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Un oublié de la société : «Je suis SDF … and so what ?»

Photo d'illustration

« Si on devient un SDF (sans domicile fixe) rejeté de la société, si on a un regard sur moi comme un ‘n’importe’, si on me traite comme d’un moins que rien, je vous dis : and so what ? Certains sont là par des circonstances malheureuses », dit cet homme. Voici l’histoire d’Ary, universitaire et ex-enseignant de français et féru de littérature, mais qui a atterri à la rue. Comme lui, à l’abri de nuit et sous des ponts et des magasins, ils sont nombreux à galérer.

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Ils apparaissent la nuit, quand tout le monde s’endort. Sous les ponts, devant les magasins ou au fond d’une impasse. Ce sont comme des fantômes. Leur train de vie, on ne sait si c’est dur ou facile. En ce froid d’hiver, les fines pluies dans la soirée, toute leur maison tient dans une boîte en carton. Ils connaissent tous les coins et recoins sombres pour se cacher aux yeux de la société.

De père de famille à SDF

« J’étais dans mon cocon. J’avais une vie une de famille, une femme, des enfants, un job. J’ai tout mis à la poubelle. Je suis devenu presque une poubelle moi-même. Aujourd’hui, je suis un sdf. Comment en suis-je arrivé là ? », se demande Ary, qui détient un diplôme universitaire.

« La vie est un long fleuve tranquille. Pour certains. Pour d’autres, c’est un désastre. Comme la mienne. Je vous raconte ma vie. Il y en a des milliers comme moi. Et vous vous en foutez. Et je m’en fiche. Comme les autres. Je m’appelle Ary. Je suis né il y a presque 64 ans. J’ai des parents dans le Nord du pays, à Rivière-du-Rempart, à Rose-Hill et à  Beau-Bassin. Deux grands frères et une petite sœur. J’ai étudié les langues à l’Université de Maurice. J’ai travaillé dans plusieurs collèges d’État. Aujourd’hui, je suis une épave. Je me lave quand je peux. Je me rase les dimanches au centre de Marie Reine de la Paix. Tous mes effets personnels tiennent dans un sac que je cache quand je quitte les lieux. Je mange quand je peux. Souvent on m’offre à manger. Je suis dans cette situation depuis des années. Je suis désespéré. C’est mon train de vie. À qui la faute ? Pourtant, j’ai tout fait pour arriver, trouver ma voie au sein de la société et de la famille. Je n’ai rien vu venir. Je me suis réveillé un beau jour et la réalité a été dure à avaler. » 

« Je n’ai pas choisi cette vie »

La rue c’est son domicile. Ary vit tantôt sous les ponts de la capitale, tantôt sur la Montagne des Signaux. « Mon domicile dépend de la météo. Comme il fait froid et qu’il pleut de temps en temps, je squatte les ponts. Sinon, en été, j’élis domicile sur la montagne », ajoute cet ancien enseignant de français.

Ary vivait une vie tranquille, paisible. Il avait sa petite famille. Du jour au lendemain, sa vie est devenue un cauchemar. Il s’est trop vite rapproché des amis peu fréquentables. Il a commencé à boire de l’alcool et de plus en plus, il ne pouvait plus s’en passer. Il néglige son travail. Ensuite sa famille. « Lors de cette descente aux enfers, je ne réalisais pas le mal que je faisais autour de moi. À ce moment de ma vie, je prenais ma famille pour acquise. Je ne pensais qu’aux amis avec lesquels j’avais des parties de beuverie tous les après-midis. Qui est vite devenu mon quotidien », confie le SDF.

Passionné de littérature, Ary a par la suite goûté à la cocaïne. « Je ne sais même plus comment j’en suis arrivé à prendre de la drogue », explique ce dernier. Et de là, c’est une suite de violences au sein de la maison familiale. Ses frères se distancient de lui. Son épouse et ses filles en font de même. « Plus mes filles grandissaient, plus elles avaient honte de moi. Et un beau jour, elles ont eu marre de moi et m’ont mis à la porte. J’avais tellement honte que je n’y suis plus retourné. Les jours sont devenues des années», se désole ce père de famille.

Le visage amoché, les vêtements sales, les dents jaunies par la cigarette. Cela fait presque 17 ans qu’Ary vit dans la rue. Il est un grand-père qui n’a pas vu ses petits-enfants depuis des années. D’ailleurs, il ne se souvient plus de la dernière fois qu’il les a vus. « J’ai trois petits-enfants. Aujourd’hui, ils sont proches de la vingtaine je crois. Je ne les reconnaîtrais même pas dans la rue », raconte-t-il les larmes aux yeux.

Toutefois, Ary a essayé en plusieurs occasions de sortir de la rue. Il a fréquenté des centres, assisté à des programmes de réhabilitation. Aujourd’hui, il dit ne plus toucher à la drogue mais est toujours sous l’influence de l’alcool. Il vit de sa maigre pension de troisième âge, qu’il dépense avec les bouteilles. S’il ne se fait pas voler. Sinon, pour se faire un peu de sous, il se transforme en jardinier ou porteur de bonbonne de gaz.

Par ailleurs, son seul regret reste sa famille. « Personne de ma famille ne cherche à me joindre, me retrouver ou avoir de mes nouvelles. J’ai passé quelques années dans l’abri de nuit. J’avais changé et j’avais repris contact avec eux. Ensuite, plus rien. Mes enfants ont leur vie de famille. Mon épouse a refait sa vie. Mes frères ont mieux à faire. Je me retrouve seul », poursuit notre interlocuteur. C’est ainsi qu’il se voit mieux à la rue, là où il n’est pas vraiment nécessaire de côtoyer les gens. « Je suis seul, c’est triste. J’aurais aimé un peu de soutien et d’amour. C’est la vie. Il faut faire avec. Néanmoins, je suis tranquille et je m’y suis fait à cette vie », réplique Ary.

 

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