, il y a aussi celles de l'ameublement, ou des produits en plastique, entre autres. Je dois aussi parler des lacunes au niveau institutionnel car la Small & Medium Enterprise Development Authority (SMEDA) n'encadre pas les petits entrepreneurs pour qu'ils deviennent des exportateurs. Sur le plan agricole, par exemple, nous importons 80 % de ce que nous consommons alors que nous aurions pu les produire nous-mêmes et exporter le surplus vers les pays de la région. Il n'y a aucune raison pour que nous importions des frites ou des carottes surgelés. On n'exploite pas suffisamment le potentiel dont nous disposons dans plusieurs secteurs.
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