Alléger les charges administratives pour l’importation de la main-d’œuvre, mettre en place des espaces de vente et des zones industrielles dédiées aux PME et réduire le nombre de permis requis pour faire un business. Ce sont-là les principales attentes des PME pour le Budget 2016-17, souligne Amar Deerpalsing, le président de la Fédération des PME. Entretien.
[blockquote]« Ebène n’existerait pas sans l’innovation des PME. »[/blockquote]
MauBank a financé les PME à hauteur de Rs 461,68 millions sous le ‘Small and Medium Enterprises Financing Scheme’ depuis sa création en septembre 2015. Elle devient ainsi la quatrième banque, après la MCB, la SBM, la Barclays à financer le plus les PME sous ce ‘scheme’. Quelle lecture faites-vous de ces données ?
Quand le ‘scheme’ a été lancé en 2011, la Mauritius Post & Cooperative Bank et la Bramer Bank ont financé les PME tout comme les autres banques. Quand ces deux banques ont fusionné, la MauBank a hérité de leurs clients. La question que je me pose est combien d’argent la MauBank a-t-elle accordé aux PME. La somme de Rs 461,68 millions reflète-t-elle la totalité des crédits avancés par la MPCB et la Bramer ? Il serait intéressant de savoir s’il y a eu une augmentation au niveau de l’octroi des prêts aux PME ou pas.
Dans quelle mesure ce plan a-t-il permis aux entrepreneurs de financer leurs projets de développement et de résoudre leur problème de ‘cash-flow’ ?
Ce qu’il faut retenir avec ce ‘scheme’, c’est que le gouvernement y apporte une garantie additionnelle de 35 % en sus de l’apport de l‘entrepreneur. Les risques sont ainsi mitigés. Qui dit moins de risque, dit aussi taux d’intérêt préférentiel. À travers l’accord établi entre le gouvernement et l’ensemble des banques, le taux pratiqué inclut le Repo Bank plus 3 % sur tous les emprunts, les ‘overdrafts’ et les ‘import loans’. Ainsi, la charge financière des PME est allégée à la fin du mois ou de l’année, car elles paient moins d’intérêts.
Ce qui a permis de soulager beaucoup de PME. À travers cette garantie additionnelle, les banques ont pu dégager des fonds additionnels à être alloués aux PME. Il faut, toutefois, souligner que les conditions d’emprunts n’ont jamais été assouplies et que les charges et autres frais bancaires, que les PME considèrent comme étant excessifs, sont toujours les mêmes.
Est-ce toujours un parcours du combattant pour les entrepreneurs quand il s’agit d’accéder aux sources de financement ?
C’est le cas non seulement pour les PME, mais aussi pour l’ensemble de la population, du simple employé au grand patron. Toutefois, les grandes entreprises ont l’avantage de pouvoir lever des fonds à travers des obligations, parfois hors du circuit bancaire. Citons Omnicane, ABC Banking, Attitude Resort, entre autres. Ce qui malheureusement n’est pas à la portée des PME.
Le Budget approche à grand-pas. Quelles sont les principales attentes des PME ?
Nous avons six principales attentes. Premièrement, un soulagement au niveau des charges administratives par rapport à l’importation de la main-d’œuvre étrangère. En deuxième lieu, des aides pour que les PME puissent avoir accès à des espaces de vente et de marketing pour leurs produits. Il faudrait aussi que les PME aient plus d’accès au financement. Quatrièmement, il faudrait qu’il y ait des zones industrielles dédiées aux PME. En cinquième lieu, il faudrait réduire le nombre de permis requis pour faire un business. Actuellement, près de 400 permis sont délivrés par de multiples institutions. Il faudrait également accélérer la facilitation des affaires. Dernièrement, il faudrait aider les PME à prendre avantage des accords préférentiels régionaux avec le COMESA, la SADC et le COI.
Année après année, les autorités insistent sur le rôle primordial que les PME jouent dans le développement du pays. Or, il semblerait que les mesures budgétaires annoncées se révèlent être des effets d’annonce…
Si on prend le dernier Budget, il y a peu de mesures en faveur des PME qui ont été concrétisées. On espère que le nouveau ministre des Finances jettera les jalons pour que le pays puisse progresser et qu’il ramènera la confiance nécessaire pour que l’investissement suive.
On reproche souvent aux PME de pêcher en termes d’innovation et de ne pas moderniser leurs outils de production. Ces critiques sont-elles fondées ?
Oui et non. Si les PME n’avaient pas innové, Ebène n’aurait pas existé. Cette zone est composée essentiellement de PME. Les grandes sociétés traditionnelles du pays n’y sont pas implantées. Par ailleurs, les nouveaux piliers économiques tels que les Tic ou encore le secteur financier sont essentiellement menés par les PME tout comme les secteurs émergents (énergie verte, bio-farming, économie bleue…) seront développés essentiellement par les entrepreneurs. Là où le bât blesse, c’est que le support institutionnel favorisant l’innovation et la créativité pêche énormément.
Il n’y a pas beaucoup de PME qui ont les moyens de financer les coûts de recherche et de développement et le manque de support étatique accentue le problème.
On s’attend donc à ce qu’un certain pourcentage du Produit intérieur brut (PIB) soit alloué à l’innovation, la créativité et le transfert de technologies. À titre d’exemple, dans plusieurs pays développés, des sociétés sont de véritables moteurs de recherche, de développement, de l’innovation et de la créativité. Toyota, par exemple, transfère ses recherches aux PME qui sont ses fournisseurs de pièces de rechange et d’accessoires nécessaires à l’assemblage de ses voitures. Or, à Maurice, nous avons essentiellement trois industries qui font tout le contraire. Dans l’industrie cannière, les grandes sociétés ont fait le développement vertical et horizontal, ainsi elles produisent elles-mêmes de l’énergie, de la mélasse, de l’éthanol, font du packaging, etc.
Il n’y a rien pour les PME. Idem pour l’industrie manufacturière, essentiellement le textile où le fil, le tissu, la broderie, les vêtements, l’emballage, bref toutes les opérations sont réalisées par les grosses entreprises. Dans le tourisme, avec l’avènement du « all inclusive », les grands hôtels offrent toutes les facilités à l’intérieur de l’enceinte de leurs établissements. Ce qui freine le développement des PME. On s’attend à ce que le gouvernement favorise l’implantation de grandes sociétés telles que Samsung, Microsoft, Panasonic, etc. Ce qui permettrait aux PME de bourgeonner et de s’épanouir autour de ces industries pour offrir des services et autres produits voire même éventuellement exporté vers l’Afrique.
La région et l’Afrique représentent une fenêtre d’opportunités pour les entrepreneurs. Or, valeur du jour, les exportations des PME locales vers la région du COMESA est marginale. Qu’est-ce qui les empêche à percer sur le continent ?
Les coûts pour exporter vers ces marchés difficiles sont trop onéreux pour être financés par les PME sur une base individuelle. Les grandes compagnies qui ont fait une percée en Afrique n’ont pas eu un effet d’entraînement pour amener les PME à les soutenir dans leurs opérations. Si les PME veulent réussir en Afrique, la stratégie à être adoptée serait de s’unir pour aller conquérir le marché africain et il y a de la place pour tout le monde. Il faut, toutefois, se rendre à l’évidence que tous les produits et services des PME mauriciennes n’auront pas de succès sur le continent africain. Il y a donc un gros travail à faire pour adapter les produits et services mauriciens au goût et aux besoins des Africains. Un travail qui serait impossible à réaliser sans l’intervention de l’État. Il faut, toutefois, agir maintenant, car plus le temps passe, plus les entrepreneurs des autres pays sont en train de tirer davantage du pouvoir d’achat grandissant de la classe moyenne africaine. Si on tarde trop, on ratera le coche.
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