Durant ces deux dernières années, plus d’une centaine de PME ont mis la clé sous le paillasson. Plusieurs raisons se cachent derrière ce choix douloureux. Le plan directeur pour le développement des PME rendu public cette semaine lève le voile sur ces facteurs.
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1. La démotivation
22 % des PME qui ont fermé leurs portes durant ces deux dernières années l’ont fait pour cause de démotivation, indique-t-on dans le 10-Year Master Plan for the SME Sector in Mauritius. Des données qui n’étonnent pas Amar Deerpalsing, le président de la Fédération des PME. « Quand une PME démarre une entreprise, bien souvent le climat des affaires y est favorable. Toutefois, ce climat n’est jamais statique. Plusieurs facteurs internes et externes, qui sont en dehors du contrôle de l’entrepreneur, viennent affecter l’entreprise. Ces raisons font que l’entrepreneur n’arrive plus à vendre son produit/service. Et quand il va frapper à plusieurs portes, mais n’arrive pas à obtenir l’aide dont il a besoin, il se décourage. Un sentiment qui s’accroît jusqu’à ce qu’il prenne la décision fatidique d’abandonner son activité », explique-t-il.
Amar Deerpalsing souligne une autre réalité : « Si les entrepreneurs qui ont connu des success-stories sont source d’inspiration pour les nouvelles PME, tel n’est plus vraiment le cas aujourd’hui. Ces derniers temps, les entrepreneurs aguerris font eux-mêmes face à des difficultés. Ils n’arrivent plus à grimper l’échelle. Ce qui les décourage d’une part, et n’incite pas les potentiels PME à se lancer, d’autre part », avance notre interlocuteur.
2. Les défis du marché
La compétition, les difficultés à vendre leurs produits/services sur le marché local, les contraintes à exporter… Les défis qu’impose le marché poussent certaines PME à opter pour la fermeture. 16 % des PME sondées ont avancé cette raison pour expliquer leur fermeture. « Il y a beaucoup de concurrence sur le marché. Un entrepreneur n’est pas et ne sera jamais le seul à vendre un produit/un service sur le marché. Si son produit/service n’est pas compétitif, s’il y a des failles au niveau de sa productivité et de la visibilité de son produit ou encore s’il ne fait pas preuve d’innovation et de créativité, il ne pourra se différencier », avance Amar Deerpalsing. Dans de tels cas de figure, son produit/service est laissé-pour-compte. Et qui dit plus de vente ou peu de vente, dit difficulté pour l’entreprise à s’en sortir. D’où la fermeture dans plusieurs cas.
3. Motifs personnels
14 % des PME sondées ont décidé de cesser leurs opérations pour des raisons personnelles. Certains entrepreneurs abandonnent le métier pour des soucis de santé. D’autres parce qu’ils sont arrivés à l’âge de la retraite et n’ont pas de successeur.
« Si dans le passé, c’était naturel pour les enfants de reprendre l’entreprise de leurs parents, tel n’est plus le cas aujourd’hui. Ces jeunes privilégient leur propre carrière. Il faut dire aussi que l’entrepreneuriat n’est pas un métier facile. Il requiert beaucoup de sacrifices et les jeunes ne veulent pas de ce genre de vie », souligne Amar Deerpalsing.
4. L’environnement des affaires
Elles seraient au nombre de 11 % des PME à avoir mis la clé sous le paillasson en raison des règlements imposés par les collectivités locales et le gouvernement. Il faut savoir qu’il faut compter environ deux à trois mois pour obtenir un permis en vue d’exercer une activité commerciale. Pour une activité industrielle, il faut prévoir environ six mois.
« Si aujourd’hui, les normes et les conditions qu’il faut respecter pour obtenir des permis sont plus claires, le problème se pose toujours en termes du nombre de permis. À titre d’exemple, pour une seule activité, il faut parfois cinq à six permis. Et pour avoir ces permis, il faut se tourner vers au moins dix institutions. L’entrepreneur se fait donc balader d’une institution à une autre. C’est pourquoi nous avons toujours réclamé une harmonisation et une rationalisation à ce niveau », remarque Amar Deerpalsing.
5. Problématiques financières
Sujettes à des difficultés financières qui se caractérisent souvent par un niveau d’endettement élevé et une insuffisance de cash-flow, 11 % des PME sondées ont choisi la voie du dépôt de bilan.
« Même les grosses entreprises cotées en Bourse sont endettées de nos jours. Si elles ont recours à des levées de capitaux pour continuer leurs activités quand les banques ne veulent pas les suivre, les PME, elles, n’ont pas cette option », fait ressortir Amar Deerpalsing. D’où sa demande pour reformer les services de financement accordés aux PME. « Il faudrait aussi vulgariser les autres types d’instruments financiers auxquels les PME ont droit », ajoute-t-il.
6. Facteurs liés à l’emploi
8 % des PME interrogées n’existent plus de nos jours pour des facteurs liés à l’emploi. Pour Amar Deerpalsing, ce problème est très récent. « Les Mauriciens ont aujourd’hui tendance à considérer le travail dans une PME comme étant précaire et temporaire. Ainsi, dès qu’une opportunité se présente, ils quittent l’entreprise », observe notre interlocuteur. En conséquence, plusieurs entreprises font face à un manque de main-d’œuvre. Pourquoi n’ont-elles pas recours à la main-d’œuvre étrangère ? « Importer de la main-d’œuvre comporte son lot de tracasseries administratives assez lourdes. D’autre part, il faut compter des coûts annexes (billet d’avion, logement,….). Ce qui décourage les entrepreneurs », fait-il ressortir.
7. Gestion interne de l’entreprise
5 % des PME sondées ont jeté l’éponge pour des raisons liées à l’opération interne de l’entreprise. « En raison de plusieurs facteurs hors de leur contrôle (changement de politique, soubresauts au niveau mondial, etc.), les entrepreneurs sont découragés. Ils n’investissent pas dans la technologie qui est devenue une nécessité aujourd’hui et, par conséquent, ne se modernisent pas. Du coup, leur produit n’est plus compétitif, leur activité n’est plus efficiente, leur service devient mauvais et la qualité du produit est figée dans le temps », souligne le président de la Fédération des PME.
8. Facteurs professionnels
Environ 5 % des entreprises sondées fermé leurs portes car elles n’ont pas les compétences pour assurer une gestion professionnelle de leurs opérations. « Ce problème de manque de compétences prend de l’ampleur car de plus en plus la nouvelle génération préfère travailler à l’étranger », déplore Amar Deerpalsing.
Quant au problème de gestion, il a toujours existé, avance notre interlocuteur. « Si auparavant, les entreprises, qui avaient des soucis de gestion, ont pu se battre et se maintenir à flot ou encore ont été reprises par d’autres entrepreneurs, tel n’est plus le cas aujourd’hui. L’entreprise part en fumée dès qu’il y a ce problème et les autres entrepreneurs ne sont plus intéressés à reprendre les activités en difficulté », conclut-il.
175 PME
ont mis la clé sous le paillasson en 2014/2015, selon les données de Statistics Mauritius. Les chiffres pour 2016 n’ont, toutefois, pas encore été compilés.
Selon un spécialiste des PME, ce chiffre ne reflète pas forcément la réalité du terrain dans la mesure où certaines PME ne sont pas enregistrées auprès des autorités.
Parama Valaydon (président de la SMEDA) : «Un bon projet trouve toujours les fonds nécessaires»
Un comité a été constitué pour s’assurer que les premières recommandations du plan directeur pour le développement des PME sont mises en oeuvre, indique Parama Valaydon, président de la Small and Medium Enterprises Authority (SMEDA).
Le 10-Year Master Plan for the SME Sector in Mauritius a été rendu public cette semaine. Quel sera l’apport des PME dans la mise en place des mesures annoncées ?
La SMEDA a un rôle crucial à jouer dans la mise en place de ce plan directeur. Un Project monitoring committee a d’ailleurs été mis sur pied pour s’assurer de l’exécution des premières recommandations. Nous allons, toutefois, donner priorité aux objectifs à court terme dans l’immédiat. Nous comptons redynamiser et restructurer les services offerts par MyBiz et les incubateurs de la SMEDA.
Ce plan directeur fait le point sur les facteurs sous-jacents à l’échec des PME. Que compte faire la SMEDA pour y remédier ?
La SMEDA joue sur trois plans. D’abord, la proximité, à travers nos six incubateurs (Saint-Pierre, Henrietta, Bel Air, Goodlands, Coromandel et Mahébourg) où nous offrirons des conseils aux entrepreneurs qui sont en difficulté. De plus, nous misons sur des formations sur des problématiques aussi variées que la gestion et le marketing. De même, les entrepreneurs ont accès à des formations pointues sur les petits métiers dans le but de formaliser le secteur informel. Troisièmement, nous poussons les PME à miser sur la technologie et l’innovation. À titre d’exemple, par le biais d’un logiciel sur ordinateur, les mécaniciens pourront savoir d’où viennent les failles d’un véhicule sans avoir à démonter le véhicule.
Pourquoi certaines PME réussissent et d’autres non ?
Les PME qui n’arrivent à pas aller jusqu’au bout sont celles qui, ont, dès le départ, mal préparé leur dossier. Elles ont mal étudié leur stratégie de marketing, n’ont pas prévu de fonds propres ou de fonds de roulement ou encore elles ont mal ficelé leur étude de faisabilité. Il y a aussi les PME qui demandent un prêt d’un montant exagérément supérieur à la somme dont elles ont véritablement besoin. Or, un bon projet trouve toujours les fonds nécessaires. À ce niveau, plusieurs mesures ont été introduites. Les start-up ont droit à un taux d’intérêt de 3 % (après juin 2015) et bénéficient d’une exemption de huit ans sur l’Income tax. Notre but est de favoriser les nouvelles PME à exploiter les nouveaux secteurs comme l’aquaculture et l’industrie océanique qui sont susceptibles de créer des emplois additionnels.
EN CHIFFRES
124 972 petites et moyennes entreprises ont été enregistrées dans le pays en 2016. Un chiffre qui passera à 140 000 d’ici aux dix prochaines années.
47 % des PME actuelles, qui génèrent un chiffre d’affaires ne dépassant pas Rs 2 millions, emploient un maximum de cinq personnes.
7 % des PME emploient plus de 21 personnes et brassent un chiffre d’affaires de plus de Rs 10 millions.
3 % des PME enregistrées exportent leurs produits/services.
7 % des PME n’ont pas de statut légal. Elles opèrent donc dans le secteur informel.
9 % des PME seulement détiennent une Trade Licence.
38 % des entrepreneurs ont un Business Registration Number.
42 % des PME se sont enregistrées en tant que compagnie et 2 % en tant que coopérative.
31,5 % des PME sont spécialisées dans le commerce alors que 15,8 % des entrepreneurs sont engagés dans l’agriculture et la pêche. On ne compte que 0,1 % de PME dans le secteur financier.
40 %. C’est la contribution des PME au produit intérieur brut (PIB) du pays
54,6 %. C’est le pourcentage du nombre d’emplois que fournissent actuellement les PME dans le pays.
Source : 10-Year Master Plan for the SME Sector in Mauritius
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